« La révélation du péché est le premier pas de la rédemption »

« La révélation du péché est le premier pas de la rédemption »

« La révélation du péché est le premier pas de la rédemption »

« Ce qui compte, écrit saint Paul, ce n’est pas d’être circoncis ou incirconcis, c’est d’être une création nouvelle. Pour tous ceux qui marchent selon cette règle de vie et pour l’Israël de Dieu, paix et miséricorde. »

Aujourd’hui comme à chaque messe, nous allons regarder vers le Christ présent dans l’Eucharistie et lui chanter : « Agneau de Dieu, qui enlèves les péchés du monde, prends pitié de nous – c’est-à-dire “fais-nous miséricorde” – et donne-nous la paix. » Nous le ferons en Église, en peuple de Dieu, en assemblée convoquée par le Seigneur Jésus et habitée par l’Esprit Saint.

Le Concile Vatican II appelle l’Église « le nouveau peuple de Dieu ». En rassemblant l’Église, le Seigneur notre Dieu a fait du neuf, une création nouvelle, une réalité nouvelle. Par le Baptême et la Confirmation, il nous a recréés, fait renaître de l’eau et de l’Esprit Saint.

Nouveauté, recréation, renaissance… tout cela évoque une séparation, une rupture radicale entre le disciple du Christ et le monde. Attention, ne faisons pas de contresens. Qu’entend-on ici par « monde » ? Pour Paul, dans le contexte, c’est « le monde mauvais » (Ga 1,4) où règne le péché ; c’est l’ensemble du créé en tant qu’il s’est retourné contre Dieu. Si cela nous choque, pensons aussi que le pape François n’a pas mâché ses mots contre la mondanité, c’est-à-dire le fait de se compromettre avec le monde.

De ce monde-là, Paul dit : « le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. » Accueillons simplement cette image forte : à mes yeux, le monde où règne le péché est mort, rejeté, maudit et sans valeur comme l’est un crucifié, et réciproquement, il en est de même pour moi aux yeux du monde. Celui qui est une création nouvelle dans le Christ a radicalement rompu avec le péché.

J’insiste : il n’est pas question pour Paul, pour le pape François, encore moins pour nous, de distribuer des bons et des mauvais points, de dire que M. Machin ou Mme Chose appartiennent au monde et qu’il faut donc rompre avec eux. Le monde, c’est ce qui, en M. Machin, en Mme Chose et en moi est du côté du péché et donc en rupture avec Dieu. Avec cela, aucun compromis n’est possible. « Même la poussière… collée à nos pieds, nous l’enlevons pour vous la laisser. »

 En effet, c’est d’abord le péché qui a opéré la séparation radicale entre Dieu et sa création. Le péché n’est pas juste un vague écart de conduite sur lequel Dieu peut passer l’éponge. Il est la rupture radicale de la créature qui dit à son Créateur : « Dégage ! On ne veut pas de toi ici. » Il a ouvert un abîme infranchissable entre nous et Dieu.

Sans obsession morbide, nous avons besoin de garder en mémoire la terrible réalité du péché. Sans cela, la venue dans la chair du Seigneur Jésus, l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, sa passion, sa mort et sa résurrection, tout cela nous semblerait beaucoup d’agitation pour rien.

Remarquons cependant que, dans notre liturgie, nous mentionnons toujours le péché comme ce qui nous est pardonné (« que Dieu tout-puissant… nous pardonne nos péchés »), remis (« je crois à la rémission des péchés ») et enlevé (« Voici l’Agneau de Dieu… qui enlève les péchés du monde »). Le récent document publié à l’occasion du 1700e anniversaire du Concile de Nicée rappelle que « la révélation du péché est le premier pas de la rédemption. »

 Ce détour nous aide à comprendre de quelle Bonne Nouvelle sont porteurs les soixante-douze disciples de l’Évangile d’aujourd’hui. « Paix à cette maison… le règne de Dieu s’est approché de vous… L’abîme infranchissable ouvert devant nous par le péché, Dieu lui-même l’a traversé pour venir à notre secours… Regardez : les malades sont guéris et les démons sont soumis aux envoyés du Seigneur… Satan est abattu, les serpents, les scorpions et toute la puissance du mal sont foulés sous les pieds des humbles. »

Redire le Credo chaque dimanche, c’est rappeler, confesser et s’approprier cette Bonne Nouvelle. « Pour nous les hommes et pour notre salut, le Seigneur Jésus est descendu du Ciel et s’est fait homme… », il est en personne le règne de Dieu qui s’est approché. « Crucifié… il souffrit sa passion et fut mis au tombeau… », il est descendu au plus bas de la condition humaine pour aller chercher jusqu’au dernier des derniers. « Il ressuscita… et il monta au Ciel… », en passant de ce monde au Père, il a rouvert la porte du Ciel, il a fait de son propre Corps un passage en Dieu. « Je reconnais un seul Baptême pour le pardon des péchés… », le sacrement qui agrège au Corps du Christ, qui fait renaître de l’eau et de l’Esprit Saint pour être une création nouvelle.

Cela nous ramène à la parole de Paul : « Ce qui compte… c’est d’être une création nouvelle. Pour tous ceux qui marchent selon cette règle de vie… paix et miséricorde. » Cela nous laisse avec une question multiple. Voulons-nous marcher selon cette règle de vie ? Voulons-nous être des hommes et des femmes qui travaillent à rompre radicalement avec le péché ? qui cherchent à s’attacher toujours plus étroitement au Père ? qui implorent l’Esprit Saint de les transformer à l’image du Fils ?

Attention : cette transformation n’est pas un toilettage de surface. C’est une conversion, un retournement permanent. Une existence chrétienne authentique exige tôt ou tard des renoncements parfois crucifiants, toutefois elle mène immanquablement à la vie avec Dieu que nous fait entrevoir le prophète Isaïe : « Oui, dans Jérusalem, vous serez consolés. Vous verrez, votre cœur sera dans l’allégresse ; et vos os revivront comme l’herbe reverdit. Le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs. »

Père Alexandre-Marie Valder