Marchons en enfants de lumière

Marchons en enfants de lumière

Marchons en enfants de lumière

Il y a deux semaines, dans la nuit de Pâques, nous avons débuté la vigile par le rite de la lumière pascale. Souvenez-nous : le cierge pascal allumé a ouvert la route dans l’église obscure tandis que nous chantions : « Lumière du Christ. Nous rendons grâce à Dieu. » Petit à petit, la lumière pascale s’est communiquée à tous les baptisés, manifestant que nous, l’Église, sommes ce « peuple de lumière, baptisé pour témoigner ».

Plus tard, après avoir été baptisés, les nouveaux chrétiens ont reçu la lumière pascale, accompagnée de ces mots : « Vous êtes devenus lumière dans le Christ : marchez toujours comme des enfants de lumière, demeurez fidèles à la foi de votre baptême. Alors, quand le Seigneur viendra, vous pourrez aller à sa rencontre dans son Royaume, avec tous les saints du Ciel. »

De ces rites de la lumière pascale, retenons que la foi reçue au baptême est comme une lumière dont nous avons besoin pour marcher, pour avancer dans un monde obscur. La première encyclique du pape François, en collaboration avec son prédécesseur Benoît XVI, s’intitulait « La lumière de la foi ». En référence à la parole du Seigneur Jésus : « Moi, lumière, je suis venu dans le monde, pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jn 12, 46), le pape écrivait : « Celui qui croit, voit ; il voit avec une lumière qui illumine tout le parcours de la route, parce qu’elle nous vient du Christ ressuscité, étoile du matin qui ne se couche pas. »

 Nous pouvons lire l’évangile de ce dimanche comme le récit du réveil de la foi éteinte des disciples. L’histoire commence à la nuit tombée, comme la vigile de Pâques. Simon-Pierre est retourné à son bateau et à ses filets et les autres disciples vont avec lui, comme s’il ne trouvaient rien de mieux à faire. En dépit de sa rencontre avec le Christ ressuscité, Simon-Pierre n’avance pas dans l’existence. Il reste bloqué à sa vie d’avant : mettre la barque à l’eau, passer la nuit à pêcher, vendre le produit de son travail.

Il en va des disciples comme de personnes qui seraient perdues dans l’obscurité la plus totale. Le meilleur parti est encore de rester là où l’on se trouve, de ne pas chercher à avancer. Trop incertain. Trop dangereux. « Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, avait dit Jésus, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » (Jn 11,9-10)

Après l’abandon, la défection et le reniement, voici les disciples dans la nuit, privés de lumière, comme le sont tant d’hommes et de femmes autour de nous, soit parce qu’ils n’ont jamais rencontré le Christ lumière, soit parce qu’ils ont laissé s’éteindre la lumière de la foi de leur baptême. L’évangile de ce dimanche nous apprend que c’est grave, mais pas irrémédiable.

Au lever du jour, le Seigneur Jésus lui-même se rend présent à ses disciples. Le disciple que Jésus aimait, lui qui avait suivi son Seigneur jusqu’au pied de la croix, lui qui avait été confié à Marie, lui qui avait vu le sang et l’eau couler du cœur transpercé du Christ, a conservé en lui la lumière de la foi. « Celui qui croit, voit » et peut faire voir les autres : « C’est le Seigneur ! » Et cette foi ravivée va ouvrir à Pierre et aux autres le chemin du repentir et du pardon.

 Frères et sœurs, souvenez-vous de l’encouragement qui nous a été fait : « Vous êtes devenus lumière dans le Christ : marchez toujours comme des enfants de lumière, demeurez fidèles à la foi de votre baptême. Alors, quand le Seigneur viendra, vous pourrez aller à sa rencontre dans son Royaume, avec tous les saints du Ciel. » La foi reçue et professée au baptême est comme une lumière dont nous avons besoin pour marcher, pour avancer dans un monde obscur. Comme le disciple bien-aimé, nous avons un trésor à partager avec ceux qui sont dans la barque avec nous, ceux pour qui l’existence n’a ni goût ni sens.

À propos du Christ ressuscité, la préface de la messe dit ceci : « Grâce à lui se lèvent des enfants de lumière pour une vie éternelle, et les portes du royaume des cieux s’ouvrent pour accueillir les croyants. Car sa mort nous affranchit de la mort et, dans sa Résurrection, chacun de nous est déjà ressuscité. »

Avant même la mort, chacun de nous est déjà ressuscité. Une phrase du théologien orthodoxe Olivier Clément l’illustre bien : « Le temps qui va à la mort est celui de l’angoisse ; le temps qui va à la Résurrection, celui de l’espérance. » Remarquons que « le temps qui va à la mort » et « le temps qui va à la Résurrection » sont le même temps, la même existence. Les uns y voient une descente inexorable vers la dégradation, la mort et l’oubli, les autres y voient une marche avec le Ressuscité vers la vie éternelle. Angoisse pour les uns, espérance pour les autres. Les premiers sont en quelque sorte déjà morts, les autres déjà ressuscités.

 Ressusciter les morts, cela n’appartient qu’à Dieu seul. Notre part, c’est d’être les disciples bien-aimés pour les hommes et les femmes de ce temps, aussi bien pour ceux qui n’ont jamais reçu la lumière du Christ que pour ceux qui l’ont perdue. « C’est le Seigneur ! Il est là ! Allons vers lui. » Plus fondamentalement encore, marchons toujours comme des enfants de lumière, demeurons fidèles à la foi de notre baptême. Prenons soin de notre relation avec le Seigneur : prions, contemplons, essayons de faire nôtres les mots de notre foi, puisons sans mesure à la source des sacrements du pardon et de l’eucharistie.

Alors, quand le Seigneur viendra, nous pourrons aller à sa rencontre dans son Royaume, avec tous les saints du Ciel, et chanter avec eux : « À celui qui siège sur le Trône, et à l’Agneau, la louange et l’honneur, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. » Amen. Alléluia.

Père Alexandre-Marie Valder