Acclamation. Crucifixion. Salut.
Acclamation. Crucifixion. Salut.
« Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Aux portes de Jérusalem, la foule acclame le Seigneur Jésus en agitant des palmes. Quelques jours plus tard, Pilate présente Jésus à la foule et la même foule crie : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! » Que s’est-il donc passé ?
Les amis de Jésus ne sont pas en reste dans cette histoire. Eux aussi l’ont laissé tomber les uns après les autres. Lorsqu’une femme vient lui verser du parfum sur la tête, Jésus annonce que bientôt il ne sera plus là : « Moi, vous ne m’avez pas pour toujours » et aussi qu’il sera bientôt enseveli. À ces mots, Judas décide de le livrer à ses ennemis. Ensuite, lorsque Jésus est arrêté, la plupart de ses amis l’abandonnent. Enfin, lorsqu’il est condamné à mort, Pierre le renie à son tour et s’enfuit.
Ce sont bien les mêmes gens qui avaient assisté aux nombreuses guérisons opérées par Jésus, qui avaient écouté ses enseignements, et ce sont les mêmes qui se retournent contre lui à Jérusalem. Ce sont bien les mêmes disciples qui avaient vécu avec lui pendant trois ans, qui avaient guéri les malades et chassé les démons en son nom, et ce sont les mêmes qui le laissent tomber. C’est bien le même Pierre qui avait été le confident privilégié de Jésus, qui avait vu la pêche miraculeuse, la transfiguration de Jésus sur la montagne, qui l’avait vu rappeler des morts à la vie, et c’est lui-même qui affirme ne pas le connaître.
Aujourd’hui nous étions nombreux pour faire mémoire de l’entrée de Jésus à Jérusalem. Beaucoup cependant sont déjà partis en emportant leurs rameaux bénis. Combien resterons-nous pour accompagner Jésus dans sa mort et sa résurrection jeudi, vendredi, samedi et dimanche ?
Que s’est-il donc passé ? Quel est le problème ? Où est le malentendu ? Pourquoi tant d’hommes et de femmes sont-ils déçus par Dieu, le Père de Jésus-Christ ? Le Dieu de Jésus-Christ ne leur donne pas ce qu’ils attendent de lui. De leur côté, ils ne sont pas intéressés par ce que Dieu leur apporte.
En accueillant Jésus à l’entrée de Jérusalem, les foules criaient « Hosanna », c’est-à-dire « Viens donc nous sauver ». Quelques jours plus tard, les mêmes personnes, en passant au pied de la croix se moquaient en disant : « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même. »
Beaucoup de gens auraient voulu que Jésus les sauve en enlevant leurs problèmes : leur pays était occupé par les Romains, ils souffraient de maladies, ils avaient parfois faim, et surtout ils avaient peur de la mort. Effectivement, le Seigneur Jésus a guéri des malades et il a nourri des personnes, il même rappelé des morts à la vie. Cependant, il n’est pas venu d’abord pour enlever nos épreuves en ce monde, mais pour nous apprendre à vivre comme des fils et des filles de Dieu le Père.
C’est vrai, Jésus ne s’est pas sauvé lui-même. Il n’a pas répondu à la violence par la violence. Il n’a pas laissé ses disciples le protéger à coup d’épée. Il n’a même pas cherché à se défendre lors de son procès.
Le salut chrétien ne consiste pas à se sauver soi-même, mais à se laisser sauver par un autre, par le Père. Jésus s’est abandonné en toute confiance entre les mains du Père, à travers l’arrestation, l’abandon, la souffrance et la mort. Et nous croyons que c’est là le chemin de la vie. Saint Paul nous dit : « Il est devenu obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté. »
Jésus n’est pas venu enlever nos épreuves en ce monde. Il nous assure que, dès aujourd’hui, nous pouvons vivre comme des fils et des filles, traversant les épreuves dans la confiance en l’amour du Père, attendant ce jour où nous entrerons dans la paix, « libérés de tout péché, à l’abri de toute épreuve. »
Un disciple de Jésus a toujours besoin de se laisser sauver par le Père. Les personnes qui sont déjà rentrées chez elles avec leur rameau béni n’ont pas besoin du Père : elles ont leur rameau. Il y aussi des chrétiens qui pensent de la même manière : elles ont tout fait, leur baptême et leurs communions, elles n’ont pas besoin du Père.
Jésus n’est pas venu enlever nos problèmes ; il est venu faire de nous des fils et des filles du Père, et donc des frères et des sœurs dans l’Église. On ne se sauve pas soi-même, et on ne se sauve pas non plus tout seul. Le Seigneur a voulu que nous ayons besoin les uns des autres dans l’Église, afin que la force et la joie des uns soit le soutien de ceux qui, à un moment donné, sont dans la peine, que la prière et l’exemple des saints et des saintes parvenus auprès de Dieu soit notre réconfort dans nos épreuves d’aujourd’hui.
Nous ne sommes pas des anges. Nous sommes des hommes et des femmes, des êtres humains faits de matière et d’esprit, des êtres humains qui vivent dans le temps et dans le monde, des êtres humains qui vivent en société avec d’autres. Dieu ne nous demande pas de sortir de notre condition humaine pour être sauvés. Il vient nous rencontrer là où nous sommes.
Autrefois, Jésus aurait pu entrer à Jérusalem à pied. Ça aurait été plus rapide, plus efficace, mais il a pourtant demandé à ses disciples d’aller lui chercher un petit âne. « Le Seigneur en a besoin », a-t-il dit en guise d’explication. Aujourd’hui, Jésus pourrait aussi nous rencontrer directement. Il a préféré se laisser conduire à nous par ces petits ânes que sont les paroles, les récits et les personnages de la Bible, par les chants de la messe, par les frères et les sœurs chrétiens, par les prêtres qui nous aident à méditer le message de l’Évangile, par ce pain et ce vin qui vont devenir son Corps et son Sang.
« Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »
Père Alexandre-Marie Valder