La carte au trésor
« La loi du Seigneur est parfaite qui redonne vie… les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur… accueille les paroles de ma bouche, le murmure de mon cœur… Seigneur, mon rocher, mon défenseur. »
Le psalmiste, un juif pieux, familier de la méditation de la loi, fait ses délices de la parole de Dieu. Connaître cette parole, la méditer, la ruminer, la savourer, et surtout la mettre en œuvre, voilà toute sa joie. L’auteur de ces paroles n’était sans doute pas très différent de nous : un homme de son temps, avec ses joies et ses épreuves, mais vécues à la lumière de la parole révélée.
En ce dimanche spécialement consacré à la parole de Dieu, découvrons ensemble comment cette parole nous conduit de la lettre à la vie avec Dieu.
La Bible est la parole de Dieu mise par écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint. Pourtant, il n’est pas possible de simplement acheter une Bible, de la lire et de devenir chrétien. On peut lire la Bible seul, c’est même une excellente chose, mais elle n’est pas faite d’abord pour cela.
La parole de Dieu est faite pour être proclamée en communauté, pour être écoutée et accueillie en communauté, comme nous le raconte le livre de Néhémie. Tout le peuple s’assemble pour écouter la parole proclamée.
La Bible elle-même est née d’une expérience communautaire. Des croyants ont raconté comment Dieu s’était révélé dans l’histoire du peuple d’Israël, comment Jésus s’était comporté devant la foule et auprès de ses disciples, comment l’Esprit Saint avait agi dans la jeune Église. Saint Luc, au début de son Évangile, nous explique qu’il a recueilli les témoignages de ceux qui ont vu et entendu Jésus afin de faire le récit de ces événements.
Chaque génération – et la nôtre ne fait pas exception – a à recevoir la parole de Dieu de ses aînés, à en vivre, et à la transmettre à son tour.
Recevoir la parole de Dieu, être disciples, ce n’est pas toujours facile. La parole de la Bible est parfois difficile à comprendre, souvent déroutante, et presque toujours dérangeante. Saint Jérôme et Saint Augustin ont eu du mal à aborder cette parole, qui semblait fruste et barbare à leurs oreilles de Latins lettrés. Ils lui préféraient de loin Cicéron, comme d’autres aimeraient parfois mieux entendre Victor Hugo ou Jean d’Ormesson dans nos célébrations.
Et pourtant cette parole a une valeur unique ! Personne en refermant Balzac, Chateaubriand ou Yourcenar n’a jamais dit : « Parole du Seigneur ! » comme nous le faisons avec Néhémie ou Saint Paul. C’est que cette parole, lorsque nous la recevons dans l’Esprit Saint, nous fait voir Dieu à l’œuvre aujourd’hui.
Dans les lectures d’aujourd’hui, Esdras et les lévites d’une part, Jésus d’autre part, font comprendre aux auditeurs que Dieu est à l’œuvre dans leur vie, ici et maintenant. Alors la parole convertit les cœurs. Les juifs assemblés à Jérusalem pleurent car ils comprennent combien ils ont été jusque là infidèles à la loi de Dieu, et en même temps ils rient et se réjouissent de voir que Dieu, lui, est resté fidèle malgré tout.
La parole de Dieu est ancienne. Elle parle pourtant de Dieu à l’œuvre ici et maintenant. Dieu agit aujourd’hui, et cela change tout. Lorsque Saint Luc rédige son Évangile, il rassemble des témoignages et compose un récit afin que ceux qui le liront soient convertis et affermis, afin qu’ils se tournent vers Dieu et changent de vie, afin qu’ils sachent que, lorsqu’ils lisent le récit de ce que Jésus a dit et fait, même 2000 ans plus tard, Jésus est vivant à leurs côtés pour les éclairer, les fortifier, les libérer. Comme les paroissiens de Nazareth – si vous me permettez cet anachronisme – nous pouvons entendre, en écho à la proclamation de la parole de Dieu dans notre assemblée, le commentaire lapidaire de Jésus : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »
Si on devait comparer la Bible à un autre document, ce ne serait ni un livre historique, ni une mythologie, ni un recueil de sagesse, mais une carte au trésor. Le mouvement naturel de celui qui a découvert une carte au trésor est de prendre un sac à dos et une paire de bonnes chaussures et de se mettre en quête du trésor, sans oublier d’emporter avec lui la carte pour pouvoir la consulter en chemin.
De même, celui qui a découvert la Bible devrait comprendre qu’elle ne fait que lui indiquer le chemin vers Dieu présent et agissant maintenant, et il devrait aussitôt courir à l’église pour y rejoindre la communauté chrétienne et y rencontrer le Christ vivant.
Puissions-nous donc, nous aussi, nous laisser conduire de la lettre de la Bible au Christ vivant en son Église. Que la parole méditée dans le secret fasse nos délices, comme pour le psalmiste, car elle nous révèle la sollicitude du Seigneur. Que la parole proclamée dans nos assemblées convertisse notre cœur, comme pour les contemporains d’Esdras et de Néhémie, qu’elle nous fasse regretter nos péchés et nous réjouir de la miséricorde de Dieu. Que la parole que Saint Paul adresse aux Corinthiens nous encourage à prendre notre place dans le corps du Christ qui est l’Église : communion, participation et mission, ainsi que nous y encourage le pape François. Que la parole donnée par Jésus à ses disciples nous conduise à prier « Notre Père ». Que la parole prononcée par lui au soir du jeudi saint nous attire à son Eucharistie. Que la parole de Dieu nous conduise à Dieu lui-même qui nous attend au Ciel. Amen.
Père Alexandre-Marie Valder