Le Christ, roi des cœurs

Le Christ, roi des cœurs

Le Christ, Roi des cœurs

Frères et sœurs, ce n’est pas par hasard que la fête du Christ, Roi de l’Univers, a été instituée au cœur de la montée des totalitarismes qui allaient ensanglanter le XXe siècle. Fêter et célébrer le Christ Roi de l’Univers, c’est mettre en valeur le fait que Lui seul, le Christ, est fondé à exiger un attachement inconditionnel, sans réserve et sans retour : aucun roi terrestre, aucun parti, aucune race, aucune loi, aucune idéologie ne peut revendiquer le cœur des hommes et des femmes. Seul le Christ le peut car, comme le disait saint Jean-Paul II à l’ouverture de son pontificat, « le Christ sait ce qu’il y a dans l’homme ! Et lui seul le sait ! […] Lui seul a les paroles de vie éternelle ! »

Remarquons que, lors de son interrogatoire par Pilate, le Christ ne nie pas sa royauté. Bien que son Royaume ne soit pas de ce monde, il est néanmoins un véritable roi, et même « le prince des rois de la terre », selon le mot de la deuxième lecture.

Roi véritable, le Christ a des gardes et des soldats. Certes, ceux-ci ne se battent pas pour lui éviter d’être livré aux Juifs. Des soldats, il en a toutefois, à qui saint Paul s’adresse en disant : « Nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre […] les esprits du mal qui sont dans les régions célestes. Pour cela, prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon. Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais. Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu. » (Ep 6,12-17) Les soldats du Christ sont les baptisés-confirmés, et tout spécialement les laïcs en première ligne dans le monde.

Roi véritable, le Christ envoie des ambassadeurs pour parler en son nom. Ce sont aussi les chrétiens, tout spécialement les pasteurs de l’Église : « Nous sommes les ambassadeurs du Christ, écrit encore saint Paul, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. » (2 Co 5,20)

Roi véritable, le Christ s’entoure de courtisans, des personnes introduites dans son intimité, des familiers qui vivent au rythme du Roi et modèlent leur vie sur la sienne, qui s’efforcent de connaître et d’accomplir ce qui lui plaît. Le Christ notre Roi a mené une vie pauvre, chaste et obéissante. Ceux et celles qui suivent le Christ de plus près, les consacrés, religieux et moines, font ce même choix de vie radical. Au-delà de ces vocations particulières, tout chrétien doit apprendre à ajuster son rapport aux biens, à autrui et à l’autorité, à se prémunir de l’appropriation des biens, des personnes, du pouvoir.

Roi véritable, le Christ ne veut pas d’esclaves, mais des frères et des sœurs qui ont part à son propre Esprit de Fils. « Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! » (Rm 8,15) Ceux qui servent le Christ Roi le font par amour.

 Roi véritable, le Christ se montre fort et puissant. Nous l’entendions dans le psaume : « Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence, le Seigneur a revêtu sa force. » Dans la suite du psaume, que nous n’avons pas entendue, il est question des vagues orgueilleuses de la mer qui figurent les forces du mal et de la mort, contre lesquelles le Christ Roi exerce sa force. C’est pour sauver et délivrer ses amis qu’il combat et verse son sang, « lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang. » (Ap 1,5) Le Christ notre Roi exerce une force dépourvue de violence, la force d’une stabilité que rien ne peut ébranler : « Dès l’origine ton trône tient bon, depuis toujours, tu es. » Le mal et la mort, le mensonge et l’orgueil, tout ce que l’univers compte de potentiel de destruction, peut bien se déchaîner contre lui, il n’est pas ébranlé, il tient bon et fait tenir bon tous ceux qui s’appuient sur lui. Voilà quelle est la puissance de notre roi.

Roi véritable, le Christ est à la tête d’un véritable royaume. Certes, le royaume du Christ n’est pas de ce monde, et pourtant il est déjà dans ce monde. « Il a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père. » (Ap 1,6) Chaque fois que des hommes et des femmes, consacrés par le bain du baptême et l’onction d’huile sainte, témoignent du vrai Dieu, le Père de Jésus-Christ, qu’ils lui rendent un culte dans l’Esprit Saint et servent leurs frères et sœurs avec la force que Dieu communique, le royaume du Christ est là.

 Roi véritable, le Christ est tout entier tourné vers un autre, son Père : il existe par lui et pour lui, il trouve sa joie à être le Fils du Père, et il désire ouvrir cette joie à toute personne qui le voudra bien. En cette fin d’année liturgique, nous entendons lors des messes la description des visions grandioses de saint Jean dans l’apocalypse. Au Ciel, toute chose, toute personne sera intégralement tournée vers Dieu et vers l’Agneau, référée à Dieu et à l’Agneau, comme le Fils est tout entier tourné vers le Père.

Ici-bas, nous faisons tous l’expérience que notre cœur, le centre de notre personne, est partagé entre divers attachements : l’ego, la peur, l’argent, le pouvoir, telle idéologie, tel préjugé se disputent une place qui ne devrait appartenir qu’au Christ, lui qui sait ce qu’il y a dans l’homme, lui qui est le roi des cœurs, lui qui le premier nous a ouvert entièrement son Cœur.

En cette fin d’année liturgique, nous regardons vers les derniers temps du monde. Au terme de l’histoire, tout passera, tout disparaîtra. Seul se maintiendra pour toujours ce qui de nous se sera attaché au Christ, notre Roi, et à son Dieu et Père. À eux, dans l’Esprit Saint, le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles. Amen.

Père Alexandre-Marie Valder