» Vous verrez, votre cœur sera dans l’allégresse …. «
Frères et sœurs, la deuxième lecture nous a fait entendre les tout derniers mots de la lettre aux Galates. Rappelons-nous le contexte : Paul réagit sévèrement pour mettre en garde sa communauté contre les faux apôtres qui travestissent l’Evangile à leur profit. Alors que Paul appelle à la conversion de toute la vie, à l’attachement radicale à Jésus-Christ, eux prétendent qu’on peut se contenter de quelques pratiques extérieures qui n’engagent pas. Et bien sûr, les Galates s’empressent d’abandonner l’Evangile pour courir vers eux.
Si nous continuons de lire la lettre aux Galates aujourd’hui, c’est sans doute pour ne pas oublier qu’il y a à toutes les époques des faux apôtres. Ils parlent parfois au nom de Jésus, mais leur seul souci est de plaire aux hommes et d’éviter tout désagrément ; ils disent oui à tout, ils racontent aux gens ce qu’ils veulent entendre, ils bradent le ciel – même hors périodes de soldes. A l’époque de Paul, les faux apôtres disaient : « Soyez circoncis dans votre chair, cela remplacera avantageusement la conversion profonde. » Je laisse à chacun le soin de discerner les faux évangiles qui nous sont annoncés de nos jours, y compris parfois dans nos églises.
Au contraire, lorsque Jésus envoie devant lui les 72 disciples, et les milliers d’autres qui les ont suivis depuis 2000 ans, il leur confie un message de conversion : « Le règne de Dieu s’est approché ! Le règne de Dieu est là ! Allons ! Changez vos cœurs ! Rejetez ce qui fait obstacle à Dieu ! Changez votre manière de vivre ! Préparez le chemin pour que Jésus vienne ! Aimez sans relâche comme Jésus, même lorsque ça coûte ! »
Frères et sœurs, nous croyons fermement que la miséricorde de Dieu nous est offerte gratuitement. Nous attendons la consolation promise au Ciel et il n’est pas rare que nous en goûtions déjà quelque chose dès aujourd’hui. En même temps, nous disciples du Christ, nous savons qu’il n’est pas d’autre chemin de salut que de suivre Jésus au plus près, y compris en passant par la croix.
Je ne souhaite absolument pas nous inquiéter, encore moins nous décourager. Retenons simplement les deux éléments suivants.
Premièrement, si l’on nous annonce un Evangile sans la croix, méfions-nous. Si l’on nous promet le ciel juste comme ça, juste en « étant fidèles à nous-mêmes », juste en suivant nos envies, juste parce que nous n’aurions « pas tué, pas volé, pas trop menti », comme on dit, méfions-nous. Allons… La récompense sans l’effort ? Nous n’y croirions pas si l’on nous parlait d’un régime amaigrissant ou d’un placement immobilier, alors moins encore pour la seule chose qui compte : la vie avec Dieu.
Deuxièmement, et c’est le point le plus important : lorsque nous traversons des moments difficiles par fidélité à Jésus, n’ayons pas peur ! La vie sans souci, sans contradiction, sans frustration et sans manque, sans échec ni souffrance, c’est le credo mensonger de notre société de consommation occidentale.
Jésus, lui, n’a pas dit : « Heureux les riches, ceux qui ne manquent de rien, car ils n’ont plus qu’à attendre le royaume la bouche ouverte. » Au contraire, la parole de Dieu nous dit : « Vous exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves. » (1P 1, 6), et également : « Heureux l’homme qui supporte l’épreuve avec persévérance, car, sa valeur une fois vérifiée, il recevra la couronne de la vie promise à ceux qui aiment Dieu. » (Jc 1, 12).
Rien de plus normal que de rencontrer l’épreuve lorsqu’on s’efforce d’aimer, à tel point que Paul lui-même ose dire à ses Galates : « Je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus », c’est-à-dire : « Mes cicatrices, les traces de ce que j’ai souffert pour Jésus suffisent à prouver que je suis son disciple. »
Par amour pour Jésus, les grands saints, Paul, Charles de Foucauld, Jean-Marie Vianney, Thérèse de Lisieux, François d’Assise, sont allés au-devant des épreuves. Par amour pour le Seigneur et pour l’Eglise, ils sont partis au bout du monde ou bien se sont reclus, ils ont veillé et jeûné, ils ont travaillé jusqu’au bout de leurs forces.
Quant à nous, restons modestes : efforçons-nous de faire le bien au quotidien, aimons Dieu et aimons le prochain pour Dieu, attachons-nous à Jésus, tout ce que nous faisons, faisons-le pour lui. La croix viendra en son temps pour éprouver notre attachement à Jésus. Elle sera différente pour chacun, adaptée à chacun par Jésus : échec ou contradiction, péché récurrent, maladie physique ou psychique, deuil. Ma croix est trop lourde pour toi, la tienne est trop lourde pour moi, et chacun de nous la porte avec Jésus.
Frères et sœurs, que ce rappel de la croix ne nous décourage surtout pas, au contraire ! Si l’un ou l’autre d’entre nous quitte cette église en ayant compris que l’épreuve du moment – cette maladie, ce conflit familial, ce deuil – n’est pas forcément un coup du sort, n’est pas forcément un signe qu’il ou elle est abandonné de Dieu, mais que cette épreuve peut-être accueillie comme une participation à la croix de Jésus, alors je n’aurai pas parlé pour rien.
Nous le croyons : il fallait que Jésus-Christ passe par la mort, et la mort de la croix pour entrer dans la vie. Nous le croyons : il nous faut nous aussi passer par la croix avec Jésus pour entrer avec lui dans la vie. Quittons-nous en réentendant les derniers mots de la lecture du prophète Isaïe : « Vous verrez, votre cœur sera dans l’allégresse ; et vos os revivront comme l’herbe reverdit. Le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs. »
Alexandre-Marie Valder, prêtre