En famille, en peuple, en Eglise.

En famille, en peuple, en Eglise.

Frères et sœurs, autant vous prévenir, je ne vais pas partir directement de la parole de Dieu ; ou, du moins, pas de la parole de Dieu que nous venons de proclamer.

Il y a quelques jours, quelqu’un chantait les louanges d’une personne « très engagée dans la paroisse », comme on dit. Cette personne a répondu très justement : « Mais non, ce n’est pas une histoire de faire beaucoup de choses pour la paroisse. La paroisse, c’est comme une famille. Dans une famille, on s’entraide, c’est normal. » En effet, l’Église est comparable à une famille.

Autrefois l’Église apparaissait comme une institution. Il y avait des professionnels de Dieu, assistés de nombreux bénévoles, (des agents des services sacrés !) chargés de fournir une prestation religieuse aux usagers qui venaient s’adresser à eux au guichet des paroisses. Il me semble que l’Esprit Saint nous invite aujourd’hui à passer de l’Eglise-administration à l’Eglise-famille dans laquelle chacun apporte et reçoit en fonction de ses besoins et de ses moyens. D’ailleurs, notre évêque ne nous invite-t-il pas à aller « Vers plus de fraternité » ?

Par notre baptême, nous sommes frères et sœurs. Plusieurs prières de la messe nous appellent de ce beau nom : « Frères et sœurs, préparons-nous à célébrer le mystère de l’eucharistie etc. », « Priez, frères et sœurs, que mon sacrifice etc. », « Frères et sœurs, dans la charité du Christ, donnez-vous la paix ». La prière d’ouverture fait mémoire de notre adoption filiale qui fait de nous des enfants de lumière. Et il y a bien sûr ce moment où nous prions ensemble le « Notre Père ».

« Ma fille, ta foi t’a sauvée… », dit le Seigneur à la femme guérie de ses pertes de sang. « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! », ordonne-t-il à la fillette relevée de la mort. Même si Jésus est d’abord notre frère, il pose aussi sur nous le regard du Père. Frères et sœurs du Seigneur Jésus, animés du même Esprit Saint que lui, nous sommes devenus fils et filles du Père céleste. Tous baptisés au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, nous partageons le même Nom, le Nom même de Dieu. Nous sommes de la même famille, la famille de Dieu. Nous sommes tous des princes et des princesses du Royaume.

De quelle famille parle-t-on ? L’Église-famille a vocation à rassembler tous les hommes et les femmes dans l’éternité. C’est la mission que Jésus nous a confiée en nous demandant de proposer largement la foi, de ne pas la garder pour nous. C’est pourquoi nous disons que l’Église est catholique, c’est-à-dire qu’elle tend vers l’universel. Cela implique que, à l’instant t, certains sont déjà dedans et d’autres pas encore. La Bible parle souvent des deux chemins, celui de la vie et celui de la mort. Nous en avons un écho dans la première lecture qui dit « ils font l’expérience de la mort, ceux qui prennent parti pour le diable ».

À l’instant t, il y a ceux qui sont du côté de la mort, et ceux qui sont en communion avec le Dieu vivant. Les années de notre vie nous sont données pour choisir. Si certains optent pour la mort, il y en a heureusement bien d’autres qui s’en détournent pour aller vers le Dieu vivant et recevoir la vie. C’est d’ailleurs le sens de la triple renonciation et de la triple profession de foi du baptême : « Rejetez-vous le péché ? Je le rejette. Croyez-vous en Dieu. Je crois. » Autrement dit, je quitte le chemin de la mort et je choisis celui de la vie.

Celui qui touche Jésus par la foi reçoit la vie : c’est le cas pour la femme guérie de ses pertes de sang, et aussi pour la petite fille que ses parents confient à Jésus. C’est ce qui se produit lors du baptême et qui se renouvelle chaque fois que nous posons un acte de foi, spécialement lorsque nous recevons les sacrements. Un jour, nous avons été la fillette réveillée par Jésus pour une vie nouvelle. Chaque jour, nous sommes comme la femme malade qui recherche la proximité avec lui afin de vivre.

Un autre mot important pour nous, c’est le mot de communion. Dans l’Évangile, une communion se réalise autour de Jésus entre des personnes très différentes. D’un côté il y a Jaïre le chef de synagogue, un notable respectable et respecté. De l’autre, il y a cette femme que ses pertes de sang condamnaient à vivre à l’écart de la société ; sans oublier les disciples. Autour d’eux se presse une grande foule qui les écrase. Ces gens veulent des miracles, des belles paroles, du service religieux, mais la communion avec le Dieu vivant ne les intéresse pas. Et nous, où nous situons-nous ?

Dans l’Église-famille, chacun apporte et reçoit ; chacun met en commun (en communion !) un morceau de soi. Au fond, nous sommes baptisés pour une seule raison : pour prendre part à l’eucharistie, recevoir la communion qui anticipe aujourd’hui ce que nous voulons vivre pour l’éternité. La messe, c’est bien sûr beaucoup plus qu’un repas de famille ; gardons pourtant cette image.

Dans un repas de famille, nous mettons en commun ce que nous avons et ce que nous sommes. Ne dit-on pas « donner de soi-même », « y mettre du sien » ? Au contraire, combien de repas de famille tournent au vinaigre parce que quelqu’un n’y met pas du sien : cette mamie qui, sous prétexte de vaisselle, reste confinée à la cuisine au lieu de prendre part à la conversation ; cet oncle qui ne cesse de parler et qui ne laisse pas de place aux autres ; cet adolescent rivé à son téléphone qui ne décroche pas une parole ; cet enfant qui ne participe pas au service, etc.

Il en va de même pour l’eucharistie, pour l’Église et pour la vie chrétienne en général. Abordons-les dans un esprit de famille où chacun y met du sien. D’autant que, dans l’eucharistie, Dieu le premier y met du sien : « Vous connaissez en effet le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ, dit S. Paul, lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. »

L’argent peut être le symbole de ce que chacun met en commun, le moyen de la communion entre les communautés chrétiennes. Voilà pourquoi S. Paul accorde tant d’importance à la collecte d’argent dans la deuxième lecture. Aujourd’hui encore, notre diocèse collecte en faveur du Liban, du Burundi et de l’Inde.

Argent, service, visites, participation aux propositions conviviales, temps gratuit offert, prière aux intentions de la paroisse, ou même simplement ramasser ce papier dans un coin de l’église, autant de moyens bien concrets pour donner de nous-mêmes, y mettre du nôtre, mettre en commun nos richesses.

Père Alexandre-marie Valder