Soyez toujours dans la joie : Dieu le veut*

Soyez toujours dans la joie : Dieu le veut*

Soyez toujours dans la joie : Dieu le veut*

« Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. » Au long de son évangile, saint Jean est attentif à sept signes accomplis par Jésus, qui tout à la fois réalisent l’œuvre du Père et révèlent qui est Jésus. Le premier de ces signes est celui de l’eau changée en vin aux noces de Cana.

 Jésus vient d’entamer sa vie publique. Il a été reconnu par Jean le Baptiste comme l’Agneau de Dieu qui porte et enlève le péché du monde. Celui qui par nature est Saint a été immergé dans l’eau du Jourdain et, ce faisant, il a sanctifié toute eau, la préparant à devenir l’eau du baptême pour le pardon des péchés.

Si l’eau symbolise la grâce divine nécessaire pour que nous ayons la vie, le vin symbolise quelque chose d’un surcroît, d’une surabondance. C’est que Dieu ne veut pas seulement que nous vivions – l’eau – mais que nous vivions dans la joie – c’est le vin. Ou bien, pour le dire avec les mots de saint Jean XXIII : « Je serai heureux dans la certitude d’avoir été créé pour le bonheur, non seulement dans l’autre monde, mais également dans celui-ci. »

Cela souligne la continuité entre le bonheur promis après la mort et le bonheur offert dès cette vie, entre la joie d’être avec Dieu pour toujours et la joie d’être avec Dieu dès maintenant. La béatitude promise à ceux qui auront cru et aimé le Seigneur est déjà à la portée de ceux qui, aujourd’hui, croient et aiment, bien qu’elle soit encore mêlée de peines et d’inquiétudes. Lorsque Jésus prononce ses fameuses béatitudes, c’est dès aujourd’hui que les pauvres de cœur, les affligés, les doux sont heureux, heureux, heureux…

 Dieu veut le bonheur de l’être humain, non seulement dans l’autre monde, mais également dans celui-ci. Il veut pour nous l’eau, mais aussi le vin. « Faites tout ce qu’il vous dira », conseille la Vierge Marie aux serviteurs. Elle donne le même conseil à toute personne. Chaque homme, chaque femme, appelé au bonheur, se trouve placé devant sa propre responsabilité morale : « Faites tout ce qu’il vous dira. »

Le psaume 1 présente cet appel adressé par Dieu à toute personne comme un chemin : « Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit ! »

Il y a ainsi un chemin qui conduit à la vie et un autre qui conduit à la mort, un chemin qui mène à destination et un chemin qui égare. Le Seigneur Jésus ne dit pas autre chose : « Entrez par la porte étroite. Elle est grande, la porte, il est large, le chemin qui conduit à la perdition ; et ils sont nombreux, ceux qui s’y engagent. Mais elle est étroite, la porte, il est resserré, le chemin qui conduit à la vie ; et ils sont peu nombreux, ceux qui le trouvent. »

Dieu seul possède la béatitude par nature. Au contraire, les anges et les humains ont besoin de parcourir une sorte de chemin pavé d’actes de la volonté qui se prononce pour Dieu. La vie morale, dans la conception chrétienne, consiste en l’ensemble des mouvements par lesquels la personne avance sur ce chemin, se laisse conduire à la béatitude qu’est Dieu.

 Je ne perds pas de vue mon vin de Cana.

On peut regretter que bien des chrétiens et encore plus de non-chrétiens se figurent la vie morale comme un catalogue de choses obligatoires, permises et interdites, qui généralement semblaient contredire les aspirations du cœur humain. Les plus vertueux semblent être ceux qui se font violence et renoncent au bonheur de ce monde pour espérer obtenir celui de l’autre.

Une des leçons des noces de Cana, c’est que le premier signe qu’accomplit le Seigneur Jésus est d’apporter la joie. Prendre au sérieux la vie avec Jésus, faire tout ce qu’il nous dira, ce n’est pas toujours facile – je vous renvoie à nouveau aux béatitudes dans saint Matthieu – mais c’est fondamentalement un chemin de joie. « Un saint triste est un triste saint », disait notre cher saint François de Sales.

La vie morale à laquelle Dieu appelle chacun consiste à développer ce qui est le meilleur en nous, ce qui est le « plus nous » en nous. L’homme vertueux, la femme vertueuse, pratique et exerce les bonnes dispositions que Dieu a mises en lui ou en elle, ce que l’on appelle précisément les vertus. Et c’est cela qui rend profondément heureux : devenir petit à petit, avec la grâce de Dieu, la meilleure version de nous-mêmes. Bien entendu, cela ne va pas sans efforts personnels, ni sans lutter contre les mauvaises dispositions et rompre les entraves qui étouffent en nous la joie ; cela reste toutefois bien plus enthousiasmant que la morale du devoir et de l’interdit.

L’Écriture reçue et interprétée dans et par l’Église est le principal guide de l’agir chrétien, le moyen par lequel le « ce qu’il nous dira » de Jésus nous atteint afin que nous le fassions.

 Jésus Christ t’aime ; il a donné sa vie pour que tu vives : c’est le gâteau. Il veut pour toi le bonheur dans l’autre monde, mais aussi dans celui-ci : c’est le glaçage sur le gâteau. Il y a encore la cerise sur le glaçage sur le gâteau. Elle nous est révélée par le prophète Isaïe : Dieu qui a façonné le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent, Dieu qui possède la béatitude par nature, Dieu qui n’a pas besoin de nous pour être heureux, Dieu pourtant trouve sa joie dans notre réponse à son amour : « Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. »

*cf. 1Th 5, 16-18

Père Alexandre-Marie Valder