Homélie du 4 juillet

Homélie du 4 juillet

On ne dirait pas, à nous voir comme ça, mais nous sommes une engeance de rebelles. C’est du moins un élément que nous pouvons retenir des lectures de ce jour.

Aujourd’hui, la Parole de Dieu ne s’adresse pas à ceux qui sont dans leurs maisons, au cinéma ou au café, mais à nous qui venons de l’entendre. Il est question aujourd’hui de prophètes envoyés par Dieu, et de rebelles qui refusent de les écouter. Comme moi, vous êtes peut-être tentés de vous mettre dans le camp des prophètes. N’allons pas trop vite en besogne ! Si nous l’écoutons vraiment, l’Évangile nous démange, nous bouscule, nous dérange.

Premier point : l’Évangile nous dérange par son contenu. « N’ayez pas peur… Si on te frappe sur la joue droite, tends encore l’autre… Aimez-vous les uns les autres », ou même les paroles du psaume d’aujourd’hui « Vers toi j’ai les yeux levés… comme les yeux de l’esclave vers la main de son maître. » Disons-le tout net : c’est difficile à entendre, c’est d’une certaine façon impossible à mettre en pratique, et cela nous agace d’entendre que Jésus continue de nous appeler. Si les mots de l’Évangile ne nous posent pas de problème, c’est que nous ne les avons probablement pas vraiment écoutés. Très souvent, lorsque je rencontre des personnes un peu éloignées de la foi à l’occasion d’un baptême, d’un mariage, de funérailles, le message évangélique semble aller de soi pour elles. « Oh ben oui, vous savez, nous, les valeurs chrétiennes, c’est vraiment essentiel : le partage, la tolérance, et tout ça… »

Disons-le tout net, et c’est mon deuxième point : personne n’est plus intolérant que Dieu. Nous les hommes et les femmes, nous finissons toujours par nous accommoder qu’Untel – à commencer par nous-même – ne soit pas un enfant de chœur, mais pas un mauvais bougre non plus. Dieu est doux et patient, plus que nous ne pouvons même l’imaginer, mais il ne tolère pas le mal. Il lui est intolérable que son peuple choisi soit une nation rebelle, et c’est justement pour cela qu’il continue de lui envoyer des prophètes, comme Ezékiel. « Qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas – c’est une engeance de rebelles ! – ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux. » Na ! Et nous, est-ce que nous ne nous contentons pas parfois – pas tout le temps, heureusement – d’être « juste assez gentils pour être sauvés » ? Heureusement qu’il y a des prophètes pour nous sortir de notre ronron.

Les prophètes justement, c’est mon troisième point. On reconnaît un prophète – et c’est paradoxal – à ce qu’il n’a pas la tête de l’emploi. « D’où cela lui vient-il ? N’est-il pas le charpentier, le ‘fils à la Marie’ ? » On le connaît trop bien, il ne peut pas être envoyé par Dieu. Et dans une autre page d’Evangile, Jésus se moque de ceux qui refusent le message de Jean Baptiste parce qu’il est trop ascétique, et qui refusent son message à lui car il est trop glouton.

Et nous donc, nous sommes faits du même bois que les contemporains d’Ezékiel et de Jésus. Elle est où la Bonne Nouvelle dans tout ça ? Juste avant l’Évangile, nous avons entendu « L’Esprit du Seigneur est sur moi :                                                il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. »

Il est normal que l’Évangile nous dérange, c’est même à cela qu’on le reconnaît. Seul Jésus accomplit pleinement ce qu’il dit. Chaque fois que la Parole de Dieu semble trop exigeante pour nous, c’est justement qu’elle nous force à reconnaître que nous sommes des pauvres. C’est pénible, mais c’est le premier pas vers le salut. Au début de chaque célébration chrétienne, nous nous reconnaissons pécheurs. Nous sommes pauvres d’amour, nous sommes « dans le besoin », le besoin d’être aimés et sauvés.

Paul lui aussi a fait cette douloureuse expérience. C’est certainement cette écharde dans sa chair qui l’a gardé de l’orgueil et de l’autosuffisance, lui qui avait vu Jésus sur le chemin de Damas, qui avait entendu sa voix et annoncé sa Parole avec tant d’éclat. Malgré tout cela, cette écharde subsistait pour lui rappeler qu’il aurait toujours besoin que l’Esprit du Seigneur le fasse tenir debout, et que c’était très bien ainsi. Quelle était l’écharde dans la chair de Paul ? Lui seul le sait, et c’est aussi bien, car cela permet à chacun de s’identifier à lui.

Au final, restons attentifs aux interpellations du Seigneur, par sa Parole, par les prophètes qu’il met sur notre chemin. N’allons pas trop vite édulcorer la Parole pour la rendre compatible avec nos conceptions de Dieu et du monde. Acceptons d’être aussi « profondément choqués » que les auditeurs de Jésus. Mais n’en restons pas là : une fois mises en lumière nos faiblesses, nos pauvretés, nos échardes dans la chair, nos tendances mauvaises, ne désespérons pas de notre salut. Cela est impossible pour les hommes mais, pour Dieu, tout est possible.

Alexandre-Marie Valder, prêtre