C’est vous qui êtes le sanctuaire du Dieu de miséricorde

C’est vous qui êtes le sanctuaire du Dieu de miséricorde

C’est vous qui êtes le sanctuaire du Dieu de miséricorde

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu […] À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom […]. Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire. »

Chaque dimanche, nous confessons Dieu qui s’est fait homme pour nous les hommes et pour notre salut, Dieu Saint qui s’est fait tout proche afin de nous rendre saints comme lui-même est Saint. Des préfigurations existent dès l’Ancien Testament. Dès l’origine, le Seigneur a fréquenté le jardin où il avait placé l’homme et la femme. Plus tard, il a continué de visiter les humains et de leur parler. Il a rencontré Moïse sous le signe du buisson ardent. Après la libération d’Egypte, le Seigneur ne s’est pas éloigné : la tente de la rencontre qui abritait l’arche d’alliance était le signe de la présence du Seigneur au milieu de son peuple.

Pour nos frères juifs, cette pédagogie a culminé avec la construction du Temple de Jérusalem, ce lieu saint où Dieu l’Unique pouvait être rencontré et adoré. Plus encore, comme nous l’avons entendu dans le prophète Ezéchiel, la Maison de Dieu, justement par la puissance de Celui qui y demeure, est une bénédiction pour tout ce qui l’entoure. L’eau vive qui s’en écoule comme un fleuve représente la miséricorde du Seigneur qui assainit, vivifie, féconde, rassasie et guérit.

Autrement dit : si Dieu se choisit un lieu et un peuple pour y demeurer, c’est afin que, à partir de ce lieu et de ce peuple, sa miséricorde parvienne en tous lieux et à tous les peuples.

 Pour nous chrétiens, quel est le lieu où Dieu habite corporellement ? C’est avant tout le corps humain du Seigneur Jésus, ce corps dont il disait dans l’évangile de ce dimanche : « ”Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai.” Les Juifs lui répliquèrent : “Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais !” Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. » Avec son corps où habite la plénitude de la divinité, avec ses yeux, sa bouche, ses mains, ses pieds, le Seigneur Jésus a rencontré les hommes et leur a fait miséricorde. L’Évangile nous rapporte qu’une force sortait de lui et guérissait les malades, consolait les affligés et chassait les esprits mauvais.

Depuis l’Ascension, le corps humain du Seigneur est hors de notre portée. Le Seigneur est parti nous préparer une place auprès du Père. Le corps du Christ, le sanctuaire de Dieu, aujourd’hui, c’est nous, l’Église dont les églises d’ici-bas sont l’image : « Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? nous demandait Paul [… ]. Le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous. »

Célébrer l’Eucharistie, communier, c’est recevoir ce que nous sommes et devenir ce que nous recevons, le corps du Christ. Nous, l’Église, sommes le sanctuaire de Dieu, le lieu où Dieu veut rencontrer l’humanité, lui parler, la toucher, lui faire miséricorde. Aujourd’hui, nous nous réjouissons d’être « le saint peuple de Dieu », le peuple dans lequel Dieu fait homme a décidé d’habiter.

Nous sommes le saint peuple de Dieu : notre corps, nos yeux, notre bouche, nos mains, nos pieds sont au service de la rencontre de Dieu avec l’humanité. Faisons de nos églises, de nos communautés, de nos familles, de nos propres vies, des lieux où les hommes et les femmes qui ne le connaissent pas peuvent expérimenter, à notre contact, quelque chose du Dieu fait homme pour sauver tous les hommes.

Ce n’est pas un hasard si l’on utilise les mêmes signes sur les pierres pour consacrer une église et sur les corps pour faire d’un homme ou d’une femme un chrétien, membre du corps du Christ : la même eau asperge les murs de l’église et coule sur la personne à baptiser, la même parole est proclamée depuis l’ambon et entendue dans l’assemblée, le même Saint-Chrême oint l’autel et le front des baptisés et des confirmés, la même eucharistie est célébrée, consommée par les chrétiens et conservée dans le tabernacle de l’église.

 Accordons-nous assez d’importance et de respect à ces signes : l’eau, la parole, l’onction, l’eucharistie, qui consacrent à la fois nos églises et nos personnes au service de la miséricorde ?

L’évangile de ce jour doit soulever en nous une sainte inquiétude.

En effet, ce qui provoque la colère du Seigneur Jésus, n’est-ce pas de voir que le sanctuaire dédié à la rencontre de Dieu avec son peuple et avec toute l’humanité est devenu un obstacle à cette rencontre ? Que le parvis extérieur qui devait accueillir les non-juifs et leur permettre d’avoir part à la bénédiction d’Israël est devenu une foire aux bestiaux ? Que le lieu construit pour être une maison de prière pour tous les peuples s’est transformée en lieu de commerce ?

Aujourd’hui, l’Église que nous sommes est malmenée. J’aime à croire que, pour une part, c’est le Seigneur Jésus lui-même qui est en train de chasser et de mettre à terre ce qui n’a pas sa place dans nos églises et dans nos vies ; que le Seigneur Jésus nous rappelle avec force à notre vocation première. La leçon est douloureuse sur le moment, mais elle portera sans aucun doute du fruit à long terme.

Frères et sœurs, je suis le premier à m’interroger :
Comment pouvons-nous témoigner de nos vies transformées par l’Esprit Saint, ayant renoncé au mal ? Comment être des messagers de joie dans un monde désespéré, de pardon dans un monde d’accusation ? Comment donner davantage de place à ce silence où pourra retentir une parole que l’on n’entend nulle part ailleurs que dans nos églises ?

Que l’Esprit Saint fasse de nous des hommes et des femmes en qui nos prochains et nos lointains pourront entrevoir le visage de notre Seigneur et Maître et découvrir la miséricorde infinie du Père. Amen.

Père Alexandre-Marie Valder