« Lorsque tu couronnes leurs mérites, tu couronnes tes propres dons. »

« Lorsque tu couronnes leurs mérites, tu couronnes tes propres dons. »

« Lorsque tu couronnes leurs mérites, tu couronnes tes propres dons. »

« Seigneur, qui séjournera sous ta tente ? s’interroge le fidèle du Seigneur dans le psaume. Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son cœur. »

Tout récemment, une personne en fin de vie m’exprimait son inquiétude quant à ce qui l’attendait ensuite. Avait-elle fait ce qu’il fallait ? Cela m’a fait prendre conscience que cette question travaille le cœur de toute personne : « Seigneur, y aura-t-il une place pour moi dans ta maison ? » C’était déjà la question posée au Seigneur Jésus dimanche dernier : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Nous avons l’intuition qu’il y a en quelque sorte quelque chose à faire, et cette intuition est juste.

En théorie, on pourrait imaginer d’autres réponses possibles.

Premièrement : « Non, il n’y a rien à faire. La vie éternelle est accordée à tous, indépendamment de ce qu’ils ont fait. Il suffit de mourir pour avoir la vie éternelle. » Cela viderait notre vie d’aujourd’hui de tout son sens. Deuxièmement : « Non, il n’y a rien à faire. La vie éternelle n’est accordée à personne. » Cela mettrait à mal toute espérance. Et que dire à ceux qui souffrent aujourd’hui ? Troisièmement : « Non, il n’y a rien à faire. La vie éternelle, c’est comme une boîte de chocolats, comme une grande loterie. Si ton numéro a été tiré de toute éternité, tu seras sauvé. Sinon, tant pis pour toi. »

Aucune de ces options n’est conforme à ce que nous croyons. En soi, le Seigneur notre Dieu n’est soumis à aucune logique supérieure à lui. On ne peut pas non plus comprendre parfaitement ses desseins. Toutefois, nous croyons en un Dieu qui a de la suite dans les idées, un Dieu qui est fidèle à ses promesses, un Dieu qui n’est tout simplement ni capricieux ni caractériel.

 Dans les lectures de ce dimanche, nous voyons Abraham et Marthe offrir l’hospitalité au Seigneur lui-même. Et le Seigneur accepte avec reconnaissance ce qui lui est offert. L’attention d’Abraham et de Marthe n’est pas sans valeur aux yeux du Seigneur. Il en est de même pour ce que nous faisons de bien pour lui. Ce n’est pas sans valeur à ses yeux. Ce n’est pas rien.

Dans le texte original, le Seigneur Jésus dit de Marie qu’elle a choisi « la bonne part ». Toutefois, la plupart des traducteurs ont choisi de rendre le sens par « la meilleure part ». En effet, ce n’est pas parce que Marie a choisi le meilleur que Marthe a fait quelque chose de mauvais ou de vain.

Nous pouvons tirer une première bonne nouvelle des lectures de ce dimanche : nous, comme Abraham, comme Marthe, nous pouvons authentiquement faire quelque chose pour le Seigneur notre Dieu, quelque chose qui a du prix à ses yeux, quelque chose qui ne compte pas pour rien. La foi catholique l’exprime avec un mot qu’il ne faut pas comprendre de travers : le mérite.

Disons-le d’emblée : au sens propre, Dieu n’a pas besoin de nous. Personne ne peut donner à Dieu quelque chose. Qui peut dire à Dieu : « je me demande bien ce que tu ferais sans moi » ? Personne, pas même la Vierge Marie, ne peut offrir quoi que ce soit au Seigneur pour acheter la vie éternelle.

Dieu n’a pas besoin de nous. Abraham a offert l’hospitalité au Seigneur sous sa tente, en effet. Cependant, les galettes, la viande, le fromage et le lait qu’il a proposés aux voyageurs, l’eau pour leur laver les pieds, la tente d’Abraham et la terre sur laquelle elle était plantée, tout cela, il l’avait déjà reçu de celui à qui il les a offerts. Il en est de même pour Marthe accueillant le Seigneur dans sa maison. De même pour la Vierge Marie l’accueillant dans son cœur et dans son corps. De même pour nous, lorsque nous accueillons le Seigneur dans notre existence. La préface pour les saints le résume en disant au Père : « Lorsque tu couronnes leurs mérites, tu couronnes tes propres dons. »

« Heureux ceux qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance », avons-nous entendu juste avant la lecture de l’Évangile. Bien sûr, le fruit que nous portons pour le Seigneur nous vient déjà de lui. Il n’empêche que ce fruit est authentiquement notre fruit. Dieu ne s’occupe pas d’accrocher des cerises sur les cerisiers, mais il fait les cerisiers capables de produire des cerises. Et il prend plaisir aux fruits que nous portons, fruits qui sont entièrement de lui et entièrement de nous.

 Il y a quelque chose de comique dans la première lecture à voir le patriarche Abraham, à quatre-vingt-dix-neuf printemps, s’agiter en tous sens pour veiller au bien-être de ses hôtes. Sa tâche accomplie, il prend le temps de s’arrêter et se tient près d’eux. Alors retentit pour lui la promesse du Seigneur : « Je reviendrai chez toi au temps fixé pour la naissance, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. »

Il est bon de faire son possible pour accueillir le Seigneur qui vient nous visiter. Il est meilleur encore de se tenir en sa présence pour écouter sa parole. Il est bon de donner ce que nous avons pour le Seigneur, comme Marthe. Il est meilleur encore de laisser le Seigneur nous donner ce qu’il a pour nous, comme Marie qui se tenait aux pieds du Seigneur et écoutait sa parole.

Je laisse la conclusion à sainte Thérèse de Lisieux écrivant depuis le carmel à sa sœur restée dans le monde : « [Tu penses peut-être] : mais enfin je fais moins que les autres pour le bon Dieu, j’ai […] moins de mérites […]. Le mérite ne consiste pas à faire ni à donner beaucoup, mais plutôt à recevoir, à aimer beaucoup… Il est dit que c’est bien plus doux de donner que de recevoir, et c’est vrai, mais alors, quand Jésus veut prendre pour Lui la douceur de donner, ce ne serait pas gracieux de refuser. »

Père Alexandre-Marie Valder