Destruction ou conversion ?
Quand on voit tout le mal qu’il y a dans le monde, on se demande ce que fait Dieu. Pourquoi ne frappe-t-il pas un bon coup pour débarrasser le monde des méchants un fois pour toute, que nous puissions tous enfin vivre en paix ? Dès les premiers chapitres de la Bible, le récit du déluge nous explique pourquoi cela ne résoudrait rien. J’en rappelle les grandes lignes.
Alors que les êtres humains se sont répandus sur toute la terre, la méchanceté et la violence se sont répandues avec eux. Tous ont le cœur blessé, tous ont perdu le sens du bien, refusant d’écouter Dieu. Voyant cela, Dieu décide de détruire tout ce qu’il avait fait. Au milieu de ce monde de méchanceté et de violence, il y a Noé, un homme juste et droit avec sa famille. Sur l’ordre du Seigneur, Noé construit l’arche, un grand bateau en forme de coffre, et il s’y abrite avec un échantillon de tous les animaux du monde. Le déluge tombe sur la terre durant quarante jours et toute la terre est noyée, sauf Noé, sa famille et les animaux abrités dans l’arche.
Après le déluge, Dieu s’engage auprès de Noé : il n’y aura plus de déluge pour détruire la terre. Malheureusement, la méchanceté et la violence ne tardent pas à réapparaître sur la terre. Même le plus juste des hommes a le cœur blessé et il est capable de blesser les autres. Cela vaut aussi pour toi et pour moi.
La solution au mal qu’il y a dans le monde, ce n’est pas la destruction, c’est la conversion.
Dans la lecture, saint Pierre nous dit : « L’arche dans laquelle un petit nombre, en tout huit personnes, furent sauvées à travers l’eau était une figure du baptême qui vous sauve maintenant. » Cela signifie que l’histoire de l’arche nous aide à comprendre ce qu’est le baptême.
L’arche était là pour sauver d’un danger. Il y avait le danger d’être englouti par l’eau, bien sûr. Mais plus profondément, si Dieu a envoyé le déluge d’eau, c’était pour que le monde ne soit pas englouti par la méchanceté, la violence et le mal.
Aujourd’hui, quel est le mal qui nous engloutit ? Qu’est-ce qui nous submerge ? Les guerres ? La crise écologique ? L’angoisse et la peur ? Le mal-être ? L’ennui et le non-sens ? L’absence de repères et de perspectives d’avenir ? Toutes sortes de questions nous enserrent : suis-je aimable ? suis-je aimé ? suis-je capable d’aimer ?
L’arche de Noé n’était pas un bateau de croisière, mais plutôt une sorte de coffre dans lequel on était enfermé. Pourtant, en réalité, seuls ceux qui ont accepté cette contrainte ont pu être sauvés de l’engloutissement.
C’est pareil pour le baptême et la vie chrétienne. En apparence, être chrétien, c’est une contrainte. S’attacher à Jésus pour le suivre, écouter la parole de Dieu, prier seul et participer à la messe le dimanche, chercher à faire le bien, rejeter le mal, etc. C’est pourtant le moyen d’être sauvé de l’engloutissement du mal.
En suivant Jésus chaque jour de ta vie, en t’attachant à lui, tu comprends ce qui est fondamental. Oui, tu es vraiment aimable et vraiment aimé, indépendamment de tes résultats scolaires, de tes vêtements, de ce que l’on dit ou pense de toi. Oui, il est bon que tu sois et que tu sois comme tu es. La vie est belle et sensée. Ni l’échec, ni le deuil, ni les menaces contre la paix et l’environnement, même le mal que tu as fait hier, même celui que tu feras peut-être demain, rien de tout cela ne peut te séparer de l’amour inconditionnel de Dieu qui, le jour de ton baptême, t’a adopté comme son fils ou sa fille.
Revenons à notre arche. L’arche était là pour sauver d’un danger. Toutefois, entrer dans l’arche, cela demandait de faire confiance : confiance à la parole de Dieu, confiance au travail de Noé.
C’est pareil pour le baptême et la vie chrétienne. Nous disons que le baptême est la porte de la foi, parce qu’il nous fait entrer dans une relation de confiance, de familiarité, d’amitié avec Dieu. Nous disons que le baptême est le sacrement de la foi, parce qu’il manifeste celui en qui nous croyons : nous sommes baptisés – c’est-à-dire plongés – dans la mort et la résurrection de Jésus, le Fils de Dieu.
Croire, c’est faire confiance à Dieu, c’est s’appuyer sur Dieu, c’est adhérer à Dieu, comme si on voulait coller à Dieu, ne plus le lâcher. Lui ne te lâchera jamais, mais il ne te forcera pas non plus à rester si tu ne veux pas. À toi aussi de protéger ta foi, de l’entretenir, de la garder vive.
Revenons encore à notre arche. Selon le récit biblique, entre le moment où Noé est entré dans l’arche et celui où il en est sorti, avec les quarante jours de pluie, le temps de stagnation et le temps de décrue, c’est une épreuve qui a duré plus d’un an. Et après, pour Noé et sa famille, il fallait tout recommencer, avec l’aide de Dieu.
C’est pareil pour le baptême et la vie chrétienne. Un jour, quelque part, j’ai reçu le baptême ; je suis entré dans l’arche. Un jour, je sortirai de l’arche ; je mourrai et j’entrerai dans la vie éternelle déjà commencée avec mon baptême. Entre les deux, il y a une longue durée, plusieurs années, le temps de la conversion et de la foi, le temps où j’accueille cette parole de Jésus : « « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
Ecoutons saint Pierre : « Le baptême ne purifie pas de souillures extérieures mais il est l’engagement envers Dieu d’une conscience droite et il sauve par la résurrection de Jésus Christ. »
Le récit du déluge nous apprend qu’il ne sert à rien de chercher à transformer le monde en détruisant ce qui ne va pas. Transformer le monde, cela commence en toi, par l’engagement envers Dieu d’une conscience droite : Seigneur, je crois que tu es là et que tu m’aimes d’un amour inconditionnel ; j’espère te rencontrer un jour face à face ; dans cette espérance, avec mes petites forces d’aujourd’hui, je choisis chaque jour de t’aimer et d’aimer mes frères et sœurs. Amen.
Alexandre-Marie Valder, prêtre
S’adressant plus particulièrement aux quarante cinq jeunes venus pour la préparation à la confirmation.