Être un en celui qui est un

Être un en celui qui est un
Nous avons des histoires différentes, des personnalités différentes, des vocations différentes. Ici et maintenant, nous sommes même dans différents états d’esprit : certains sont dans la joie et l’action de grâce tandis que d’autres sont attristés et inquiets ; certains sont bien présents à la célébration tandis que d’autres sont préoccupés et distraits. Différents, nous avons cependant part à une seule foi et un seul baptême, nous avons reçu un unique Esprit Saint, nous avons entendu la même parole et nous faisons corps avec le même Christ.
Il en va de notre communauté locale comme de l’Église tout entière telle qu’elle est apparue en vision à Jean dans l’Apocalypse : douze portes différentes permettent d’entrer dans Jérusalem, et pourtant c’est une unique cité autour de l’unique Seigneur Dieu et de l’Agneau. « Je crois en l’Église une… » : la première chose que nous croyons à propos de l’Église, c’est qu’elle est une, comme Dieu est un. Plus l’Église est visiblement une, mieux elle témoigne du Dieu un. Le pape Léon a d’ailleurs choisi comme devise : « In illo uno unum », « Être un en celui qui est un ».
La première lecture nous raconte comment nos pères dans la foi sont parvenus à maintenir l’unité entre chrétiens venus du judaïsme et chrétiens venus du paganisme. « Attendu que certains… ont jeté chez vous le trouble et le désarroi, nous avons pris la décision, à l’unanimité, etc. » Au trouble et au désarroi a répondu l’unanimité des Apôtres et des anciens de Jérusalem, et l’unité entre témoins du Dieu un a été sauvegardée, au moins pour un temps.
« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » L’Évangile de ce dimanche nous renvoie bien sûr à la prière au Seigneur Jésus à chaque messe : « Seigneur Jésus-Christ, tu as dit à tes Apôtres : “Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix” ; ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Église ; pour que ta volonté s’accomplisse, donne-lui toujours cette paix, et conduis-la vers l’unité parfaite. » La paix et l’unité sont données d’emblée et cependant il faut sans cesse demander la paix en vue de l’unité parfaite. In illo uno unum, « Être un en celui qui est un »
La paix et l’unité dans l’Église ne sont d’abord l’affaire des évêques et du pape. À chacun d’y travailler à notre niveau. La paix et l’unité d’une paroisse, d’un groupe de prière, d’un groupe d’amis, d’une famille chrétienne, rendent témoignage au Dieu un. Au contraire, la division fait toujours le jeu du diable, qui est le diviseur.
L’effort pour la paix et l’unité concerne même ma propre existence. Moi qui suis une personne unique, je dois jouer plusieurs rôles successivement et parfois en même temps : avertir l’un et consoler l’autre, pleurer avec l’un et me réjouir avec l’autre, parler à l’un et écouter l’autre, être père et frère, fils et ami, actif et contemplatif. Et cela vaut pour chacun ici. Comment ne pas être divisé ?
Nous avons besoin du Seigneur Jésus. La paix et l’unité ne peuvent venir que de lui. « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. »
La paix à la manière du monde est une paix de surface. C’est la fausse paix de l’empire romain qui ne tenait que par la force et la terreur. C’est la fausse paix de Pilate et des autorités juives de l’époque de Jésus, capables de condamner à mort l’innocent pour préserver leur tranquillité. C’est la paix apparente qui règne entre deux pays ennemis, par exemple les États-Unis et la Chine, qui attendent en réalité l’occasion de frapper le premier. C’est la paix apparente qui refuse de regarder les problèmes de notre pays et qui se convainc qu’ils n’existent pas. C’est la paix apparente qui fait violence aux plus fragiles, et spécialement en ce moment les personnes malades et en fin de vie, pour préserver la tranquillité de la majorité. Le prophète Ezekiel (Ez 13) a comparé cette fausse paix à un badigeon dont on couvre un mur en ruine pour lui donner l’apparence du neuf et de la solidité.
La vraie paix qui conduit à l’unité parfaite ne peut venir que du Christ Jésus. Dans la tradition latine, l’Église prie la prière eucharistique et demande au Père de consacrer le pain et le vin par l’Esprit Saint. C’est seulement ensuite, une fois que le Christ, le Prince de la paix, est rendu présent au milieu de nous, que nous pouvons nous donner la paix qui vient de lui. Le rite de la paix exprime notre désir d’être l’Église une du Dieu un. Alors nous pouvons communier, ne faire qu’un dans l’unique Christ. Enfin, nous sommes envoyés « dans la paix du Christ » pour porter cette paix à tous.
La vraie paix qui conduit à l’unité parfaite ne peut venir que du Christ Jésus. In illo uno unum, « Être un en celui qui est un ». Nous avons besoin de nous tenir chaque jour en sa présence pour le laisser nous guérir, de lire chaque jour sa parole qui apaise, de nous laisser toucher par lui dans les sacrements : « Quand nous serons nourris de son Corps et de son Sang, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ… Que Dieu notre Père vous donne le pardon et la paix. »
Grâce au Seigneur Jésus, nous nous découvrons aimés par le Père et réconciliés avec lui. Lui seul peut guérir notre cœur au plus profond, rétablir cette relation avec Dieu sans laquelle toute notre vie n’est qu’une maison bâtie sur le sable. De la paix avec Dieu naît la paix avec soi-même : je suis aimé ; avant toute chose, je suis une personne unique et précieuse aux yeux de Dieu. De la paix avec soi-même naît la paix avec les autres et avec la création entière : je n’ai pas à écraser l’autre pour exister ; l’autre aussi est précieux aux yeux de Dieu.
« Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. » Le Seigneur Jésus sait qu’il va passer par l’abandon, la torture et la mort. C’est pourtant lui qui pacifie ses amis grâce à la paix qui est en lui. Il sait qu’il a remis sa vie entre les mains d’un plus grand que lui et que le Père ne l’abandonnera pas.
Frères et sœurs, demandons au Seigneur Jésus de répandre en nous son Esprit de paix, afin que, dans notre existence, dans nos familles, dans nos communautés, dans notre Église, nous soyons un en celui qui est un et qui vit pour les siècles des siècles. Amen.
Père Alexandre-Marie Valder