Seul Dieu peut créer la justice. Et la foi nous donne la certitude qu’il le fait

Seul Dieu peut créer la justice. Et la foi nous donne la certitude qu’il le fait

Seul Dieu peut créer la justice. Et la foi nous donne la certitude qu’Il le fait

Qui est la veuve de l’évangile de ce dimanche, cette veuve qui ne cesse d’importuner le juge afin de réclamer justice ? Dans l’Évangile et dans les Actes, S. Luc fait intervenir plusieurs veuves : la prophétesse Anne qui accueille le bébé Jésus au Temple, la veuve de Naïm dont le Seigneur Jésus a relevé le fils unique qui venait de mourir, la veuve qui dépose son offrande minuscule et immense dans le tronc du Temple, les veuves de la communauté chrétienne naissante, dont la détresse conduit à l’institution des premiers diacres.

À chaque fois, la veuve est le type de la personne qui n’a plus aucun appui humain, qui ne peut compter que sur la bonté et la puissance du Père des cieux. C’est à leur propos que Paul écrit à Timothée : « la véritable veuve, celle qui reste seule, [sans famille pour la soutenir], a mis son espérance en Dieu : elle ne cesse de faire des demandes et des prières nuit et jour. »

La veuve de l’Évangile, c’est l’Église, aujourd’hui secouée et fragile comme une feuille d’automne. Ce peut être chacun de nous, lorsque nous reconnaissons que notre seule espérance est en Dieu. Puisque nous mettons notre confiance dans la bonté parfaite et la puissance souveraine du Père, que nous croyons que nos prières ne sont pas vaines, alors persévérons dans nos demandes légitimes auprès du Père, sans nous décourager.

Au contraire, celui qui ne prie plus, au fond, qu’il ne croit plus au Père infiniment bon et tout puissant. D’où la question inquiète du Seigneur Jésus : « Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »

Vient ensuite ce juge qui ne craint pas Dieu et ne respecte pas les hommes. Evidemment, il nous est présenté en contraste avec le Juge par excellence : Dieu lui-même. Si même ce juge dépourvu de justice,  et qui après tout n’est qu’un homme, finit par rendre justice, combien plus Dieu le fera-t-il !

En effet, Dieu est un juge qui rend justice. Depuis Abel assassiné, dont le sang versé crie de la terre vers Dieu (Gn 4,10), jusqu’au livre de l’Apocalypse, où ceux qui ont été égorgés pour le témoignage de Jésus réclament justice à Dieu (Ap 6,10), la Bible est semée de cris de priants qui appellent Dieu à rendre justice, alors comment imaginer que Dieu reste sourd à ces cris ?

Dieu rend justice de manière infiniment plus parfaite que les hommes, tenant compte exactement de toutes les circonstances de nos actes. Toutefois, si Dieu se limitait à rendre justice, nous aurions tous de quoi trembler. Aucun homme ne peut prétendre se présenter devant Dieu, satisfait de sa propre justice. Pensons aux mots célèbres de Ste Thérèse dans son Offrande à l’Amour Miséricordieux : « Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même. »

La semaine prochaine, nous entendrons la suite immédiate de l’évangile d’aujourd’hui, avec la parabole du pharisien et du publicain. À la fin de la parabole, il est dit que le publicain était devenu un homme juste. Certes, Dieu rend justice mais, mieux encore, il crée la justice. C’est ce qu’écrivait le pape Benoît XVI dans son encyclique sur l’espérance (n°43-44) :

« La question de la justice constitue […] l’argument le plus fort, en faveur de la foi dans la vie éternelle. […] avec le fait qu’il est impossible que l’injustice de l’histoire soit la parole ultime, la nécessité du retour du Christ et de la vie nouvelle devient totalement convaincante. La protestation contre Dieu au nom de la justice ne sert à rien. Un monde sans Dieu est un monde sans espérance. Seul Dieu peut créer la justice. Et la foi nous donne la certitude qu’Il le fait. »

« Il est impossible que l’injustice de l’histoire soit la parole ultime. » Voilà qui nous conduit au troisième personnage de la parabole. « Quel troisième personnage ? » me direz-vous. Cet adversaire contre lequel la veuve réclame justice. Qui est-il ?

Avant tout, prenons garde à ne pas être nous-mêmes cet adversaire contre qui d’autres crient vers Dieu. Le pape Léon vient juste de publier une exhortation apostolique consacrée à l’amour des pauvres comme dimension essentielle, centrale, constitutive, de la vie de l’Église et de chaque chrétien. J’invite chacun à lire cette lettre et à se laisser bousculer dans ses certitudes.

L’adversaire de la parabole peut aussi être l’Adversaire par excellence, Satan. Dans la première lecture, Amalec n’est pas pour Israël un ennemi comme un autre. Au tout début, Amalec survient de nulle part et sans préavis pour attaquer Israël, comme le serpent des origines, comme le mal dans nos vies. On n’explique pas le mal ; on ne le justifie pas ; on le combat. Et à la fin de l’épisode – le texte a été biffé dans notre lecture – le Seigneur prononce une malédiction irrévocable contre Amalec, d’une violence telle que l’on comprend qu’il ne s’agit pas simplement d’une histoire d’hommes, mais de la figure de l’Adversaire démoniaque avec lequel il ne peut y avoir ni réconciliation ni pardon. C’est aussi de cette façon que l’on doit entendre les imprécations des psaumes.

Pour nous chrétiens, Satan n’est pas une légende. Il est l’Ennemi de la nature humaine, celui qui s’attaque à nous à défaut de pouvoir atteindre Dieu, celui contre qui nous sommes démunis par nous-mêmes, comme la veuve de l’Évangile face à son adversaire. À nous, il appartient de crier vers le Père avec une foi vivante, une foi qui prie comme Moïse et qui lutte comme Josué, en ayant le souci de nous soutenir et encourager les uns les autres.

Achevant ses recommandations aux disciples le soir du dernier repas, le Seigneur Jésus leur disait ce qu’il nous dit à tous : « Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. »

Père Alexandre-Marie Valder