J’ai rejoint la maison du Père

J’ai rejoint la maison du Père

J’ai rejoint la maison du Père

Frères et sœurs, « tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu », nous dit saint Paul. Il n’écrit pas un traité sur la Trinité ; il fait une profession de foi à notre sujet, nous qui avons reçu l’Esprit de Dieu à notre baptême, à notre confirmation, qui le recevons à chaque eucharistie. « Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. » Dieu, l’Unique, le Seigneur de l’univers, le Maître des temps et de l’histoire, fait don de son Esprit aux hommes et aux femmes qui deviennent ainsi ses fils et ses filles en son Fils Jésus.

Dieu, nous le croyons, est unique, et il n’y en a pas d’autre que lui. Dieu est unique, mais il n’est pas solitaire. Dieu est communion. Dieu est famille, une famille où une place est préparée pour tout homme et toute femme qui voudra bien l’occuper, une famille dont nous, baptisés, conduits par l’Esprit de Dieu, faisons déjà partie.

En effet, saint Paul nous rappelle que nous n’avons pas reçu un esprit d’esclaves, mais un Esprit de fils et de filles. Les lecteurs de Paul connaissent bien la réalité de la vie sociale dans le monde gréco-romain. Parents, enfants, esclaves, tous vivent ensemble, mais tous ne font pas partie de la famille. Ce qui fait la joie des fils et des filles, c’est qu’ils connaissent le père et qu’ils l’aiment.

Les fils et les filles connaissent le père de famille, ils l’appelle « abba », c’est-à-dire « papa ». Les esclaves ne savent que ce qu’ils ont besoin de savoir pour accomplir leur travail. Ils connaissent la volonté du maître, ce qui est obligatoire, permis et défendu. Cet esprit d’esclave que dénonce saint Paul pouvait être celui des pharisiens de l’époque de Jésus. Nous le retrouvons aujourd’hui dans l’islam, mais aussi dans l’Église. Nous en avons tous une part qu’il nous faut convertir.

En effet, souvenons de cette parole de Jésus juste avant sa passion : « Je ne vous appelle plus serviteurs – ou esclaves – car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu du Père, je vous l’ai fait connaître. » Amis de Dieu, enfants de Dieu, nous connaissons non seulement ce qu’il veut, mais qui il est.

Voilà le mystère de la Trinité : Dieu est Père ; ce Père a un Fils égal à lui en toute chose ; le Père et le Fils ne forment pas un binôme qui s’oppose ou qui se referme sur lui-même : l’Esprit du Père et du Fils, égal à eux en toute chose, nous ouvre à leur communion.

Cela, frères et sœurs, nous ne le savons que parce que Dieu a voulu nous le révéler en venant à notre rencontre. Israël déjà s’émerveillait : « Interroge donc les temps anciens qui t’ont précédé, depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre : d’un bout du monde à l’autre […] a-t-on jamais connu rien de pareil ? Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu parlant du milieu du feu[…] ? Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation […] comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Égypte ? »

Nous avons en français cette belle expression : s’ouvrir à quelqu’un. Lorsqu’un scientifique pénètre les secrets de la nature, la nature n’a pas le choix de se laisser connaître ou non. Elle ne s’ouvre pas à lui. Lorsqu’une personne plus ou moins célèbre s’expose sur les réseaux sociaux, elle montre ce qu’elle veut bien montrer, mais elle ne s’ouvre pas. Le Seigneur, lui, s’ouvre à nous. Il veut que nous fassions partie de sa vie, que nous soyons de sa famille.

« Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. » Il n’est pas nécessaire qu’un serviteur ou un esclave aime son maître. Il suffit qu’il soit consciencieux et qu’il fasse ce qu’on lui ordonne. Dans la Trinité, le Père aime le Fils et le Fils aime le Père ; l’Esprit nous fait participer à cette relation. Comme le Fils, nous sommes conviés à faire en toute chose la volonté du Père, avec soin et par amour. Comme le Fils, nous savons que l’amour du Père n’est pas conditionné à la qualité de notre service. Les fils et les filles sont aimés inconditionnellement. Ils n’ont pas à mériter l’amour du Père, ni à faire leurs preuves, ni à rentabiliser cet amour, ni à s’en montrer dignes sous peine de se le voir retirer. Ils ont seulement à y croire et à l’accueillir activement.

Le baptême que nous avons reçu est entre autres le signe de la gratuité de cet amour. Comme Jésus l’a ordonné à ses apôtres il y a 2000 ans, nous avons été baptisés au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Tout-petits, pour la plupart, sans avoir rien fait pour le mériter, nous avons été plongés dans le Nom de la Trinité Sainte. Nous sommes en communauté de Nom avec Dieu. Et qu’est-ce qu’une communauté de Nom, sinon une famille ? Saint Paul écrit ailleurs : « Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes concitoyens des saints, vous êtes membres de la famille de Dieu »

Souvent nous annonçons un décès en disant : « Untel a rejoint la maison du Père. » Il me semble que nous ne devrions pas utiliser cette expression. Ou bien, si nous l’utilisons, cela devrait être plutôt à l’occasion des baptêmes : « Par le baptême, Untel a rejoint la maison du Père. »

« Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. » Dans l’Esprit reçu au baptême,  à la confirmation et à chaque eucharistie, si nous nous laissons conduire par lui, nous avons déjà été unis au Fils de Dieu, nous avons déjà rejoint la maison du Père. Cela doit être la source d’une vraie joie.

Je nous laisse avec une image. Il en va un peu de nous comme d’enfants aux alentours du 20 décembre. Ce jour-là, comme chaque jour, nous habitons la maison du Père. Nous recevons de lui le pain quotidien et nous savons que d’ici peu de temps, à la fin du monde, une grande fête rassemblera bien au-delà de ceux qui sont aujourd’hui autour de la table. Nous, déjà, nous habitons la maison du Père. En union avec Jésus notre frère, nous prions et travaillons afin que beaucoup acceptent un jour de venir prendre place à la table dressée par le Père, le Fils et l’Esprit Saint, à eux la gloire pour les siècles des siècles. Amen.

Père Alexandre-Marie Valder