Jeudi Saint : « Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru »
« Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru »
Frères et sœurs, comment sommes-nous devenus chrétiens ? Être chrétien, ce n’est pas d’abord rechercher Dieu à tâtons dans le vide. Être chrétien, c’est avant tout recevoir et accueillir ce que Dieu a fait et ce qu’il a dit, tout ce qui nous parvient par le témoignage d’autres chrétiens. Saint Paul, nous venons de l’entendre, écrivait : « Moi, Paul, j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis. » Nous chrétiens, nous croyons que le Seigneur agit et parle au long de l’histoire, que c’est d’abord lui qui est à l’initiative.
Lorsque nous parcourons l’histoire sainte, nous voyons que l’initiative du Seigneur est première. Alors qu’Abraham n’avait rien demandé à personne, le Seigneur prend l’initiative de lui parler, de l’appeler, de faire alliance avec lui. Bien sûr, il appartient à Abraham de répondre librement à cette offre du Seigneur, et rien ne se fait sans lui. Plus tard, alors que Moïse ne connaît rien du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Seigneur prend l’initiative de l’appeler et de l’envoyer pour sortir Israël de l’esclavage en Egypte. Moïse répond librement à cet appel du Seigneur et, grâce à lui, le Seigneur fait alliance avec Israël. Nous pouvons penser également à Samuel, David, Jérémie et tant d’autres qui voient le Seigneur faire irruption dans leur vie.
Le Seigneur Jésus lui aussi a pris l’initiative d’entrer dans la vie de Paul et, avant lui, dans la vie de Pierre et des autres Apôtres, de Marie-Madeleine, de Marthe et Marie, et de tant d’anonymes. Il est entré dans leur vie, et qu’a-t-il fait ? Il leur a parlé et il les a regardés comme des personnes ; il les a enseignés, il leur a parlé de son Père et il leur a appris à prier ; il les a touchés, soignés, remis debout ; il a offert sa vie pour eux et pour nous. Bref ! il les a aimés. Le Seigneur Jésus leur a témoigné de l’amour du Père pour eux ; eux ont reçu ce témoignage et ils nous l’ont transmis.
Frères et sœurs, je voudrais que nous retenions ce soir une phrase de saint Jean qui ne figure pas dans les lectures : « Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. » Voilà comment nous sommes devenus chrétiens : nous avons reconnu l’amour du Père pour nous et nous y avons cru.
Ce soir, nous sommes invités à nous laisser aimer par le Seigneur. Elle est forte, cette phrase du Seigneur Jésus à Simon-Pierre : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » À d’autres moments dans les Évangiles, le Seigneur Jésus dit que c’est celui qui écoute sa parole et qui y croit qui obtient la vie éternelle ; ailleurs, qu’il faut manger sa chair et boire son sang. Ecouter une parole, manger, ou boire : il s’agit toujours de recevoir un don. Une fois, Jésus dit même qu’on n’entre pas dans le Royaume à moins de naître de nouveau : qu’y a-t-il de plus passif que de naître ?
Autrement dit : la vie éternelle n’est pas d’abord pour ceux qui font des choses pour Dieu, mais pour ceux qui se laissent faire par Dieu. C’est très difficile à entendre aujourd’hui. En effet, nous sortons d’une époque où l’on vivait comme si, pour être sauvé, il fallait faire des choses : faire des prières et aller à la messe, être dans l’action catholique, s’engager dans l’Église et dans la société, etc. Un bon chrétien, on l’appelle encore parfois un « pratiquant », quelqu’un qui fait des choses que les autres ne font pas. Et même lorsque je parle avec les personnes, on me dit parfois : « Vous, savez, je ne crois pas, je ne prie pas, je ne vais pas à la messe, mais je fais ceci ou cela. »
Frères et sœurs, ce soir, dans la joie, nous faisons mémoire de la première eucharistie. Il ne me semble pas que nous devions participer à l’eucharistie d’abord pour faire quelque chose pour le Seigneur mais plutôt pour nous laisser faire par lui. Quand je participe à la messe, je laisse le Seigneur m’enseigner, me former, me guérir, me nourrir, m’attirer plus près de son cœur. C’est pour cela que l’eucharistie est tout simplement vitale pour les chrétiens, comme le sont les autres sacrements.
« Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi », disait Jésus à Simon-Pierre. Cette parole s’est réalisée pour nous le jour de notre baptême, ce jour où, entre autres bienfaits de Dieu, nous avons été lavés de nos péchés par l’eau du baptême. Notre vie chrétienne a besoin de raviver régulièrement ce don du pardon de nos péchés. Nous avons besoin de laisser le Seigneur Jésus nous laver pour nous préparer à passer à table, et c’est pourquoi nous allons régulièrement recevoir le sacrement du pardon et de la réconciliation, ce sacrement qui donne à toucher la grandeur de la miséricorde de Dieu.
Là encore, nous sortons d’une époque difficile, où l’on voyait le sacrement du pardon comme une corvée, une épreuve humiliante, alors que, comme le dit le pape François : « Au cœur de la confession, il y a Jésus qui nous attend, nous écoute et nous pardonne. » Quelle grâce de pouvoir, dans ce sacrement, rencontrer Jésus lui-même qui désire tant nous donner part à sa vie en détruisant tout ce qui fait obstacle entre lui et nous.
Frères et sœurs, ce soir, dans la joie, nous faisons aussi mémoire d’un autre cadeau du Seigneur : le sacerdoce ministériel des évêques et des prêtres. Les évêques et les prêtres ne sont pas des chrétiens d’élite, ils ne sont pas meilleurs que les autres. Ce sont seulement des hommes qui ont entendu l’appel du Seigneur Jésus :
« Remets-moi ta vie. Laisse-moi me servir de ta bouche, de tes mains, de tout ton être, pour que les hommes et les femmes puissent entendre ma parole, être nourris, lavés, relevés. Prêtre, laisse-moi me servir de toi pour que je puisse continuer, à toutes les époques et dans tous les pays, à aimer toute personne, afin que, en t’entendant et en te voyant, les hommes et les femmes puissent dire : “Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru.” »
Rendons grâce pour nos évêques et nos prêtres et prions pour eux. Amen.
Père Alexandre-Marie Valder