« Je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard »
« Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » Que s’est-il passé dans la tête de Simon à ce moment-là ? Il n’était sans doute pas très différent de nous : avait-il râlé contre Dieu à cause de cette nuit de travail inutile ? En avait-il profité, tant qu’il était au large, pour crier tous les jurons qu’il connaissait ? Peut-être était-il tout simplement un homme ni pire ni meilleur que les autres, quelqu’un pour qui Dieu n’est qu’un mot de quatre lettres.
Et tout à coup, Dieu devient quelqu’un pour lui. Soudain le Dieu saint est là, celui dont le prophète Isaïe a eu la vision grandiose : « Saint ! Saint ! Saint le Seigneur Dieu de l’univers ! » et Simon tombe à genoux : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » C’était la première rencontre entre Jésus et celui dont il allait faire la pierre de fondation de son Eglise.
Chers frères et sœurs, et si, pour nous comme pour Simon-Pierre, commencer par nous reconnaître pécheurs était le secret d’une relation vraie, profonde et fructueuse avec Jésus ?
Lors d’un de ses tout premiers entretiens officiels, le pape François s’est présenté ainsi : « Je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard. » Et nous, chaque fois que nous venons devant le Seigneur pour écouter sa parole et recevoir son eucharistie, nous commençons par reconnaître que nous avons péché. Il ne s’agit surtout pas de nous accabler, encore moins de nous enfermer dans l’auto-apitoiement. Il s’agit de vérité.
Un jour, quelque part, un homme cherchait son chemin. Il appelle un passant et lui demande : « Vous pourriez m’indiquer comme aller à tel endroit ? _ Déjà, si j’étais vous, je ne partirais pas d’ici. »
Il en est de même pour nous : nous voulons parvenir à Dieu, mais nous n’avons pas d’autre choix que de partir d’où nous sommes, de nous reconnaître tels que nous sommes. Imaginez un chrétien qui débuterait la messe en disant : « Je confesse à Dieu tout-puissant, je reconnais devant vous, frères et sœurs, que je n’ai absolument rien à me reprocher… » ou encore « Seigneur, comme je suis bien digne de te recevoir… » Que peut faire le Seigneur devant un cœur qui n’a pas soif de son salut ?
Au contraire, se reconnaître pécheur, c’est dire de quel bois nous sommes faits. Le bois est moins dur que le fer, c’est vrai, moins brillant que l’argent, moins précieux que l’or, mais il brûle et, en brûlant, il éclaire et réchauffe.
C’est l’expérience que saint Paul a faite : lui qui se croyait dur et inoxydable se découvre fait de bois fragile, un bois qui pourra prendre au feu de l’amour de Dieu et communiquer le feu à tant et tant d’hommes et de femmes au cours de ses voyages. « Frères, je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée… avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés… il est ressuscité selon les Ecritures. », ce qui signifie : « Dieu a aimé le monde au point de livrer son Fils et grâce à lui, la mort est vaincue. »
Un détail encore, mais qui a son importance : l’Evangile n’est pas juste une information, un simple message que l’on pourrait se transmettre. N’importe qui, même un prêtre ou un catéchiste ou un parent peu convaincu, même un païen, peut prononcer ces mots : « Jésus est mort et ressuscité. » Le véritable apôtre – Pierre, Paul, moi, chacun d’entre nous – peut affirmer que la grâce de Dieu en lui n’a pas été stérile, parce que lui-même aura osé dire : « Alors que j’ai été persécuteur des chrétiens – ou quoi que ce soit d’autre –, le Christ est mort pour MES péchés et puisqu’il est ressuscité, JE n’ai plus à craindre la mort. »
J’ai péché, pourtant le Seigneur pose son regard sur moi.
J’ai péché, pourtant le Seigneur s’adresse à moi comme à un ami.
J’ai péché, pourtant le Seigneur me pardonne, me réconcilie et se donne à moi dans l’eucharistie.
J’ai péché, pourtant le Seigneur m’appelle à coopérer avec lui en tant qu’apôtre, comme Pierre et Paul, en tant que pape, comme le pape François, en tant que prêtre, catéchiste, parent, grand-parent, chef scout, etc.
Nous avons tous vu cette image du pape François. Au début d’une célébration pénitentielle à Saint-Pierre-de-Rome, avant de s’installer pour entendre les confessions des fidèles, il s’est lui-même agenouillé près d’un prêtre pour se confesser. Quel bel exemple ! Quel bel exemple lorsque les fidèles savent que leurs prêtres se confessent, lorsque les enfants savent que leurs parents se confessent.
Nous sommes tous faits du même bois. Celui qui se croit juste devant Dieu sera toujours torturé par cette question : Suis-je assez juste ? Au moins, suis-je plus juste que la moyenne ? Celui qui se sait pécheur n’a plus ce souci : il sait qu’il n’a rien mérité, mais que tout lui est donné par grâce de Dieu.
Alors, frères et sœurs, demandons la grâce d’un regard simple, clair et honnête sur nos vies. Mettons des mots sur ce qui en nous s’oppose encore à la volonté de Dieu. Si nécessaire, osons l’avouer en confession et recevoir le pardon du Seigneur. Quelle joie sera la nôtre de pouvoir dire en vérité ces mots : « Je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard. »
Alexandre-Marie Valder