Homélie du 07 mars 2021

Homélie du 07 mars 2021

3e dimanche de Carême
Année B

On peut considérer le temps du carême comme un chemin qui nous mène à Pâque où nous fêtons la résurrection de Jésus.
Mais ce chemin c’est aussi celui de notre vie dont le but est d’atteindre notre propre résurrection, c’est l’objet de notre foi.

Et les lectures qui nous sont proposées durant ces dimanches illustrent ce chemin. Et chaque fois on, trouve deux aspects : la vie avec ses difficultés et ses joies – et la résurrection qui est annoncée ou entrevue.

Lors du premier dimanche, on voit Jésus descendre dans l’eau pour être baptisé avec et comme les pécheurs, être tenté comme les pécheurs et ensuite se retrouver dans le désert parmi les bêtes sauvages et avec les anges qui le servent : on retrouve là le fils de Dieu qui ressuscitera.

Dimanche dernier on voyait Jésus transfiguré au sommet de la montagne accompagné de Pierre, jacques et Jean et conversant avec Moise et Elie. Une fenêtre ouverte sur le ciel.

Et il faut redescendre dans la plaine retrouver le quotidien avec ses soucis et surtout avec l’interdiction de raconter ce qui s’est passé avant que Jésus ne ressuscite d’entre les morts. Et les apôtres se demandent ce que veut dire ressusciter d’entre les morts.

Et aujourd’hui c’est une toute autre affaire. Jésus est violent, en colère. Ce n’est pas le Jésus « doux et humble de cœur ».
Pour que quatre évangélistes rapportent la scène, il faut croire que l’enjeu est de taille. Pour quoi cet acharnement de Jésus contre les marchands. Pourtant Il fallait qu’ils soient là pour fournir les animaux pour le sacrifice.
Il fallait aussi des changeurs pour que la monnaie à l’effigie de l’empereur n’entre pas dans l’enceinte sacrée.
Comme dit notre droit canon : pas de bruit d’argent autour de l’autel. Sujet délicat s’il en est un encore aujourd’hui

Mais ici Jésus ne s’attaque pas seulement aux marchands. Il s’en prend au culte lui-même. En renversant les comptoirs, il renversait la religion. Pour comprendre il faut savoir que la violence de Jésus se rattache à la grande lignée des prophètes de l’ancien testament. Certains n’y allaient pas de main morte pour dénoncer les pratiques du temple. Voici ce qu’Isaïe déclarait de la part de Dieu : « Je suis rassasié de vos holocaustes de bélier, N’apportez plus vos offrandes inutiles. Recherchez plutôt le droit et la justice »

Les prophètes dénonçaient avec vigueur l’incohérence qu’il y avait entre ce qu’on célébrait dans le temple et ce qu’on pratiquait dans la vie quotidienne.
Et c’est cela que Jésus dénonce lui aussi auprès des familiers du temple.

Mais Jésus veut aller encore plus loin. Comme prophète il voit venir des temps nouveaux et on a l’impression qu’il s’impatiente devant la survivance de pratiques qu’il considère comme révolues. Désormais il n’y aura plus besoin de marchands d’animaux car un nouveau culte arrive : le culte en esprit et en vérité qui se célébrera dans le nouveau temple. Et le nouveau temple c’est moi nous dit Jésus ou du moins c’est ce qu’il veut essayer de dire à ses interlocuteurs. « Détruisez ce temple et en trois jours je le rebâtirai » Jésus fait allusion à sa mort et à sa résurrection le troisième jour.

Personne n’a compris, pas même les disciples. Ce n’est qu’après la résurrection que ceux-ci se rappelèrent ces paroles et qu’ils crûrent.

Et désormais le lieu de la rencontre de l’homme avec Dieu, ce ne sera plus le temple, ce ne sera plus un lieu mais quelqu’un le corps du Christ et les innombrables frères et sœurs qui avec lui ne font plus qu’un. C’est tout simplement l’Église dont nous sommes.
C’est ce que Jésus essayera de faire comprendre à la samaritaine qui voulait savoir où il fallait adorer Dieu. « En esprit et en vérité « répondra Jésus. Et quand Philippe veut voir le Père, Jésus répond : « Qui me voit, voit le Père »

En ce temps de carême, c’est le moment voir ce que nous faisons de cette bonne nouvelle qui nous est rappelée aujourd’hui. Qu’est-ce que le seigneur attend de nous, quel genre de culte avons-nous à lui offrir.
Jésus fait le ménage dans le temple, n’est-ce pas le moment de faire le ménage dans notre vie ?

En ce troisième dimanche de carême, troisième étape de la route qui nous mène à Pâques, la Résurrection apparaît en ligne de mire.
Les termes sont cachés et paraissent incompréhensibles pour les auditeurs de Jésus mais pour nous depuis notre baptême ils sont plein de sens.
Jésus a dénoncé l’aspect commercial du culte divin et ce qu’il attend de nous c’est l’adoration en esprit et en vérité qu’il a proposé un jour à la samaritaine qui lui demandait où il fallait adorer Dieu).
Avec lui notre prière ne peut plus être du donnant mais avec un Dieu qui n’est que don, qui nous aime de toute éternité et qui nous aimera toujours quoique nous fassions.

Voilà ce que nous ne devons jamais perdre de vue dans notre marche vers Pâques c’est-à-dire vers la résurrection qui est le couronnement et le sommet de l’amour pour Jésus mais qui doit l’être aussi pour nous.
Tous les efforts, tous les sacrifices que nous pouvons faire pendant ce carême n’ont de sens que comme une réponse à cet amour dont notre monde a tant besoin.
Lorsque j’étais curé, une personne âgée que je visitais régulièrement me disait souvent : Monsieur l’abbé, « l’amour n’est pas aimé ». C’est parfois le reflet d’une triste réalité.
Une moniale qui se posait la question sur l’amour mystique et sur la contemplation en général s’est arrêtée un jour sur ces paroles de Jésus : « le royaume est semblable à un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a trouvé vend tout ce qu’il possède pour l’acquérir ». Elle se demandait si ce trésor n’était pas cet amour de Dieu caché en nous et qu’il fallait libérer pour lui permettre d’agir. Alors quand on l’a trouvé, il va prendre toute la place et se déverser dans le quotidien jusque dans les moindres détails.

Préparer Pâques c’est préparer notre propre résurrection, soutenus par l’amour que le Christ a déployé pour vaincre la mort et nous ouvrir à la vie en plénitude. Laissons-le passer cet amour. S’il y a de la place pour lui dans notre vie, il y en aura aussi pour tous nos frères.

Père Claude Houot