Le Seigneur Jésus est LA PAROLE.

Le Seigneur Jésus est LA PAROLE.

Le Seigneur Jésus ne maîtrise pas sa communication, il n’est pas un communicant. Mieux encore : il est LA PAROLE. C’est dire si chacun de ses mots, chacun de ses actes est lourd de sens.

C’est au cours de noces que Jésus a pour la première fois manifesté son identité, sa mission et sa gloire, aussi la tradition chrétienne a-t-elle toujours vu dans ce geste inaugural une bénédiction divine donné au mariage.

Dieu bénit l’union de l’homme et de la femme dans le mariage. Le mariage n’est pas une voie de garage ou un pis-aller, il est un authentique chemin de sainteté. Tertullien l’avait dit au IIe siècle, S. François de Sales au XVIIe, S. Jean-Paul II au XXe, parmi bien d’autres. Un chemin de sainteté est une voie par laquelle nous allons à Dieu. C’est aussi – et peut-être d’abord – une voie par laquelle Dieu vient à nous, un moyen par lequel il dit quelque chose de lui-même.

En se manifestant aux noces de Cana, Jésus dit que le mariage est un mystère divin. Il dit surtout que Dieu est un mystère nuptial.

Parmi les nombreuses images employées par les auteurs de la Bible pour esquisser quelques traits de l’identité de Dieu, nous connaissons le berger, le vigneron, le roi, le guerrier, le rocher, etc. Il se présente aussi sous les traits de l’époux. Comment ?

Je nous propose seulement deux points de méditation. En premier lieu, Dieu manifeste pour son épouse un amour à la fois inconditionnel et exigeant.

L’amour de Dieu est d’abord inconditionnel, gratuit. L’épouse, c’est Jérusalem, c’est tout le peuple d’Israël, c’est l’Église, et aussi chaque âme qui cherche sincèrement Dieu. Dieu l’aime tout entière, il aime tout en elle, ici et maintenant, telle qu’elle est. Dieu n’attend pas quelque chose de nous pour nous aimer.

Nous, lorsque nous faisons un achat par exemple, il peut nous arriver d’émettre des réserves : « Oui, j’aime beaucoup cet ordinateur, mais je l’aurais préféré avec un processeur double cœur… Oui, c’est vraiment la voiture que j’avais en tête, mais vous ne l’auriez pas plutôt en noir ? Oui, c’est presque la maison de nos rêves, mais l’orientation ne nous convient pas. »

Mais lorsque nous tombons amoureux, rien de tel : « Oui je t’épouse, mais il faudra te cultiver un peu… Je t’avoue que je suis vraiment tenté par le mariage, mais tu n’aurais pas plutôt une sœur ou une cousine avec des cheveux plus clairs ? ».

Mieux encore, comme dans un couple où l’époux va révéler à l’épouse ses richesses cachées, ce qu’il aime chez elle – et réciproquement bien sûr – l’amour attentionné de Dieu révèle l’épouse à elle-même : « Tu es ma préférence… l’épousée… la joie de ton Dieu »

En même temps, et c’est indissociable, l’amour de Dieu est exigeant. Celui qui aime voit aussi dans l’aimé celui qu’il doit devenir. Parce que je t’aime vraiment, je veux que tu te dépasses. C’est vrai dans une amitié, dans un couple, et aussi pour des parents qui à la fois aiment leur enfant tel qu’il est et, poussés par ce même amour, désirent qu’il grandisse, se dépasse.

Au contraire, quelle tristesse qu’un regard d’amour qui nous figerait, qui ne nous dirait pas : « Je crois en toi plus que tu ne crois en toi-même, et je désire que tu repousses tes propres limites. » C’est ce que Dieu désire pour Jérusalem : le psaume lui dessine un avenir radieux où Jérusalem entonne un chant nouveau, fait connaître Dieu aux nations païennes et à la terre entière.

De même, Dieu voit grand pour moi. Il ne s’agit pas de me plier à ses caprices, de m’aliéner, mais de me faire devenir toujours plus moi-même. Il y a en Dieu à la fois un amour plutôt maternel, enveloppant et inconditionnel, et un amour plutôt paternel qui nous fait grandir et sortir de nous-mêmes.

C’était mon premier point : l’amour à la fois inconditionnel et exigeant du Dieu-époux pour son peuple et pour chaque âme qui le cherche. Deuxièmement, l’amour du Dieu-époux est un don surabondant et fécond.

Dieu le premier se donne, se livre. Il engage le dialogue avec l’homme, il se manifeste à lui. « L’amour a fait les premiers pas », comme dit ce chant d’Église que vous connaissez peut-être. C’est une expérience que nous avons tous faite : que nous ayons fait lire nos premières poésies à un ami, sollicité un prêt auprès de notre banquier ou dévoilé nos sentiments à l’élue de notre cœur, nous nous sommes rendus vulnérables.

Contemplons ce mystère : Dieu n’aurait rien perdu à rester seul. Le monde ne lui apporte rien, pourtant il a pris le risque de le créer, d’y placer des hommes libres de l’aimer ou de lui cracher au visage, il a pris chair en ce monde et s’est exposé aux souffrances et à la mort, il se livre encore dans l’eucharistie que nous pouvons recevoir comme un don, saisir comme un dû ou encore ignorer et rejeter.

Que Dieu donne, c’est déjà beaucoup. Que Dieu se donne, c’est mieux encore. Mais Dieu va jusqu’à nous permettre de nous donner à notre tour, comme lui, comme l’époux permet à l’épouse d’enfanter.

Tel ces grands-parents qui confient une pièce à offrir à la quête ou à un pauvre, Dieu nous confie son trésor : sa parole, ses sacrements, son Esprit Saint. Les dons de la grâce sont variés mais c’est le même Esprit qui est donné. Il se manifeste différemment en chacun, mais toujours pour le bien de tous. C’est par le don de l’Esprit Saint que l’Église est rendue féconde, tellement vivante qu’elle est rendue capable de donner elle-même la vie, spécialement dans les sacrements.

Le Christ aime tellement son épouse qu’il ne veut rien faire sans elle. Lui seul est la source de la vie de l’Église, et pourtant il choisit d’agir incognito, par les pauvres mains des serviteurs que nous sommes : nous remplissons les jarres, nous puisons, nous servons, et le signe s’accomplit.

Ce qui est particulièrement vrai dans les sacrements l’est aussi dans chaque prière que nous faisons pour nos voisins, nos familles, chaque parole d’encouragement, chaque témoignage de foi que nous donnons avec nos pauvres mots. Chaque fois que nous agissons ainsi, en vertu de notre baptême, nous sommes tantôt Marie demandant à Jésus d’agir, les serviteurs versant l’eau changée en vin, le maître du repas manifestant la merveille accomplie.

Chacun pour notre part, nous pouvons faire nôtre les mots que Bernanos prête à son curé de campagne : « Soyez en paix, lui avais-je dit. Et elle avait reçu cette paix à genoux. Qu’elle la garde à jamais ! C’est moi qui la lui ai donnée. Ô merveille, qu’on puisse ainsi faire présent de ce qu’on ne possède pas soi-même, ô doux miracle de nos mains vides ! »

Père Alexandre-Marie