Au milieu de vous se trouve le Dieu qui sauve
Frères et sœurs, vous aurez peut-être du mal à le croire : il m’arrive de me détendre. Je marche, je fais du sport, je lis… et je regarde aussi des séries, et notamment des séries fantastiques. Il n’est pas rare que ces séries fassent appel à des bribes de foi chrétienne : crucifix, chapelet, eau bénite, livres bibliques, de préférence l’Apocalypse, les démons, le purgatoire, etc.
D’autre part, dans ces séries, on retrouve des éléments très douteux du point de vue chrétien. Les puissances obscures sont à l’œuvre dans l’univers. Ces forces des ténèbres ne cessent d’envoyer des émissaires pour nuire à l’humanité. En dépit des efforts des héros, l’humanité reste toujours en danger. Chaque fois que les héros mettent en échec un ennemi, ce n’est qu’un simple sursis ; les forces du mal préparent déjà un autre plan plus démoniaque encore pour détruire l’humanité. Au milieu de ce danger permanent, les héros ne peuvent compter que sur eux-mêmes dans un monde qui ignore tout de leur combat. Bien entendu, Dieu est totalement absent de tout cela.
Si je vous en parle, c’est qu’il me semble que le monde de ces séries n’est pas si éloigné de celui des personnes à qui s’adressent le prophète Isaïe et l’apôtre Paul.
Le prophète Isaïe écrit aux Juifs revenus de l’exil à Babylone. De retour à Jérusalem, ils découvrent un pays occupé par des étrangers et par d’autres Juifs qui se sont éloignés de l’Alliance avec le Seigneur. Mince alors ! Nous avons été attaqués par les peuples païens. Non contents de nous envahir, ils nous ont déportés à Babylone. En terre d’exil, au milieu des païens, nous avons prié, supplié et espéré ; nous avons tenu bon, nous avons gardé l’alliance. Nous voici de retour sur la terre que le Seigneur nous avait promise, et voilà qu’il va encore falloir encore résister à toutes sortes d’adversaires qui nous veulent du mal. Où donc est Dieu ?
L’apôtre Paul écrit à une toute petite communauté chrétienne perdue au milieu des païens et en butte à beaucoup d’adversité. Un peu comme nous. Où donc est Dieu ?
Les séries fantastiques disent quelque chose de la représentation du monde qui est celle de nos contemporains et qui nous guette aussi. Les forces du mal sont si présentes, si tapageuses ; il y a la violence dans notre société occidentale, la guerre en Ukraine, en Terre Sainte, au Yémen et ailleurs, les persécutions religieuses en Inde, au Nigéria, au Nicaragua et ailleurs. Où donc est Dieu ? Pouvons-nous encore croire que le Seigneur est à l’œuvre pour sauver le monde, qu’il a déjà sauvé le monde ? Ne finissons-nous pas nous aussi par vivre comme si Dieu était aussi absent du monde réel que dans les séries fantastiques ?
Aujourd’hui, c’est le dimanche de la joie. « Le Seigneur m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles », dit Isaïe. « Je tressaille de joie dans le Seigneur », lui répondit le peuple personnifié. « Mon âme exalte le Seigneur », s’exclame Marie. « Soyez toujours dans la joie », exhorte Paul. Réjouissons-nous, frères et sœurs, car le vrai monde n’est pas celui des séries fantastiques. Le monde tel qu’il est est un monde où le Dieu fidèle agit, règne, guérit, libère et fait des merveilles. « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas », annonce Jean le baptiste.
Que faire alors ? « Votre mission, si vous l’acceptez… »
Les séries fantastiques font appel à des petits morceaux de l’imaginaire chrétien détachés de l’ensemble de notre foi. Il est d’autant plus important que nous connaissions bien notre foi dans sa cohérence : lorsqu’une série parle de prophétie, de purgatoire ou de démons, qu’est-ce qui est différent de notre foi chrétienne ?
Dans les séries fantastiques, les forces obscures, Satan et ses adeptes, sont à l’œuvre dans le monde pour nous nuire. Cela, la foi chrétienne le dit aussi. D’ailleurs, le démon est omniprésent dans les Évangiles, et aussi dans les lettres de Paul et dans l’Apocalypse. Toutefois, chaque fois que la Bible évoque le démon, elle le montre vaincu. Oui, Satan est à l’œuvre dans le monde, mais combien plus le Seigneur ! De la Genèse à l’Apocalypse, toute l’Écriture est traversée par cette certitude : directement ou par ses envoyés, avec éclat ou avec grande discrétion, le Seigneur agit avec puissance pour nous guérir, nous libérer et nous sauver.
Dans les séries fantastiques, il y a des personnes envoyées par les forces du mal et dotées de pouvoirs magiques. Pour nous chrétiens, il y a des envoyés de Dieu. Jean le baptiste et les autres prophètes, la Vierge Marie, Paul et les autres apôtres, et finalement tout baptisé peut reprendre les mots du prophète Isaïe : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle. »
Frères et sœurs, nous n’avons pas de pouvoirs magiques, et pourtant nous ne sommes pas impuissants. Le baptême, la confirmation, l’ordre, le mariage nous ont consacrés pour une mission : comme Jean le baptiste nous ne sommes pas la Lumière, nous sommes là pour rendre témoignage à la Lumière, pour affirmer par nos mots et nos gestes que le monde obscur des séries, le monde angoissant des actualités en continu, n’est pas le véritable monde.
Dans les séries fantastiques, l’humanité vit sous la menace permanente des forces des ténèbres, toujours en sursis. Crise économique, crise politique, crise sanitaire, crise écologique : nous aussi, il nous semble que l’humanité va de crise en crise, de menace en menace, toujours guidée par la peur.
Le prophète Isaïe porte une parole d’espérance justement parce que le peuple est tenté par le désespoir. Jean le baptiste est envoyé à un peuple en attente pour lui désigner Jésus, Celui qui est déjà au milieu de nous. L’apôtre Paul exhorte à la joie justement parce que les Thessaloniciens sont tentés par le découragement.
Frères et sœurs, nous sommes envoyés comme témoins de la joie, joie qui n’est un optimisme béat ou naïf. Nous sommes tout petits dans un monde travaillé par le mal et la violence, c’est vrai ; mais au milieu de nous se trouve Jésus, le Dieu fidèle, le Dieu qui sauve ; appuyés sur lui, marchons sans crainte, dans la joie.
Père Alexandre-Marie Valder