Hommes et femmes du Royaume qui vient
Hommes et femmes du Royaume qui vient
Frères et sœurs, ces jours sont marqués par une actualité politique riche et trépidante. Certains en sont inquiets, d’autres nourrissent un espoir de renouveau ; elle laisse d’autres encore indifférents et attentistes. Justement, dans l’évangile de ce dimanche, le Seigneur Jésus nous parle du règne de Dieu. Le règne de Dieu, le Royaume de Dieu, n’est pas quelque chose qui nous attend au-delà de notre monde d’aujourd’hui, comme si la vie que nous sommes en train de vivre était sans lien avec Dieu.
Au contraire, la foi a son mot à dire dans notre vie de famille, notre travail professionnel, nos engagements associatifs, nos choix politiques. Le Royaume de Dieu est tout proche ; autrement dit : Dieu, notre Père, règne ici et maintenant ; il œuvre dans ce monde-ci avec force et tendresse pour libérer, pour éclairer, pour sauver.
Dans la première lecture, le prophète Ezékiel emploie l’image de la tige transplantée par le Seigneur, tige qui prend racine, porte du fruit et devient un cèdre magnifique qui abrite tous les oiseaux. Pour Ezekiel, cette tige mourante qui revit, c’est le peuple d’Israël déporté à Babylone et ramené sur sa terre où il prospère. Le roi Nabuchodonosor qui a déporté Israël et le roi Cyrus qui l’a ramené, l’un comme l’autre sont des instruments au service du Seigneur. Avec Nabuchodonosor, le Seigneur a frappé Israël afin de mettre fin à ses mauvaises actions. Cyrus, lui, a été l’instrument de la miséricorde du Seigneur qui pardonne à son peuple. Dieu règne dans le monde.
Ce qui était valable en Orient il y a 2500 ans vaut encore aujourd’hui. Le Seigneur tient dans sa main toute chose, tout événement, tout homme, toute femme, sans pour autant brider la liberté de qui que ce soit. Aucune puissance politique ou économique ne peut faire obstacle à la poussée de croissance irrésistible du Royaume de Dieu qui germe, grandit et porte du fruit, comme cette semence dont parle le Seigneur Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui. Peu importe si nous, l’Église du Christ, nous sommes aujourd’hui la toute petite graine de moutarde. Notre avenir assuré, c’est d’être un abri pour tous les oiseaux du ciel. C’est le cœur de notre foi : aucune pierre tombale, si lourde soit-elle, ne peut étouffer la puissance de vie du Ressuscité de Pâques.
Voici une image plus actuelle, à l’approche des Jeux Olympiques de Paris : le Seigneur notre Dieu est le Teddy Riner, le judoka de l’histoire. Toutes les forces de bien, de vérité, de vie, il les met au service de son dessein de salut, et toutes les forces du mal, de la destruction, de la mort et du péché, il en retourne l’élan pour faire progresser également ce même dessein de salut.
Mais alors dans ce cas, si le Seigneur notre Dieu conduit l’histoire, à quoi bon s’engager dans la vie de la cité ? À quoi bon s’informer pour voter avec discernement ? À quoi bon agir à l’échelle locale pour davantage de fraternité ?
Sur la parole du Seigneur Jésus, nous croyons fermement, nous attendons avec confiance l’avènement du Royaume de Dieu, règne de justice, de paix et de joie dans l’Esprit Saint. Nous sommes sûrs que l’histoire tend vers cet avenir. En effet, nous les disciples du Christ, nous savons où va le monde, même si nous ignorons par quels chemins Dieu l’y mène. Osons dire que certains choix vont dans le bon sens, et d’autres non.
Aujourd’hui, nombre d’hommes et de femmes, de gauche et de droite, sans doute de bonne foi, pensent œuvrer dans le sens de l’histoire, dans le sens du progrès, en promouvant ce qu’on appelle trop facilement des « avancées sociétales ». En réalité, les seules avancées sont celles qui vont dans le véritable sens de l’histoire. Qu’est-ce que c’est, le vrai sens de l’histoire ?
Comme disciples du Seigneur Jésus, appuyés sur l’Évangile du Royaume de Dieu tout proche de nous, nous osons affirmer que le véritable sens de l’histoire, c’est le Christ. « Le Christ est la plus belle jeunesse du monde », écrit le pape François, lui seul ne se démode jamais. Ceux qui raillent la foi chrétienne comme quelque chose de ringard, de poussiéreux et de dépassé, ce sont justement eux qui mènent des combats d’arrière-garde et qui promeuvent des solutions déjà obsolètes.
Nous n’avons pas de solutions toutes faites aux problèmes de notre pays et de notre monde. Nous sommes sûrs que l’accomplissement de l’histoire, c’est le Royaume de Dieu et nous essayons d’être, dès aujourd’hui, des hommes et femmes du Royaume qui vient, un Royaume où la parole de Dieu est écoutée, célébrée et mise en pratique.
Être des hommes et des femmes du Royaume qui vient, c’est, dès aujourd’hui, choisir la vie et la compassion, et donc refuser l’avortement, l’euthanasie ou le suicide assisté ; c’est choisir la justice et la fraternité, et donc refuser l’individualisme et le creusement des inégalités ; c’est choisir la paix et la charité, et donc refuser les discours de haine qui montent les pauvres contre les riches, les blancs contre les noirs, les juifs contre les musulmans, les citoyens contre les étrangers ; c’est choisir de reconnaître et d’assumer ses responsabilités, et donc refuser d’accuser l’autre (le riche, l’occidental, l’Église, etc.) de ses propres problèmes.
Il en va comme d’un trajet en voiture dans la nuit. Nous savons où nous sommes et où nous arriverons. Les phares de notre voiture n’éclairent que quelques mètres devant nous. Ce n’est que si nous nous décidons à avancer que nous verrons apparaître la suite de la route. « Nous gardons toujours confiance, nous dit saint Paul aujourd’hui, en effet, nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision. »
À titre d’exemple, c’est à cela que nous invite notre évêque dans sa récente lettre pastorale « Vers plus de fraternité ». Nous ne savons pas ce que sera l’Église en Meurthe-et-Moselle dans vingt ans. Elle sera très différente de celle d’il y a vingt ans.
Quelques mètres de route sont éclairés devant nous. Le pas que nous avons à faire aujourd’hui, c’est de créer et développer des fraternités de proximité, des groupes qui ont plaisir à se retrouver pour prier ensemble, pour se former ensemble et servir ensemble, des groupes qui donnent envie d’y inviter nos amis et nos voisins.
L’Église, la France, l’Europe, le monde, l’histoire, les familles, notre propre sainteté : tout est entre les mains du Seigneur, les meilleurs mains qui soient. Amen.
Père Alexandre-Marie Valder