« Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? »
« Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? » En écoutant le texte, on a d’abord l’impression que ces deux questions s’adressent au Samaritain guéri. Cependant, Jésus poursuit : « Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Dans notre texte, il n’est question ni de disciples, ni de foules autour de Jésus. C’est comme s’il s’adressait directement à nous.
« Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? » Oui, tous les dix ont été purifiés, mais un seul est revenu. Tous les dix ont rencontré Jésus, tous les dix ont reçu quelque chose de lui. Neuf s’empressent de retourner à leur petite vie comme si de rien n’était. Ils vont se montrer aux prêtres qui les déclarent guéris et sont réintégrés à la société. Un seul a le désir d’aller plus loin avec Jésus.
Cela ferait presque penser à ce que nous vivons à longueur d’année lors de la célébration des baptêmes, des premières communions, des confirmations, des mariages, ou encore des temps forts que sont Noël, Pâques ou les Journées Mondiales de la Jeunesse. La principale différence, c’est que nous aimerions bien que même une personne sur dix revienne sur ses pas !
Être touché, mais aussi transformé, faire une rencontre ponctuelle et revenir, c’est encore l’histoire de Naaman le général syrien lépreux. Dans son pays lointain, il a entendu parler du prophète Élisée et du Dieu d’Israël. Il est venu, il a été guéri et il désire ne pas en rester là. La rencontre d’un jour lui a donné le désir de rester pour toujours en communion avec le Seigneur, le seul vrai Dieu. Voilà pourquoi il emporte de la terre du pays sur laquelle il pourra offrir des sacrifices au Seigneur.
Tous ici nous avons fait une rencontre avec le Seigneur. Cela n’a pas forcément été quelque chose de bouleversant sur l’instant. C’est peut-être seulement quelques années après que nous réalisons que, si nous sommes là pour célébrer le Seigneur alors que nous pourrions être ailleurs, c’est parce que nous l’avons rencontré et que nous avons eu le désir d’aller plus loin avec le Seigneur, de le chercher, de le suivre, de rester en communion avec lui.
Prenons le temps de nous en réjouir : le Seigneur est venu me chercher là où j’étais, et j’ai eu le courage de persévérer avec lui depuis ce jour. Notre histoire personnelle avec le Seigneur est toujours une histoire de rencontre qui se poursuit par une communion de vie.
Tous autant que nous sommes, c’est grâce à quelqu’un d’autre que nous avons rencontré le Seigneur. Certains, comme Paul, comme Timothée, comme votre serviteur, se consacrent entièrement à être les entremetteurs du Seigneur, les serviteurs de la rencontre, pour permettre à un maximum de personnes d’être atteintes par lui.
Par ailleurs, si Paul a écrit à des communautés et à des personnes, c’était aussi pour leur enseigner comment faire pour qu’existent des lieux de communion avec le Seigneur, des lieux où les personnes qui ont rencontré le Seigneur peuvent renouveler cette rencontre aussi souvent qu’elles le souhaitent, jusqu’à ce qu’il ne s’agisse plus simplement de rencontres épisodiques, mais d’une véritable communion avec le Seigneur, dans le Seigneur.
Jésus dit au Samaritain guéri de sa lèpre : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. » Être sauvé, c’est cela : rencontrer le Seigneur, entrer en communion de foi et d’amour avec lui et demeurer dans cette communion.
On entend parfois dire que les mystères de notre foi, par exemple la Trinité ou l’Incarnation, sont trop compliqués à comprendre. Au final, quelle importance pour nous que Dieu soit une personne, ou trois, ou douze ? Quelle importance pour nous que Jésus soit Fils de Dieu ou fils de Joseph, qu’il soit vraiment fils de Marie ou non ?
C’est important, car il en va de notre salut, c’est-à-dire d’être ou non en communion avec Dieu. Si Jésus n’est pas vraiment homme, comment est-il possible de le rencontrer vraiment ? S’il n’est pas vraiment Dieu, comment peut-il nous mettre en communion avec le Père ? Et comment notre communion en Dieu pourrait-elle durer toujours si Dieu n’était pas en lui-même une communion de personnes ?
L’Église est le peuple de Dieu, le corps du Christ, le temple de l’Esprit, le lieu de la communion vitale avec le Père, par le Fils, dans l’Esprit. « L’Église, écrivait le théologien Charles Journet, c’est l’Évangile qui continue. » L’Église, c’est Jésus qui continue de parler du Père, d’exhorter et de consoler, et, par les sacrements, d’associer des hommes et des femmes à sa mort et à sa résurrection. « Si nous sommes morts avec lui, écrivait Paul à Timothée, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. »
Et les autres alors ? Notre foi nous affirme que Dieu offre à toute personne le moyen d’être en communion avec lui. De l’autre côté de la planète, de l’autre côté de la rue, des hommes et des femmes vivent dans la grâce de Dieu sans le baptême, sans même connaître Jésus.
Comme Naaman, ils ont été touchés et ils ont le désir d’aller plus loin. Au plus profond d’eux-mêmes, ils voudraient qu’il y ait un Dieu qui se penche sur la misère des hommes ; ils désirent qu’on leur dise qui il est et ce qu’il a à dire aux hommes ; même dans leurs rêves les plus fous, ils n’osent pas imaginer qu’il existe un lieu où ils puissent entendre de sa part « Le Seigneur soit avec vous », « Je te pardonne tes péchés », « Prenez et mangez, ceci est mon corps ».
Cette communion dont ils n’osent pas rêver, nous la vivons quotidiennement. Prenons conscience de la grâce qui nous est faite. Essayons de vivre à la hauteur de notre appel. Efforçons-nous de faire de l’Église ce lieu où celui qui a rencontré le Seigneur un jour aime à demeurer avec lui toujours.
Père Alexandre-Marie Valder