La Transfiguration
La transfiguration se situe au moment où l’histoire de Jésus prend un tournant décisif, un virage à cent quatre vingt degrés qui lui fait prendre la route de Jérusalem et de sa passion. C’est un tournant aussi dans l’histoire biblique et dans l’histoire humaine. Et Jésus transfiguré est au centre de deux univers.
D’un côté le passé avec la loi représentée par Moise et les prophètes porteurs et défenseurs de la promesse de Dieu représenté par Élie. De l’autre côté, l’avenir représenté par les trois disciples qui sont là et par nous tous bien sûr. La loi deviendra la loi d’amour qui englobe toutes les lois. Et la promesse se réalisera avec la mort et la résurrection de Jésus.
Cet événement s’appelle une théophanie c’est-à-dire une révélation et une manifestation de Dieu à travers un certain nombre de signes tels que la nuée, la lumière, la voix qui s’exprime sans oublier le lieu qu’est la montagne. Il y a quelques exemples dans la bible: par exemple Dieu qui interpelle Moise par le signe d’un buisson ardent, un buisson qui brûle sans se consumer, le don des tables de la loi sur le Mont Sinaï dans le tonnerre et les éclairs et bien sûr le baptême de Jésus par Jean Baptiste.
La transfiguration concerne les trois disciples qui sont présents et nous tous. Ils vont se trouver devant une vision radicale de la réalité c’est-à-dire de la divinité de Jésus fils bien aimé de Dieu et qu’ils doivent écouter. Cela fait beaucoup de choses en quelques instants. Et ils vont se retrouver abasourdis devant Jésus seul, le Jésus de leur quotidien. Et il va falloir redescendre et continuer comme avant.
Qu’est-ce que cela a changé ? Difficile à dire. Jésus leur avait laissé entrevoir sa véritable identité par les nombreux signes qu’il accomplissait mais sans beaucoup de résultats. Il leur avait dit avant de les quitter : « vous croyiez en Dieu que vous ne voyez pas, alors croyez en moi que vous voyez et connaissez depuis trois ans.
Et pour nous aussi la question se pose. Qui est Jésus pour nous ? Nous allons dire dans un instant que nous croyons en Jésus-Christ qui est Dieu, né du vrai Dieu .Allons nous en tirer les conséquences. Avons-nous la même espérance en Dieu qu’en Jésus de Nazareth c’est-à-dire en l’homme Jésus. Si c’est vrai alors il n’y a plus de rupture entre Dieu et l’homme car Jésus est toujours avec nous comme il l’a promis. Ainsi il ne devrait plus y avoir de rupture la foi en Dieu et la foi en l’homme, entre la terre et le ciel. C’est pour cela qu’il est venu et qu’il est toujours là. Le malheur c’est que des millions d’hommes n’espèrent pas du tout en l’homme. Alors que nous savons que grâce à Jésus qui s’est fait homme tout devient possible.
Pour les trois disciples présents, sur le coup, la transfiguration n’a pas changé grand-chose. Ils retrouvent l’homme qu’ils connaissent et c’est tout. Et il faut redescendre et retrouver la vie quotidienne. Et Marc qui raconte aussi l’événement nous dit que Jésus leur demande de ne pas parler de ce qu’ils ont vu avant que Jésus ne ressuscite d’entre les morts. Mais ils se demandaient ce que voulait dire ressusciter d’entre les morts.
Il est clair que la transfiguration est une fenêtre ouverte sur l’avenir c’est-à-dire sur la résurrection. Mais avant d’en arriver là il y a tout un chemin à parcourir, il faut aller à Jérusalem ou se déroulera le drame de la Passion au cours duquel il va se passer bien des choses. Et les disciples vont en voir de toutes les couleurs. Certains ne seront pas fiers. Ils repartent quand même avec une consigne du Père : « écoutez-le ». Et c’est finalement ce qu’ils feront tant bien que mal. Ils ont vu leur Seigneur transfiguré, ils vont devoir le voir défiguré, condition nécessaire pour arriver à la transfiguration définitive.
Ce chemin est celui que nous avons à prendre présentement et plus spécialement pendant ce carême. Ce que nous avons à contempler, c’est Jésus seul, abandonné par tous, défiguré sur la croix et qui est allé jusqu’au bout car c’était aussi le chemin de l’amour. Cet amour dont il a eu la preuve et l’assurance lors de la transfiguration. « Son visage devint autre et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante ». Qui mieux que l’amour peut éclairer, transfigurer un visage. Pensons à ce qui se passe entre une mère et son enfant. Regardons leur visage à tous les deux, ces sourires éclatants, ces visages illuminés. Nous pensons au poème de Victor Hugo « lorsque l’enfant parait ».
La transfiguration est l’illustration et l’expression de l’amour d’un Père pour son Fils. C’est dire l’importance des traits du vissage dans la relation. Il se peut que des éblouissements spirituels aient pu nous illuminer au cours de notre vie, au cours d’une retraite ou dans un moment de prière où nous avons senti la proximité avec le Seigneur. Rendons grâces mais n’oublions pas de redescendre. N’oublions pas que nous avons aussi à reconnaître le Seigneur en le retrouvant en tout homme ordinaire dans le quotidien parfois très obscur.
Comme les disciples nous ne savons pas ce que veut dire « ressusciter d’entre les morts ». La résurrection vers laquelle nous allons est un avenir difficile à imaginer. L’apôtre Paul s’est longuement étendu sur la question. Et nous savons que cet avenir sera la victoire de l’amour sur la haine ou l’indifférence, de la vie sur la mort, de la lumière transfigurant sur les ténèbres. La petite lumière de la foi suffit maintenant à nous guider sur cette route.
Je termine en citant quelques mots de notre pape François à propos de la transfiguration.
Je voudrais retenir deux mots : la montée et la descente. Nous avons besoin d’un endroit écarté, de gravir la montagne en un espace de silence pour nous retrouver nous-mêmes et mieux percevoir la voix du Seigneur. C’est ce que nous faisons dans la prière. Or nous ne pouvons pas y demeurer. La rencontre de Dieu dans la prière nous pousse encore à descendre de la montagne, à regagner la partie basse, la plaine où nous trouvons tant de frères affligés par la fatigue, la maladie, les injustices, les ignorances, la pauvreté matérielle et spirituelle. C’est à nos frères qui traversent des épreuves que nous sommes appelés à porter les fruits de notre expérience avec Dieu pour partager avec eux la grâce reçue.
Père Claude Houot