Dieu te voit ! Confiance !

Dieu te voit ! Confiance !

Dieu te voit ! Confiance !

Le prophète Elie est en exil au pays de Sidon. Au nom de la fidélité au Dieu unique, le Seigneur, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, il s’était dressé contre Achab, le roi d’Israël, époux de la fameuse Jézabel. Puisque Achab, pour des raisons politiques, avait rejeté l’alliance avec le Seigneur, puisqu’il avait offert un culte à Baal, dieu de la pluie, alors Elie a prié afin que vienne la sécheresse sur toute la région. La parole du Seigneur lui a alors été adressée : « Lève-toi, va à Sarepta, dans le pays de Sidon ; tu y habiteras ; il y a là une veuve que j’ai chargée de te nourrir. » Nous y voici.

Dieu, le Seigneur, qui a façonné le ciel et la terre, compte sur une pauvre veuve pour nourrir son prophète. Cette femme n’a pas assez à manger pour elle-même et pour son fils, elle est au bord de la famine, et elle est cependant assez riche pour servir le dessein de Dieu.

Son indigence et sa fragilité, et également le fait qu’elle soit une femme, une étrangère et une païenne, ne sont pas un obstacle à l’action de Dieu en elle et par elle. Au contraire : sa précarité ouvre cette femme à la confiance, à la remise totale de sa vie entre les mains de l’envoyé du Seigneur.

La veuve de Sarepta n’est pas un cas isolé. À choisir, qui parmi nous aurait confié le Messie du Seigneur à un jeune couple modeste de Nazareth plutôt qu’à une famille puissante ou fortunée ? Et c’est pourtant à travers l’humilité, la simplicité, la précarité, mais surtout l’obéissance et la confiance de Marie et Joseph que le dessein de Dieu s’est accompli.

L’histoire n’a fait que se répéter depuis 2000 ans. Pierre et les autres apôtres étaient, nous disent les actes des apôtres, des hommes sans instructions et de simples particuliers. Ils ne pouvaient compter sur aucune puissance politique, sur aucune armée, et pourtant, quelle fécondité ! Paul, malingre et sans talents oratoires, a eu le succès apostolique que l’on sait : « Ce que je suis, écrivait-il aux Corinthiens, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile. Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi (1Co 15,10). »

On pourrait égrener une longue liste de saints fragiles, précaires, et pourtant rayonnants et féconds : Ignace d’Antioche, François d’Assise, Jean-Marie Vianney, Bernadette, Thérèse de Lisieux, et bien d’autres. Et cette sainteté paradoxale s’enracine dans le mystère de la croix de Jésus : c’est par cet homme abandonné, avili, torturé, immobilisé sur le bois, cet homme qui ne peut même pas se sauver lui-même, cet homme pour qui chaque respiration est un combat, cet homme enfin réduit à l’état de cadavre emmuré dans la tombe, c’est par cet homme-là et par nul autre que Dieu sauve le monde.

 Si petit, si pauvre, si précaire, si fragile, si bon à rien, et même si pécheur que tu te voies, le Seigneur, lui, te voit, te remarque et te connaît. Cela aussi court tout au long de l’Écriture, notamment dans l’évangile d’aujourd’hui.

À Moïse qu’il avait vu s’approcher du buisson ardent, le Seigneur a dit : « J’ai vu, oui j’ai vu la misère de mon peuple (Ex 3,7). » Qui parmi les grands de ce monde s’inquiétait alors du petit peuple d’Israël, sinon le Seigneur qui voit ceux et celles que personne d’autre ne voit ? Le Seigneur notre Dieu est un Père qui voit dans le secret. La prière, l’aumône, le jeûne que l’on offre en secret, dont nul autre n’a connaissance, lui les connaît.

Et Jésus, combien de fois voit-il ceux et celles que personne d’autre ne remarque ? Zachée dans son arbre (Lc 19,5), la femme guérie de ses hémorragies (Mt 9,22), la veuve qui dépose son offrande au Temple. Jésus ne se contente pas de voir ceux que personne ne voit : il les fait voir aux autres. Un jour qu’il était à table chez un pharisien, une pécheresse fit irruption et embrassa les pieds de Jésus en pleurant. « Tu vois cette femme ? demanda alors Jésus à son hôte. Je te le dis : ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. »

Si petit que tu sois, le Seigneur te voit, et même il s’émerveille de toi, il t’admire. Comme aujourd’hui à propos de la veuve, Jésus loue la foi et l’amour de ces petits qui sont venus à lui : Zachée, la femme souffrant d’hémorragies, la pécheresse en pleurs, le centurion, etc.

 La veuve de Sarepta, la veuve du Temple, Zachée, la femme perdant son sang, la pécheresse en pleurs, le centurion, la Syrophénicienne, la Samaritaine, l’enfant aux cinq pains et deux poissons, c’est moi, c’est toi, c’est tout disciple qui remet dès aujourd’hui l’intégralité de son petit possible entre les mains du Seigneur, dans la confiance et l’amour ; tout disciple qui met en œuvre dès aujourd’hui, rien qu’aujourd’hui, ce que l’Esprit du Christ ressuscité lui donne à faire et à être.

Qu’est-ce qu’une hostie que nous utilisons à la messe ? Trois fois rien. Elle n’a ni odeur, ni saveur, aucune valeur. Et pourtant elle va devenir le corps du Christ ! Et nous qui ne sommes tout de même pas trois fois rien, sans odeur, ni saveur, ni valeur ?

Quelles piécettes puis-je déposer dans le trésor du Temple aujourd’hui ? Une prière un peu allongée, une aumône, un petit effort, la patience dans la maladie, dans l’épreuve, dans l’adversité, une oreille attentive, une épaule pour s’y appuyer, un papier ramassé par terre, un travail invisible et ingrat que personne ne connaîtra jamais… personne, sinon Dieu qui voit dans le secret, à lui la gloire et la louange pour les siècles des siècles. Amen.

Père Alexandre-Marie Valder, prêtre