« Aujourd’hui s’accomplit ce passage »
« Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’écriture que vous venez d’entendre » Nous avons déjà entendu ces paroles de Jésus dimanche dernier. Cela se passe dans la synagogue de Nazareth au pays de l’enfance de Jésus. Saint Luc les reprend aujourd’hui pour nous faire part de la suite au cours de laquelle les choses vont se corser.
Jésus vient de faire la lecture du prophète Isaïe, paroles pleines d’espérance qui annoncent ce que produira la venue du messie : bonne nouvelle pour les pauvres, retour à la vue pour les aveugles, libération des opprimés, etc…Mais les choses se gâtent lorsque Jésus déclare : tout cela va se réaliser aujourd’hui. D’abord écouté avec bienveillance, Jésus va susciter l’indignation et même la fureur de son auditoire.
De quoi se même-t-il ? il est de chez nous, on le connaît bien, on connaît sa famille. « Nul n’est prophète en son pays, » c’est bien connu. Je me souviendrai toujours de la première homélie que j’ai du faire dans mon village. Comme on dit j’étais attendu au tournant.(miraculeusement…).
A Nazareth les gens ont entendu parler des miracles que Jésus avait faits à Capharnaüm. Qu’il en fasse autant dans son pays d’origine, c’est tout ce qu’on lui demande. Mais Jésus va élever le débat car ce qui se passe à Nazareth est à l’image de ce qui se passe en Israël. « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas accueilli »
On l’a accusé de changer la loi de Moïse. Il ne l’a pas changée, il l’a portée à son accomplissement. C’est comme lorsqu’on nous dit aujourd’hui qu’on change la religion. Ce n’est pas grave si ce n’est pas en contradiction avec l’évangile. Jésus avait une religion qu’il n’a pas reniée mais qu’il a voulu purifier. Le jugement dernier ne portera pas sur la religion mais sur l’amour du frère.
Jésus va faire comprendre que Dieu accueille aussi les nations païennes et même ceux qui sont brouillés avec la religion. Il est venu pour tout le monde. Il va le montrer au cours de sa vie publique et avant lui les prophètes Élisée et Élie vont œuvrer dans le même esprit. Ce qui ne passe pas, ce qui est inadmissible c’est l’amour infini et universel de Dieu pour tous les hommes. Et il n’est pas certain que cela se passe bien dans l’Église. « Catholique » veut dire « universel ».
Le problème des migrants qui se pose à notre monde occidental et de tradition chrétienne est-il abordé sous cet angle, je ne le crois pas. (Quand un pays de tradition catholique construit une barrière infranchissable à sa frontière) Fort heureusement, beaucoup d’organisations chrétiennes ou non réagissent dans le bons sens.
Mais en fait c’est chacun de nous qui doit se sentir concerné. Il va falloir nous habituer à croiser, à rencontrer toujours plus de nouveaux venus qui selon notre foi sont autant de frères à aimer. Du fait que nous les voyons nous sommes en présence du Christ, et souvent c’est un Christ souffrant qui en eux, continue sa passion. Et de ce fait nous sommes invités à une réponse d’amour si nous acceptons sa présence en nous.
Les gens de Nazareth n’ont pas compris qu’en Jésus c’est Dieu qui vient en notre humanité, une humanité qui dépasse de loin les frontières d’Israël. Ils sont fermés à la présence divine et donc fermés à l’accueil. N’est-ce pas ce que nous vivons trop souvent en portant un jugement sur nos frères.
Jésus annonce que la prophétie d’Isaïe qu’il vient de citer va se réalise dès maintenant. C’est aujourd’hui que les aveugles vont voir la lumière, que les prisonniers vont être libérés, que les opprimés vont ère soulagés : c’est maintenant et pas dans un avenir incertain comme le pensaient ses interlocuteurs. C’est maintenant avec Jésus et avec nous, mais pas sans nous.
Il ne fait aucun doute que l’arrivée de Jésus a profondément bouleversé le monde religieux de l’époque. Ce messie ne peut pas être celui qu’on attendait et surtout qu’on avait imaginé. Il n’est pas l’envoyé de Dieu et encore moins le Fils de Dieu.
Certes Il dit des choses intéressantes, qui remuent les mentalités .Il parle avec autorité. Les signes qu’il accomplit sont extraordinaires mais à certains moment on trouve qu’il exagère. Il refuse la force, la puissance, il choisit la faiblesse ; Il accueille les pécheurs que tout le monde marginalise. Ses apôtres, qui le suivent parce qu’ils trouvent son enseignement passionnant, à certains moments se posent des questions. Quand Il annonce qu’il va souffrir, Pierre n’est pas d’accord.
En réalité Jésus inaugure un ordre nouveau pour le monde, un ordre annoncé par les prophètes mais on pense que c’est pour plus tard, dans un avenir indéterminé. Alors que Jésus nous dit c’est aujourd’hui que cela commence. Ceux qui veulent suivre Jésus vont devoir changer, se transformer. Mais sont-ils prêts à le faire ?
Cela change beaucoup de choses, beaucoup d’habitudes prises; Et les plus fortes résistances vont venir du monde religieux de l’époque. Ils étaient installés dans leur système comme des rats dans un fromage et ils s’en trouvaient fort bien. Jésus bouscule trop les choses.et parfois il ne fait rien pour calmer. Le scandale des marchands du temple le met en colère.
Et si pour notre part, nous sommes trop bien installés dans nos pratiques habituelles, nous risquons de passer à côté de l’essentiel. Il faut nous rappeler sans cesse qu’en Jésus Christ, c’est Dieu qui fait alliance avec nous et qu’au comble de l’amour Il est venu vivre avec nous et Il y est resté présent par son esprit. Alors que la création avait échoué de par notre faute. Il vient inaugurer une nouvelle création fondée sur l’amour. l’amour infini qu’il vient nous proposer de la part de Dieu son Père.
Cette merveille nous dépasse. Pour la comprendre il faut nous convertir et fonder notre espérance sur l’homme Jésus, sur la puissance de son amour et non sur les gadgets que le monde nous propose tels l’argent le pouvoir, la possession, le succès, soi disant des gages de bonheur mais qui vont finir par nous asservir. Il faut nous méfier en ce temps de pré-élections de ceux qui nous promettent le bonheur si on vote pour eux. Nous ne devons laisser à personne le droit de décider à notre place de notre bonheur. Le bonheur que Jésus nous propose se trouve dans les béatitudes. C’est du solide.
Paul qui avait été désarçonné par la puissance de l’amour de Dieu. Après avoir persécuté les chrétiens, il avait tout compris. Qui es-tu Seigneur ? Je suis Jésus que tu persécutes.
Nous venons d’entendre ce magnifique passage qu’on a appelé l’hymne à l’amour. Avec Jésus Christ « l’amour ne passera jamais » proclame-t-il. Nous avons là le cœur de l’évangile qu’il appelle le chemin par excellence. Quand il écrit « l’amour prend patience, l’amour ne se gonfle pas d’orgueil, l’amour n’entretient pas de rancune mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai », il dessine un magnifique portrait de Jésus dans sa simplicité et sa vérité. Comme on dit parfois, il ne va pas chercher midi à quatorze heures. On comprend que beaucoup de fiancés choisissent ce beau texte pour leur mariage. Tout finit par passer en ce monde, mais comme l’apôtre le dit à la fin « L’amour ne passera jamais ». Forcément puisque Dieu est amour.
Père Claude Houot