Marie t’enfante aujourd’hui

Marie t’enfante aujourd’hui

Marie t’enfante aujourd’hui

Il est probable que la Mère de Dieu a enfanté sans difficulté et sans douleur. C’est du moins l’avis d’autorité éminentes comme saint Augustin et saint Thomas. Être préservée des douleurs de l’enfantement convenait à Marie, à qui Dieu avait fait la grâce d’être préservée du péché originel et de ses conséquences. Cela convenait aussi au Seigneur Jésus, lui qui n’a jamais fait souffrir qui que ce soit tout au long de sa vie terrestre.

Pendant longtemps, je me suis donc demandé comment nous pouvions rapprocher Marie et cette femme revêtue du soleil, couronnée d’étoiles, et pourtant criant dans les douleurs de l’enfantement. En outre, les images de l’Apocalypse ne nous parlent pas avant tout de ce qui va arriver un jour. Elles décrivent ce qui ne cesse de se produire à chaque instant.

Aujourd’hui et à chaque instant, la femme revêtue du soleil souffre des douleurs de l’enfantement, elle met au monde un enfant et déjoue les pièges du dragon. Ce que Marie n’a pas souffert dans son corps en enfantant son fils premier-né, le Christ Jésus, elle le souffre d’une certaine manière en enfantant spirituellement chacun des frères et sœurs du Christ. Elle est vraiment notre Mère, jusque dans les douleurs de l’enfantement.

La souffrance acceptée, assumée, accueillie renvoie toujours pour nous chrétiens à un plus grand amour. Le Seigneur Jésus nous a aimés jusqu’à souffrir et mourir pour nous. Unis au Christ, les Apôtres, les pasteurs et les missionnaires, les moines et les époux, et bien sûr les martyrs de tous les temps, ont accepté les désagréments, les contradictions, les épreuves, et même la mort, par amour pour le Père et pour leurs frères et sœurs. C’est la dynamique du baptême et de l’eucharistie, la dynamique de Pâques : mourir avec le Christ et ressusciter avec lui.

Le Concile Vatican II (Lumen Gentium n°61) écrit de Marie, la Mère du Rédempteur, qu’elle est associée d’une manière unique à l’œuvre de son divin fils. Elle ne s’est pas contentée de le mettre au monde. Elle l’a accompagné à chaque instant par ses soins, sa présence, son soutien, par son obéissance, sa foi, son espérance et son ardente charité. Elle a travaillé avec lui à son œuvre : rendre aux hommes et aux femmes la vie qu’ils avaient perdue.

« La mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts », nous disait saint Paul à l’instant dans la lecture. Au commencement, le Seigneur Dieu a créé toute chose pour la vie. C’est par un homme que la mort est venue bouleverser ce monde auquel le Seigneur Dieu avait donné la vie, le mouvement et l’être.

Et même, c’est par un homme et une femme que la mort est venue. Les Pères de l’Église, premiers penseurs de la foi chrétienne, n’ont pas manqué de relever la coïncidence. D’une part, à l’origine, une femme, Eve, a fait confiance à la parole d’un ange déchu, le serpent, et ainsi, par un homme, Adam, la mort est entrée dans le monde. D’autre part, une autre femme, Marie, a fait confiance à la parole d’un ange fidèle, et ainsi, par un homme, le Christ Jésus, est venue la résurrection des morts.

La mort qui était venue par un homme et une femme œuvrant ensemble contre Dieu est déjà vaincue et sera anéantie – c’est saint Paul qui le dit dans notre lecture – par un homme et une femme œuvrant ensemble avec Dieu. De l’Annonciation à l’Assomption, et même au-delà (Lumen Gentium n°62), Marie la Mère de Dieu n’est absente d’aucun aspect de l’œuvre de salut de son Fils. C’est ce que nous expérimentons dans la prière du rosaire en méditant les mystères de la vie du Seigneur Jésus avec Marie. Aujourd’hui, la Mère de Dieu est en travail afin de nous enfanter à la Vie véritable.

Une précision est nécessaire. La Mère de Dieu coopère activement à l’œuvre de son Fils, elle intercède pour nous, elle nous encourage, elle se donne pour chacun au point que l’on peut parler de sa maternité envers nous. Cependant, la Mère de Dieu agit toujours en tant qu’humble servante du Seigneur. Elle conduit à son fils l’unique Rédempteur de l’humanité. Le Christ Jésus, et lui seul, est Seigneur et Sauveur. Il n’y a pas d’autre nom que le sien qui puisse nous sauver (cf. Ac 4,12).

Comme nous, Marie a pèleriné sur cette terre dans la foi, l’espérance et la charité. Pas après pas, soutenue par l’Esprit Saint, elle a suivi son fils, sans tout comprendre. Vraie fille d’Israël, elle a servi le Seigneur suivant les conseils du prophète Michée (cf. Mi 6,8) : respecter le droit, aimer la fidélité et s’appliquer à marcher avec son Dieu.

La Mère de Dieu est experte dans l’art de suivre le Christ. Voilà ce qu’elle désire ardemment partager avec chacun de nous : comment nous pouvons, comme elle, marcher humblement à la suite du Seigneur à travers les épisodes joyeux, lumineux, douloureux et glorieux de notre propre histoire.

Que les Ave de nos rosaires soient autant de pas que Marie accomplit avec nous tandis que son fils refait en nous et pour nous son propre chemin : naissance, joie et épreuves, passion et mort, résurrection et gloire.

Père Alexandre-Marie Valder