« Joseph, ne crains pas… Sois sans crainte, Marie… N’ayez pas peur… »

« Joseph, ne crains pas… Sois sans crainte, Marie… N’ayez pas peur… »

« Joseph son époux, qui était un homme juste, décida de la renvoyer en secret. » Pour certains, Joseph n’a été que le premier d’une longue série à émettre des doutes sur la naissance virginale de Jésus. Pour d’autres, il y a une hypothèse plus vraisemblable et surtout plus nourrissante pour nous aujourd’hui.

Les textes d’aujourd’hui nous parlent de l’irruption de Dieu dans la vie : la vie de Joseph, la vie du roi Acaz, la vie des Romains, nos vies.

Lorsque Jésus rencontre le futur apôtre Nathanaël, il lui dit ceci : « Voici vraiment un fils d’Israël, il n’y a pas de ruse en lui. » Combien plus est-ce vrai de Marie ! En elle, ni ruse, ni tromperie, ni duplicité. Cela, Joseph ne peut pas l’ignorer. Il ne doute pas de la parole de son épouse. Joseph est un homme juste, un croyant fidèle, un familier de l’Écriture Sainte. Il sait donc que l’inconnu, l’extraordinaire, ce qui bouscule et même dérange, c’est à cela que l’on reconnaît Dieu.

Si Joseph est tenté de renvoyer Marie, ce n’est pas parce qu’il ne la croit pas, mais bien au contraire parce qu’il la croit. Dieu fait irruption dans la vie de Joseph, et Joseph est tenté de prendre le large. Abraham, Moïse, Jonas, Jérémie et bien d’autres l’avaient fait avant lui. Joseph est même prêt à faire le sacrifice de se séparer de la femme qu’il aime.

La Parole de Dieu parle de nous, nous qui voulons bien de Dieu à condition qu’il ne s’approche pas trop de nous. C’est une grande tristesse pour nous prêtres lorsque quelqu’un se revendique croyant mais non pratiquant. C’est comme s’il disait : « Dieu peut exister si ça lui chante, je lui accorde cela, tant que je n’ai à faire avec lui. » Ce n’est pas cela la foi.

Il y a tant de personnes qui ressemblent à des tournesols en plastique : le soleil de Dieu peut bien les éclairer de tout son éclat, ils ne se tournent pas vers lui. Des tournesols en plastique, il y en a autour de nous, il y en a dans nos assemblées, il y en a dans le clergé. Nous avons tous un petit tournesol en plastique dans le cœur. Un chrétien ne peut pas être un tournesol en plastique, quelqu’un qui se met en règle avec le bon Dieu pour qu’il le laisse en paix.

 La Parole de Dieu n’est pas faite pour nous apprendre des choses sur Dieu, pour que nous puissions dire : « Il y a un seul Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre. Bien bien… Bon, qu’est-ce qu’on mange ce midi ? » La révélation n’est pas là pour nous informer, mais pour nous transformer. Si je reconnais que Dieu m’adresse personnellement la parole, ma vie ne peut plus être la même. Cela peut être un peu effrayant. Joseph, lui aussi, a eu peur.

La première lecture nous parle d’Acaz, le jeune roi de Jérusalem, attaqué de toutes parts par ses ennemis. Il a joué toutes ses cartes. L’Écriture nous apprend même qu’il est allé jusqu’à immoler son fils par le feu afin d’écarter de lui le malheur.

Cependant, lorsque le prophète Isaïe vient lui parler de la part du Seigneur, Acaz prend peur et il freine des quatre fers. Il n’est pas prêt à ce sacrifice-là : laisser le Seigneur transformer sa vie. Le Seigneur était pourtant prêt à lui octroyer un signe pour l’aider à faire confiance : « Demande pour toi un signe de la part du Seigneur ton Dieu, au fond du séjour des morts ou sur les sommets, là-haut. »

Mettons-nous à la place d’Acaz un instant : s’il demande ce signe et qu’il l’obtient, il ne pourra plus être un tournesol en plastique, quelqu’un qui garde le Seigneur au chaud dans un coin sans trop s’occuper de lui. Il lui faudra vivre en alliance avec Dieu, s’efforcer d’être cet « homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles » dont nous parle le psaume.

 Comment croire en Dieu, croire vraiment en Dieu, sans vivre pour lui ? On comprend bien qu’il soit parfois plus confortable de garder Dieu à distance.

Croire en Dieu et vivre en conséquence, c’est ce que Paul appelle « l’obéissance de la foi » dans le passage de la lettre aux Romains que nous avons entendu. C’est ce que l’Ancien Testament appelle « la crainte du Seigneur ». À l’époque de Paul, beaucoup sans doute avaient entendu l’Évangile et son message d’amour inconditionnel. Par contre, bien peu en avaient tiré les conséquences en se tournant vers le Seigneur, en entrant dans cette obéissance de la foi.

La Parole de Dieu parle de nous aujourd’hui, nous à qui le Seigneur s’adresse, nous à qui le Seigneur se livre dans l’Eucharistie. Vous avez peur ? Moi aussi ! Joseph aussi a eu peur, Marie aussi a eu peur, et avant eux Abraham, Moïse, Josué, David, Elie et bien d’autres. À tous, le Seigneur a redit ceci : « Joseph, ne crains pas… Sois sans crainte, Marie… N’ayez pas peur… »

N’ayons pas peur lorsque le Seigneur vient frapper à la porte de notre cœur. Il ne voulait pas qu’Acaz lui immole son fils ; il voulait au contraire lui en donner un. Il ne voulait pas que Joseph lui abandonne son épouse ; il voulait au contraire qu’il la prenne chez lui et qu’il soit un vrai père pour Jésus.

Le Seigneur ne nous enlève rien de ce qui est beau et grand et qui compte pour nous. La seule chose qu’il nous prenne et nous enlève, ce sont nos péchés, ce qui justement gâte, abîme et gâche la bonté qu’il a mise en nous.

Ne craignons pas, accueillons le Seigneur dans notre maison, soyons de ceux dont on peut dire avec le psaume : « Voici le peuple de ceux qui cherchent le Seigneur, ceux qui recherchent la face de Dieu. »

Père Alexandre-Marie-Valder