Homélie du 08 novembre 2020
32e dimanche du Temps Ordinaire
Année A
Pourquoi s’endorment-elles toutes les dix ?
Ce n’est pas la première fois que ce fait me frappe et m’intrigue en méditant la parabole bien connue des dix vierges : toutes les dix s’assoupirent et s’endormirent. Et pourtant, la leçon de la parabole, LA phrase que les auditeurs de Jésus ont à retenir, est sans aucun doute : « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »
J’insiste. Je ne sais pas pour vous, mais moi en tout cas, si j’avais voulu inviter mes auditeurs à rester vigilants, j’aurais raconté une parabole avec dix jeunes filles, cinq qui s’endorment, qui sont surprises par la venue de l’époux et qui se retrouvent à la porte, et cinq autres qui restent éveillées, prêtes à accueillir celui qui vient.
Ce n’est pourtant pas ce que fait Jésus.
Ailleurs dans les Évangiles, il parle du jour du Seigneur qui vient comme un voleur, et il invite à rester vigilant. Il parle de ces serviteurs qui attendent leur maître au retour des noces, ou de cet intendant qui néglige son devoir et qui se trouve surpris par le retour du maître de maison (Luc 12, 35 et suivants).
Alors pourquoi s’endorment-elles toutes les dix ? Je nous suggère une piste.
Vous le savez peut-être, les lectures du dimanche sont normalement articulées entre elles. Nous lisons en continu un Évangile, celui de Matthieu cette année. La première lecture, tirée de l’Ancien Testament, est choisie pour préparer ou éclairer l’Évangile du dimanche. Le psaume, lui, fait écho à la première lecture. Par contre, la deuxième lecture, souvent tirée des écrits de saint Paul, est choisie indépendamment des autres. C’est pourtant ici que l’on parle également de personnes qui s’endorment.
Le sommeil dont il est question dans la première lettre aux Thessaloniciens est le sommeil de la mort, qui concerne tous les hommes, même si Paul pensait que lui-même et quelques autres seraient encore de ce monde lors du retour du Christ. Tous, qui que nous soyons, croyants ou non, quelle qu’ait été notre vie, heureuse ou pénible, longue ou courte, nous connaîtrons le sommeil, la mort de notre corps. Ce ne doit pas être un motif de tristesse, mais une invitation à se réconforter les uns les autres, comme l’écrit Paul. En ce mois de novembre, nous tournons nos yeux vers ceux qui sont partis (Toussaint et commémoraison des fidèles défunts) et vers Celui qui vient (le Christ Roi de l’univers).
Mais… et l’invitation à la vigilance ? et l’huile des lampes ?
« Je dors, chante la bien-aimée, mais mon cœur veille » (Ct 5, 2) De quoi notre cœur est-il rempli ? Qu’est-ce qui en alimente la flamme ? Quel désir nous habite ?
Dans quelle mesure pouvons-nous faire nôtres les paroles de la première lecture et du psaume ? Sommes-nous des hommes et des femmes de désir, à la recherche de la vraie sagesse, celle qui vient à notre rencontre dans le silence de nos cœurs, dans le secret de notre pièce la plus retirée (Mt 6, 6).
Creusons en nous le désir de voir Dieu ici et maintenant, autant que cela est possible ici- bas. Faisons dès maintenant provision de cette huile de désir dont nous ranimerons nos lampes le jour venu, lorsque, au plus profond de notre sommeil, nous éveillera la voix de l’Époux.
Alexandre-Marie Valder, prêtre