En cette fête de l’Epiphanie….

En cette fête de l’Epiphanie….

Si le soleil venait à disparaître maintenant, j’aurais encore le temps de terminer mon homélie avant que nous nous en rendions compte. Nous le savons en effet : sa lumière met environ huit minutes pour parvenir jusqu’à nous.

Il en est un peu de même pour la lumière du Seigneur. A Noël, nous avons célébré le don que Dieu nous fait de son Fils unique, Lumière née de la lumière, lumière pour éclairer les nations. Nous voilà aujourd’hui à la fête de l’Epiphanie : la lumière de Noël est accueillie par les nations, c’est-à-dire les païens qui ne sont pas du peuple d’Israël, nous.

Prenons une image. Beaucoup ici ont des petits-enfants. Un jour, votre fils ou votre fille vous a annoncé la grossesse : joie ! Et puis, neuf mois plus tard : Théodule, 3,02 kg, est né ce matin à 8h15 : re-joie ! Et puis, quelques temps plus tard, vous avez pu voir Théodule en chair et en os et le tenir dans vos bras.

L’Annonciation, la Nativité, l’Epiphanie.

En cette fête de l’Epiphanie, je nous invite à faire mémoire de notre rencontre avec Jésus. Elle ne s’est probablement pas faite en un seul moment décisif, bien sûr. Prenons toutefois quelques instants pour nous remémorer cet épisode qui a changé notre vie, cette personne que nous avons rencontrée, cette parole ou cette image qui nous a touché, cette mission que nous avons acceptée, bref ! Ce moment où nous avons reçu Jésus dans notre vie, sans peut-être le reconnaître dans un premier temps. Merci Seigneur pour cela…

Une chose est sûre : aucun de nous n’a rencontré Jésus face à face. Peut-être l’un de nous ici a-t-il fait une rencontre vraiment forte, bouleversante, avec le Christ ressuscité… quoi qu’il en soit, nous avons tous rencontré Dieu par des médiations. C’est ainsi : on reconnaît Dieu à ce qu’il n’agit pas seul, et pas directement. Le mystère de Dieu nous parvient par des médiations.

Dieu invisible s’est rendu visible à nos yeux dans l’humanité du Christ, dans ce petit enfant, cet homme de Galilée, il y a 2000 ans. Lui seul connaît le Père et nous le fait connaître. En lui et en lui seul réside la plénitude de la divinité et, si nous pouvons discerner quelque chose de Dieu dans le visage de nos frères et sœurs, des pauvres surtout, ce sera uniquement un reflet de la gloire qui resplendit sur le visage du Christ.

Peut-être est-ce une évidence pour vous, et je m’en réjouis. Pour tant de nos contemporains, Jésus n’est, dans le meilleur des cas, qu’une voie d’accès parmi d’autres à une force divine dont personne ne sait rien et ne peut rien dire. Même si nous n’avons pas la possibilité d’en témoigner, osons au moins nous le dire à nous-mêmes : il n’y en a aucun autre par lequel nous soyons sauvés, si ce n’est ce Galiléen né dans une étable.

Mais Jésus lui-même ne nous est plus accessible directement. Depuis l’Ascension, il n’est plus là, à portée de main pour recevoir sa force, à portée d’oreille pour entendre ses mots. Sa force et ses mots ne nous viennent que par les sacrements et par la parole de Dieu.

La connaissance que nous avons de lui aujourd’hui, ce qu’il a dit et fait, cela se trouve dans l’Écriture. Tout ce que les théologiens ont pu dire de vrai sur Dieu et sur l’homme depuis 2000 ans se rattache d’une manière ou d’une autre à l’Écriture. Tout est là, dans ces 73 livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, et pourtant les siècles qui restent à courir d’ici la fin des temps ne suffiront pas à les épuiser. Le mystère de Dieu est semblable à une source : il affleure en un endroit donné, et pourtant il est inépuisable. Il en est de même pour les sacrements et aussi pour l’Église, mais cela nous emmènerait trop loin, et j’ai promis de m’arrêter avant que le soleil ne s’éteigne.

Dans l’épître d’aujourd’hui, saint Paul se présente comme celui par qui Dieu a voulu faire connaître le mystère du Christ aux Ephésiens. Dieu aurait pu se passer de moi et de vous, mais il n’a pas voulu faire sans nous.

Nous, l’Église du Christ, nous prêtres, parents et grands-parents, jeunes et vieux, fils et filles de Dieu, sommes semblables au filament d’une lampe à incandescence. Nous avons la chance de vivre au contact de Dieu, nous nous laissons traverser par lui, réchauffer par lui. C’est à travers nous que Dieu se fait voir au monde.

N’ayons pas peur de nos pauvretés : Dieu sait écrire droit avec les lignes courbes que nous sommes. Prenons par exemple les prêtres : il y en a sans doute ici qui n’ont pas apprécié tel ou tel des prêtres qui se sont succédé ici, rien de plus normal ; et pourtant, sans aucun doute, Dieu nous a rejoint aussi par nos prêtres, avec leurs richesses et leurs faiblesses.

En résumé, la fête de l’Epiphanie nous rappelle que nous ne sommes jamais seuls avec Dieu. Dieu nous rejoint non pas comme nous le voulons, mais comme lui le veut, au moment qu’il a choisi, par les moyens et les personnes qu’il veut.

Rassurons-nous : Dieu veut notre salut et celui de tout homme, il désire venir à notre rencontre, et ni la fragilité, ni la faiblesse, ni même le péché des hommes nelui  sont un obstacle.

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Dieu se sert même du roi Hérode, de ses grands prêtres et de ses scribes pour conduire les mages à Jésus. Et voilà la grande et belle nouvelle : si Dieu a fait tourner leur fermeture de cœur au bien des mages, combien plus saura-t-il faire de nous, pauvres prêtres, époux, parents, grands-parents, catéchistes, etc., en dépit de nos pauvretés et de nos insuffisances, de nos péchés aussi, mais d’abord avec notre bonne volonté, des coopérateurs efficaces pour le salut de nos frères et sœurs.

En cette fête de l’Epiphanie, rendons grâce pour les médiations par lesquelles Jésus est venu jusqu’à nous, pour les apôtres et les évangélistes, pour les missionnaires et les évêques qui ont bouturé l’Église en Lorraine, pour les parents, grands-parents, éducateurs, catéchistes, etc. qui ont fait parvenir à nos oreilles la Parole de Dieu.

Au moment de communier tout à l’heure, demandons au Seigneur qu’il poursuive son œuvre dans notre pays et ailleurs, qu’il suscite des missionnaires, des hommes et des femmes ardents à faire le bien et à porter l’Évangile. Amen.

Alexandre-Marie, prêtre