« Aujourd’hui vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur! »
Parfois, selon les aléas de la vie, nous pourrions nous dire que nous sommes seuls… Parce que les épreuves ont été trop durs, ou parce que, gagné par une conception de l’univers où l’homme serait censé être laissé seul au milieu de l’infini, nous finissons par le croire…
Et bien non. Non, les seules apparences ne suffisent pas. Il nous faut aller au-delà des apparences. Au-delà des apparences, au-delà des soi-disant évidences, il y a ce qu’on appelle la révélation. Oui, il fallait révéler aux hommes ce qui n’est pas évident tous les jours : nous ne sommes pas seuls.
Et ajoutons même, Dieu non plus n’est pas seul. Comme une sorte d’esprit planant dans le monde sidéral, glacial, entre deux météorites menaçantes.
Dieu est communion, relations, relations éternelles, voulant transmettre à ses créatures ce qu’il est, ce qu’Il vit. Voulant leur transmettre l’Amour qu’Il est, donc sans les forcer, sans être intrusif. En cherchant inlassablement à vivre avec eux en Alliance. Et avec une pédagogie, patiente, patiente, au cours du temps, révélée à travers le peuple juif, nos aînés dans la foi, pour qui nous pouvons avoir une pensée toute spéciale en ces temps où même en France, ils sont inquiétés.
Dieu nous fait des signes, et le grand signe qu’il nous ait fait, est celui-ci ( regarder la crèche): « Vous trouverez un nouveau né emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2). Dieu-fait-homme…
Puissions-nous nous laisser saisir par cet inouï… Dieu-fait-homme…
Ce premier grand signe, très sensible celui-ci, constaté dans l’histoire, est donc cet enfant emmailloté… remis entre nos mains!… Dieu lui-même se serait-il remis entre nos mains ?… Oui ! … Et d’ailleur comme à chaque communion, avec ce fragile bout de pain entre nos mains, Pain consacré, Nourriture divine.
Oui, le signe est donné : nous avons à prendre soin de Dieu-fait-homme, qui est aussi Dieu à travers tout homme, à travers chaque homme, singulièrement les plus fragiles.
Quel mystère, quel inouï devant nous! Oui, Dieu est venu s’embourber avec les hommes pour marcher avec eux et les délivrer de l’ornière.
Dieu venu s’accoutumer aux hommes.
Selon la belle formule de St Irénée ( soyons bien attentifs, quand c’est beau et grand, il faut être attentif) : « Le verbe de Dieu s’est fait fils d’homme pour accoutumer l’homme à saisir Dieu, et pour accoutumer Dieu à habiter dans l’homme ». … ça nous dépasse ? Oui! ( éventuellement relire une deuxième fois la citation); ça nous dépasse et c’est normal que ça nous dépasse… Dieu nous dépasse, non ? Mais ce n’est pas parce que ça nous dépasse que c’est absurde… Au contraire, … Alors, ce soir, recevons humblement ce mystère.
Et creusons un peu plus… Dieu sait que nous avons beaucoup de mal à bien utiliser l’immense liberté que nous avons. Il sait que nous sommes capables du pire comme du meilleur ( l’un et l’autre). Cette possibilité du meilleur comme du pire est en tout homme, et, attention ici, non pas seulement d’un type d’homme – on ne peut pas diviser l’humanité en deux – comme s’il y avait des dominants par nature et des dominés par nature – et nous serions dominants ou dominés selon que l’on est du nord ou du sud, selon que l’on est homme ou femme, … non, cette vision qui se répand aujourd’hui mène à la guerre de tous contre tous. Qui que nous soyons, nous sommes capables, et à n’importe quelle époque, du meilleur comme du pire, et donc, qui que nous soyons, nous sommes appelés, en accueillant le Christ, à changer nos cœurs, à nous convertir grâce à Lui, venu « guérir nos cœurs blessés et nous délivrer de nos captivités » (Luc 4).
Ce même Dieu, parce qu‘ il nous aime, use d’une pédagogie, d’une autorité qui fait grandir. Il nous a donné une loi, les 10 commandements, pour nous avertir de chemins qui ne sont pas des chemins de paix. Nous pourrions penser ce soir tout spécialement aux personnes en position d’autorité ( parents, éducateurs, politiques, et les adultes en général) recherchant la juste autorité ; qu’elles soient confortées : oui, c’est aimer que de rechercher la juste autorité qui fait grandir ; oui, c’est contribuer à cette paix que nous appelons si souvent de nos vœux.
Ce soir, vous l’aurez deviné, il s’agit d’aller plus loin qu’un vague sentiment d’être « hommes de paix » parce que nous fêtons Noël comme une « fête de la paix » (et c’est vrai). Dieu ne fait pas sans nous. Nous comptons sur Lui et Il compte sur nous ( les deux). Il n’ y a pas un « droit à la paix » nous qui aimons beaucoup les droits… Il y a une paix qui est sans cesse à conquérir en partant de chacun, le clair et l’obscur étant d’abord en chacun de nous. Mais nous le comprenons ce soir, sans agir seul. Avec le Christ, à force de mieux le découvrir, de mieux le connaître. C’est le Christ lui-même qui est notre paix.
Saint Grégoire le Grand : Nous sommes, chacun, une aurore. « Car nous accomplissons des actes qui relèvent de la lumière, et pourtant bien des ténèbres demeurent en nous ».
Eh bien, ce signe qui nous est donné aujourd’hui va plus loin encore : cet enfant nous dit qu’au plus profond de nous, nous sommes d’abord et avant tout enfant de lumière, des fils du jour comme dit St Paul, des êtres humains sortis des mains de Dieu…
Pouvons-nous encore nous émerveiller de ce miracle de notre existence ?
Alors ce soir, soyons dans la joie, car nous savons maintenant, que nous avons reçu une dignité imprenable, et que nous ne-sommes-pas-seuls pour vaincre les ténèbres, Dieu-fait-homme est avec nous pour prendre sur lui nos fardeaux trop lourds…
Reconnaissons que nous avons grand besoin de sa main tendue, c’est à dire de son salut.
Remettons lui aujourd’hui nos fardeaux, un peu, laissons-nous bouleverser par ce Dieu qui se met à hauteur d’enfant,
Oui, recevons avec un coeur simple cette bonne nouvelle, cette grande joie :
« aujourd’hui vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur! »
Père Marc Haeussler, curé