Le huitième jour de la semaine
Pour les gens de la Bible, la semaine s’achève le samedi avec le repos du sabbat. Le dimanche est donc le premier jour de la semaine. C’est un dimanche que Jésus est ressuscité et qu’il s’est montré à ses disciples.
Le dimanche est aussi le premier jour tout court. Dieu a créé le monde en six moments, six « jours », et s’est reposé le septième. Aujourd’hui encore, les juifs respectent ce repos hebdomadaire du samedi, le sabbat. Le dimanche est donc, symboliquement, le jour des commencements, le jour de la création.
Voilà pourquoi, en général, nous célébrons les baptêmes le dimanche. Le baptême est la nouvelle naissance, la nouvelle création. C’est ce que signifie le vêtement blanc que reçoivent les nouveaux baptisés : ils sont renouvelés, recréés à neuf. Dans la foi chrétienne, cette nouvelle naissance a bien sûr besoin de la première, reçue de nos parents, mais elle est tellement plus extraordinaire !
Jésus s’est montré aux disciples huit jours plus tard. C’était encore un dimanche, à condition de compter à la manière des gens de la Bible : le premier jour, c’est le dimanche ; le deuxième, c’est le lundi… le septième, c’est le samedi ; et le huitième, c’est de nouveau dimanche.
Le dimanche est donc aussi le huitième jour de la semaine… c’est-à-dire le jour au-delà du temps, le jour encore à venir qui n’aura pas de fin, le jour de Dieu. Nous utilisons parfois le mot « eschatologique » pour dire cela.
Le baptême nous conduit de la vie naturelle à la vie éternelle, en passant par la mort, comme Jésus et avec Jésus. Saint Pierre, dans la deuxième lecture, nous disait ceci : « Dans sa grande miséricorde, [Dieu] nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la Résurrection de Jésus-Christ. »
Être baptisé, c’est être mis en communion avec le mystère des origines et celui de la fin, avec le mystère de Dieu qui crée et qui rassemble en lui toutes les personnes et toutes les choses qu’il avait créées. Voilà pourquoi nos baptistères, assez souvent, comportent huit côtés.
Le baptême nous met en communion, en communion avec Dieu, en communion avec les autres baptisés dans la communauté chrétienne, l’Église. Le livre des Actes des Apôtres raconte la naissance de l’Église, juste après la mort et la résurrection de Jésus : les premiers croyants écoutent ensemble l’enseignement des Apôtres, prient ensemble, vivent ensemble, ont « un même cœur ».
L’Évangile d’aujourd’hui nous dit comment, grâce à Jésus, Thomas a retrouvé la communion avec Dieu, avec ses frères, avec lui-même. Le premier jour, lorsque Jésus est venu au milieu des disciples, Thomas n’était pas là. Pourquoi ? On ne le sait pas, mais on peut faire une hypothèse.
Nous avons déjà rencontré Thomas deux fois dans l’Évangile. Un jour, Lazare l’ami de Jésus, venait de mourir. Jésus voulait se rendre auprès de lui. Alors que les autres disciples veulent en dissuader Jésus car on veut le tuer, Thomas s’écrie : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! » Le soir du jeudi saint, alors que Jésus parle de son départ vers le Père, c’est-à-dire de sa mort, Thomas désire le suivre.
Lorsque Jésus fut arrêté, Thomas, comme la plupart des disciples, l’a abandonné. Ce soir-là, le premier jour de la semaine, tous les disciples étaient cachés et enfermés par peur de mourir. Et si Thomas, lui, cherchait au contraire à se faire tuer, pour expier sa trahison, pour rejoindre Jésus dans la mort ?
Thomas est donc triplement séparé. Il est séparé de ses compagnons. Peut-être qu’il les juge lâches. Il ne croit même pas qu’ils ont vu Jésus. Il est séparé de lui-même, puisqu’il se déteste et qu’il désire mourir. Il est séparé de Dieu qui ne l’a pas créé pour qu’il meure, mais pour qu’il vive.
Le huitième jour, Jésus est là. L’homme qui se tient là debout devant Thomas, c’est le même que celui avec qui il a vécu, marché, mangé pendant trois ans. C’est le même qui a eu les mains, les pieds et le côté transpercés sur la croix. Thomas voit un homme qu’il connaît bien, un homme qui porte les marques des blessures, et il dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Contrairement à ce que l’on dit souvent, Thomas n’est pas le modèle des sceptiques, mais celui des croyants. Il voit un homme, et il reconnaît Dieu. Il voit la preuve de la faiblesse et de la mort, et il dit sa foi en la puissance et en la miséricorde.
Quand on est ami de Jésus, il y a des moments où ce qui nous arrive peut menacer notre foi en la puissance et en la miséricorde de Dieu.
Parfois, nous avons l’impression d’avoir tout raté, d’être bons à rien. À ce moment-là, levons les yeux vers Jésus qui nous rejoint dans nos maisons fermées, qui nous dit : « La paix soit avec toi. Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je t’envoie. »
Parfois, nous avons tellement mal que nous avons l’impression d’être seuls au monde, sans personne pour nous consoler. À ce moment-là, levons les yeux vers Jésus qui nous dit : « La paix soit avec toi » et, dans le silence et le secret, laissons-nous consoler par lui.
Parfois, c’est nous qui avons fait du mal, qui avons blessé les autres, qui avons offensé Dieu, et nous doutons du pardon. À ce moment-là, levons les yeux vers Jésus qui nous dit : « La paix soit avec toi », qui nous montre les blessures que nous lui avons faites, non pour nous accuser, mais pour nous pardonner et nous relever
Frères et sœurs, c’est aujourd’hui le dimanche de la miséricorde. Que jamais, jamais, jamais, nous ne doutions de la miséricorde infinie du Seigneur pour chacun. « Seigneur Jésus, comme tu as envoyé ton Esprit Saint sur tes amis apeurés, envoie sur nous ce même Esprit Saint, afin qu’il nous console, nous éclaire, nous fortifie et nous donne la joie. Amen. Alléluia. »
Père Alexandre-Marie Valder