Aucun saint n’est né saint
Aucun saint n’est né saint
Nous sommes aujourd’hui le 1er novembre 2025 et nous avons tous un passé derrière nous. Ce passé est, je l’espère, d’abord une occasion d’action de grâces envers le Seigneur.
Reconnaître la présence du Seigneur dans notre passé nous donne le désir de remercier avec les mots de Zacharie : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, qui visite et rachète son peuple… », ou bien ceux de la Vierge Marie : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur… », ou encore ceux de Syméon : « Mes yeux ont vu le salut que tu préparais… »
Même si notre passé récent ou plus lointain a été marqué par de lourdes épreuves, nous sommes au moins soulagés qu’il soit derrière nous, et reconnaissants envers le Seigneur de nous avoir accompagnés et soutenus jusqu’à ce jour. Béni soit le Dieu vivant qui m’a donné la vie. Béni soit le Dieu fidèle qui m’a gardé fidèle jusqu’à aujourd’hui. Béni soit le Dieu saint qui m’a sanctifié au jour de mon baptême et ne cesse de me rendre saint comme lui.
Sur cet arrière-plan globalement lumineux, chacun peut reconnaître aussi les ombres des mauvaises dispositions plus ou moins enracinées, des péchés plus ou moins graves, plus ou moins récurrents. Chacun, en toute vérité, réalise qu’il est encore loin de celui dont parle le psaume : « Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint ? L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles. »
Nous sommes aujourd’hui le 1er novembre 2025. Sans nul doute, chaque 1er novembre depuis des siècles, des chrétiens se sont posé la même question que nous : étant donné le passé qui a été le mien, puis-je encore espérer être un saint moi aussi ? Un grand nombre d’entre eux sont aujourd’hui au Ciel auprès de Dieu, une multitude que nul ne peut dénombrer.
Ces saints connus et inconnus, nous les célébrons tous ensemble aujourd’hui, nous leur demandons d’intercéder pour nous afin que nous puissions les rejoindre un jour. Tous ces saints ont un passé comme nous avons un passé. Aucun saint n’est né saint.
« Il n’y a pas de saint sans passé, disait le pape François, et il n’y a pas de pécheur sans avenir. » La religion chrétienne compte très peu d’interdits. Il y a cependant au moins une chose qui est absolument interdite aux disciples de Jésus, et la voici. Dire à propos de qui que ce soit, surtout à propos de soi-même : « Plus de sainteté possible pour Untel, pas avec ce qu’il a fait, pas avec le passé qu’il traîne derrière lui. »
Il n’y a pas de saint sans passé, et il n’y a pas de pécheur sans avenir. Personne n’est dans l’impasse ou, plus exactement, même si quelqu’un est dans l’impasse, le Seigneur, lui, est toujours capable d’ouvrir un chemin de sainteté pour cette personne. Cette certitude constitue le mystère pascal, le cœur de notre foi.
Après que le Seigneur Jésus eut rendu son dernier soupir, que la pierre du tombeau eut couvert son corps mort, il semblait que l’on pouvait vraiment dire : « Il n’y a plus de sainteté possible pour qui que ce soit. Tout est fini pour Jésus et tout est fini pour les hommes et les femmes, pour l’humanité qui n’a pas reconnu son Dieu qui la visitait, qui ne l’a pas accueilli, qu’il l’a même rejeté, supplicié et tué. Non, plus d’avenir pour les hommes et les femmes après ce qu’ils ont fait. »
L’eucharistie que nous célébrons est à chaque fois un cri d’espérance qui proclame le contraire. Jésus le Christ est ressuscité ! Il est vivant pour toujours ! Avec lui, la joie naît et renaît toujours (cf. Evangelii Gaudium n°1). De la nuit la plus obscure, du gouffre le plus profond, du désespoir le plus total, il a fait surgir la joie de la résurrection. En lui, le salut ne cesse jamais d’être proposé à chaque homme et chaque femme.
Dans l’eucharistie, l’Église proclame sa foi en la victoire finale de Dieu sur le mal. Dans le baptême et la réconciliation, cette victoire rejoint chacun en particulier. Je suis baptisé, je suis déjà mort et ressuscité avec Jésus, je suis fils ou fille du Père, je suis habité par l’Esprit Saint. Chaque fois que je reçois l’absolution de mes péchés, le Père me redit que mon passé, si noir soit-il, ne m’empêchera pas de devenir saint ; il rouvre un avenir au pécheur pardonné que je suis.
Les saints et les saintes que nous célébrons aujourd’hui ont puisé force, courage et espérance dans le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la réconciliation et les autres sacrements du Christ que célèbre l’Église. Ils ont fréquenté la parole de Dieu afin de mieux connaître le Seigneur, le Dieu vivant, le Dieu fidèle, le Dieu saint, le Dieu qui rend saint comme lui-même est saint. Ils ont cherché à imiter le Christ humble et serviteur de ses frères et sœurs.
Aujourd’hui, 1er novembre 2025, ravivons en nous l’espérance de vivre avec Dieu et les saints du Ciel pour toujours ; ravivons en nous le désir, la ferme résolution de prendre le chemin qui nous y conduira : croire avec une immense confiance en l’amour que nous a donné le Père, et accueillir cet amour qui se donne à travers les humbles signes du pain, de la parole, du frère.
Que la prière de tous les saints nous garde, nous soutienne et nous encourage, afin que nous puissions chanter avec eux, pour l’éternité, les miséricordes du Père très bon, par son Fils bien-aimé, dans l’Esprit d’amour et de sainteté. Amen.
Père Alexandre-Marie Valder