Déliés et délivrés, liés et reliés par le Seigneur dans son Église

Déliés et délivrés, liés et reliés par le Seigneur dans son Église
« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
La parole solennelle adressée à Pierre par le Seigneur Jésus met en présence deux puissances : la Mort et l’Église fondée sur Pierre. L’Église, c’est l’assemblée convoquée par le Seigneur. Même si les apparences sont contre nous, nous osons affirmer que, rassemblés ce dimanche pour la messe, nous sommes ceux sur qui la puissance de la Mort ne saurait l’emporter. Aujourd’hui, par ces signes fragiles : notre petite assemblée de pécheurs pardonnés, l’imposition des mains, l’infusion d’eau qu’accompagne une parole, l’huile, le vêtement, la flamme, le pain, le vin, nous accueillons Adèle et Marcus dans le camp des vainqueurs (enfants baptisés à Ludres ce dimanche).
Dans le texte original, le Seigneur Jésus oppose les portes de la Mort, qui concentrent toute la puissance du Mal, aux clés du royaume des cieux, qui ont le pouvoir d’ouvrir et de fermer. Ce que Pierre voudra ouvrir, nul n’aura le pouvoir de le garder fermer ; ce qu’il voudra fermer, nul ne pourra le garder ouvert. Pierre, c’est-à-dire l’Église bâtie sur lui, agit avec la force du Seigneur pour ouvrir et fermer, pour lier et délier.
« Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » Quelqu’un m’a un jour interrogé sur la signification de cette mystérieuse parole du Seigneur Jésus. En effet, nous pouvons à la limite accepter l’idée que l’Église ait le pouvoir de délier, car cela évoque la liberté, l’indépendance, le Dieu des grands espaces et des vastes horizons, etc. Le pouvoir de lier, au contraire, nous ferait plutôt grincer des dents.
Tout d’abord, lier et délier sont deux aspects d’un unique pouvoir. Dans le monde juif – et rappelons que Jésus, Pierre, Paul et les autres Apôtres sont tous juifs – le pouvoir de lier et délier est une prérogative des rabbins qui interprètent la Loi de Moïse. Par l’intermédiaire de Moïse, le Seigneur a délié, délivré son peuple de l’esclavage en Egypte, et il l’a lié sous la Loi pour le garder de retomber en esclavage. À la suite de Moïse, les rabbins lient et délient, déterminent ce qui est permis ou interdit, comment il faut agir pour continuer à vivre selon Dieu. Le pouvoir de lier et délier est donné à l’Église fondée sur Pierre pour permettre à qui le désire d’entrer dans le royaume des cieux et d’y persévérer.
Aujourd’hui encore, l’Église fondée sur Pierre exerce le pouvoir de délier au nom du Seigneur. Le Seigneur est le Dieu qui libère de l’esclavage, de tout ce qui enferme l’être humain. Dans la première lecture, alors que la puissance de la Mort, ici représentée par Hérode, enferme Pierre, le Seigneur agit avec une puissance plus grande encore pour le libérer. « L’Ange du Seigneur campe alentour, pour libérer ceux qui le craignent. »
Aujourd’hui encore, l’Église délie en donnant l’absolution et le pardon des péchés. Là où la puissance de la Mort enferme dans le ressentiment, la culpabilité, l’angoisse de la mort et du jugement, l’Église dit et redit au nom du Seigneur : « Je te pardonne tous tes péchés. Va en paix. »
Plusieurs fois par jour, les disciples du Christ font monter vers le Père la prière des enfants de Dieu : « Notre Père… délivre-nous du Mal. » Ce Mal prend de nombreuses apparences. Dans un instant, je vais prononcer sur Adèle et Marcus la prière d’exorcisme pour demander au Seigneur d’exercer sa puissance pour les délivrer du Mal. Être délivré du Mal, c’est un don ; délivrer du Mal, lutter contre le Mal en nous et autour de nous, c’est aussi une mission qui nous échoit, spécialement à nous, chrétiens, fils et filles de Dieu.
Fils et filles de Dieu par le baptême, nous sommes liés, re-liés, à Dieu avec qui nous entretenons une relation privilégiée. « Tous m’ont abandonné. Le Seigneur, lui m’a assisté », constate Paul dans la deuxième lecture. Même si toutes nos relations devaient se dissoudre, soyons sûrs que l’Alliance avec le Seigneur, elle, tiendra bon. Ainsi, nous voyons que le pouvoir de lier n’est pas aussi négatif que nous l’avions craint. Par le baptême, Adèle et Marcus vont être liés au Seigneur pour toujours.
Nous sommes liés, reliés à nos frères et sœurs dans le Christ. Nous professons la même foi, ce que nous allons faire ensemble dans quelques minutes. Reliés, nous recevons la même parole. Dans l’Évangile de ce dimanche, « les gens », ceux qui ne connaissent pas Jésus, ont tendance à disjoindre le témoignage des prophètes : Jean le Baptiste, ou Elie, ou Jérémie, ou un autre prophète. L’Église au contraire, rassemble sous une même couverture, une même reliure, tous les témoins du Seigneur. Reliés, nous communions à la même Eucharistie pour former un même Corps. Reliés, nous avons part au même Esprit Saint qui nous envoie vers tous les humains comme témoins du Dieu Amour.
Et si, ce que nous pouvons souhaiter de meilleur pour Adèle et Marcus, c’était de nouer un lien qui donnera du sens à leur vie ? Un lien fort avec le Seigneur tout d’abord. Et aussi, un jour, un lien avec un époux ou une épouse, ou peut-être un engagement dans la vie re-li-gieuse (encore le lien). Dans tous les cas, un lien qui attache irrévocablement au Bien et qui ainsi délivre du Mal.
Frères et sœurs dans le Seigneur, en présentant nos intentions de prière, en renonçant au Mal, en professant notre foi, en faisant entrer Adèle et Marcus dans la famille de Dieu, en communiant au Corps et au Sang du Christ, en recherchant chaque jour ce qui est bien, vrai et beau, ayons conscience d’être des hommes et des femmes déliés et délivrés, liés et reliés dans l’Église du Seigneur Jésus Christ, lui qui vit et règne avec le Père dans l’unité du Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.
Père Alexandre-Marie Valder