L’épreuve d’amour

L’épreuve d’amour

L’épreuve d’amour

De retour à Antioche après leur mission, Paul et Barnabé « rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations la porte de la foi. » Frères et sœurs, dimanche dernier, nous assistions à la joie des païens, c’est-à-dire des non-juifs. La connaissance du seul et unique vrai Dieu, qui était jusque là réservée au peuple juif élu par le Seigneur, est désormais ouverte à tous, indépendamment de leur origine ethnique.

La connaissance du vrai Dieu, ce n’est pas uniquement une affaire intellectuelle. C’est être avec lui, communier à sa vie, c’est vivre en sa présence. Depuis des siècles, le peuple d’Israël vivait déjà ainsi – ou du moins essayait-il de le faire : la Loi reçue de Moïse fait de chaque geste du quotidien un geste sacré, le sabbat sanctifie le temps, le Temple de Jérusalem est la demeure de Dieu au milieu de son peuple, les fêtes et le culte assurent la communion avec lui. Quelques uns parmi les païens allaient jusqu’à entrer dans le peuple d’Israël : ils recevaient la circoncision, adoptaient la culture, la langue, les règles alimentaires et rituelles des Juifs. Ce faisant, ils rompaient avec leurs origines.

La plupart des païens n’osaient pas aller jusque là et se limitaient à assister de loin aux prières juives, à l’arrière de la synagogue, à l’écart du Temple. Impossible d’être en pleine communion avec ce Dieu qui ne s’était révélé qu’à Israël, jusqu’à ce que Dieu leur ouvre la porte de la foi par le baptême.

Juif, Grec, Romain ou barbare, homme ou femme, bébé, enfant ou adulte, jeune ou ancien, tout baptisé dans la foi au Christ vit désormais en communion avec le seul et unique vrai Dieu. Consacré par le baptême, la confirmation et l’eucharistie, tout chrétien marche sous la loi du Christ qui fait de sa vie une vie sainte, un lieu où Dieu habite et se rend visible. La nouvelle Jérusalem, la demeure de Dieu avec les hommes, c’est l’Église dont nous les baptisés sommes les pierres vivantes.

 Paul et Barnabé ont donc sillonné l’Asie mineure, annonçant la parole de Dieu, baptisant les païens en vue du salut offert dans le Christ Jésus, fondant des communautés. Au moment de prendre congé, ils encouragent les disciples à persévérer dans la foi : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu. »

Franchir la porte de la foi, accueillir la parole de Dieu et être baptisé dans le Christ Jésus, ce n’est là qu’un début. La porte de la foi ouvre sur un chemin qui passe par l’existence entière avec ses joies et ses épreuves, par la mort et qui aboutit à la résurrection avec le Christ. Il s’agit de persévérer dans la foi reçue.

Au terme de sa vie, Paul écrira à son ami Timothée pour l’encourager à garder la foi et il dira de lui-même : « Le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice. »

N’ayons pas peur de cet encouragement à parvenir au royaume de Dieu en persévérant dans la foi au travers de bien des épreuves. Ne soyons pas étonnés de devoir passer par bien des épreuves. Elles sont tout à fait normales. Elles ne signifient pas que nous serions coupables, punis ou abandonnés de Dieu. La question est : l’épreuve, qu’est-ce que j’en fais ?

À la faveur d’une épreuve, il peut arriver que je reconnaisse que j’avais en effet choisi un chemin de mort, et que je reprenne alors le chemin de la vie. Il peut aussi arriver que l’épreuve m’affermisse, car je constate que, comme l’écrit l’apôtre Pierre, « la puissance de Dieu me garde par la foi ». Ce n’est pas seulement moi qui garde la foi, c’est la foi qui me garde, qui me fait tenir bon dans l’épreuve. « Aussi vous exultez de joie même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ; elles vérifieront la valeur de votre foi qui a bien plus de prix que l’or […] afin que votre foi reçoive louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ. »

 « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu », disent Paul et Barnabé aux nouveaux chrétiens. Epreuve et souffrance ne sont pas des accidents de la vie chrétienne. Elles en font partie intégrante. Voyons pourquoi ?

Je le disais à l’instant : consacré par le baptême, la confirmation et l’eucharistie, tout chrétien vit sous la loi du Christ, la loi la plus exigeante qui soit : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. » C’est bien plus que s’accepter, se tolérer ou se supporter. Littéralement, on pourrait presque traduire : « Chérissez-vous les uns les autres. »

On reconnaît l’amour vrai à ce qu’il demande renoncement et sacrifice. Bien sûr, le renoncement, le sacrifice et la souffrance ne sont pas le but de la vie chrétienne. Le but, c’est la communion avec Dieu qui est amour. Or « aimer, c’est tout donner, et se donner soi-même », écrivait Thérèse de Lisieux. Nul ne peut être en communion avec Dieu, éternel don de soi par amour, sans devenir soi-même don de soi par amour, sans passer par la croix.

La passion et la croix de Jésus ne furent pas un accident de parcours, mais le revers nécessaire de son amour total pour nous. L’épreuve et la souffrance de celui qui choisit de marcher sous la loi du Christ ne sont pas non plus un accident de parcours. « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu », parce que nous avons reçu le commandement d’aimer nos frères et nos sœurs, nos prochains et nos lointains, nos amis et nos ennemis, d’aimer vraiment, d’aimer d’un amour qui chérit et qui se donne sans retour pour que l’autre vive.

Voulons-nous, en marchant sur les traces de Jésus, remplis de son propre Esprit, passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu ?

Père Alexandre-Marie Valder