Mettre Dieu au cœur de sa vie !

Mettre Dieu au cœur de sa vie !

Le Seigneur a un projet pour chacun de ceux qui sont ici : le délivrer de l’esclavage de l’égoïsme et l’ouvrir à la liberté du don désintéressé de soi-même. Pour chacun et chacune de nous, le chemin sera différent, puisque chacun est unique ; et en même temps, le chemin sera le même pour tous : le Christ, unique chemin vers le Père, unique Rédempteur de l’homme.

Tous, nous naissons avec une nature blessée : spontanément, nous sommes centrés sur nous-mêmes, préoccupés de nous-mêmes, repliés sur nous-mêmes. C’est ce que saint Paul, dans la lecture d’aujourd’hui, appelle « les tendances de la chair ». Le but, c’est que chacun se décentre de soi-même pour mettre Dieu au cœur de sa vie. Voilà quelle est l’œuvre que réalise le Père, par une pédagogie lente, délicate et patiente, avec force et douceur, par sa Parole de vérité et son Esprit de charité.

Par Moïse, le Seigneur a donné à son peuple la Loi. La Loi dessine le cadre d’une vie qui met Dieu au centre. A l’école de la Loi, Israël a appris à ne pas pactiser avec les idoles, à offrir au Seigneur le meilleur de ses biens, à lui consacrer le jour du repos hebdomadaire, à aimer son prochain comme soi-même par amour pour Dieu. La Loi trace un cadre, elle dit le bien à faire et le mal à fuir, mais comme de l’extérieur. Voilà pourquoi elle n’était qu’une étape.

Ceux qui se laissent conduire par l’Esprit ne sont plus soumis à la Loi. Cela ne signifie pas que les préceptes de la Loi ne soient plus valables pour le chrétien. Plus que jamais, nous sommes tenus à nous attacher au Dieu unique, à lui consacrer le meilleur de nous-mêmes, surtout notre temps qui est si précieux, et à nous mettre, par amour, au service les uns des autres ; toutefois, nous ne le faisons plus parce à cause d’une Loi qui s’impose, mais en marchant sous la conduite de l’Esprit de Jésus.

Celui qui se laisse conduire par l’Esprit n’a plus besoin de la Loi, car il accomplit cette Loi en vivant comme le Christ. La vie, la vraie vie, la vie bienheureuse, ce n’est rien d’autre que cela : vivre comme Jésus, totalement obéissant à la volonté du Père et pourtant souverainement libre.

Lorsque nous entendons Jésus nous dire en finale de cet Évangile : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu », n’allons pas imaginer le royaume de Dieu comme une boîte de nuit où certains seraient admis et d’autres non. J’entre dans le royaume de Dieu lorsque je le laisse entrer en moi, dès lors que je consens à ce que Dieu le Père règne en moi et sur moi.

Pour cela, il me faut d’abord mettre à la porte de mon cœur mon « petit moi », celui qui trépigne et fait des caprices, celui qui piaille « moi moi moi ! », celui qui – selon les puissantes images de saint Paul – ne sait que mordre, déchirer et détruire les autres. Celui-là, je l’appelle « petit moi » pour le distinguer du moi véritable, celui que je découvre justement par le don désintéressé de moi-même à Dieu par le prochain.

En accueillant le royaume de Dieu, en suivant le Seigneur sans regarder en arrière, je ne perds rien de ce que je suis, bien au contraire. Permettez-moi de reprendre les mots si célèbres et si forts du pape Benoît XVI lors de la messe d’inauguration de son pontificat : « N’ayez pas peur du Christ ! Il n’enlève rien et il donne tout. Celui qui se donne à lui reçoit le centuple. Oui, ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ – et vous trouverez la vraie vie. »

La vraie vie, c’est cela que désire ardemment le Père pour moi et pour toi ; voilà ce qui est promis à celui qui, le visage déterminé, met résolument ses pas dans les pas de Jésus ; voilà ce qui attend celui ou celle qui, aujourd’hui, prend au sérieux le baptême qui l’a revêtu du Christ, uni au Christ.

Être baptisés, ce n’est pas adhérer au club des amis de Jésus, une carte de membre que l’on sortira trois fois dans sa vie pour « avoir le droit d’être marraine », « avoir le droit de se marier » et « avoir le droit d’être enterré à l’église ». Être baptisé, prendre au sérieux son baptême, c’est imiter le Christ dont la joie est de faire la volonté du Père. Pas après pas, à la suite de celui qui nous a appelés, nous nous laissons délivrer par lui de l’esclavage du péché, de l’égoïsme, du « petit moi » et nous entrons dans la liberté des fils de Dieu.

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, le Seigneur Jésus ne nous cache pas que ce chemin sera semé d’efforts et de renoncements : hostilité et rejet, insécurité matérielle, incompréhension et parfois même détachements douloureux. Ne l’oublions pas : ces renoncements dont nous parle Jésus, il les a lui-même expérimentés avant nous et pour nous. Pour nous et pour notre salut, il est sorti du Père, il a connu la pauvreté et l’effort, la faim, la soif, la fatigue et toutes sortes d’épreuves. Tout cela il l’a fait par amour pour le Père et pour nous, faisant siennes les paroles du psaume : « Garde-moi, mon Dieu : j’ai fait de toi mon refuge… Seigneur, mon partage et ma coupe, de toi dépend mon sort… je bénis le Seigneur qui me conseille… mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance. »

Un chemin d’effort mais surtout de vrai bonheur nous est proposé, un chemin qui conduit de l’esclavage de l’égoïsme à la liberté des fils de Dieu, un chemin à la suite du Seigneur Jésus. Décidons aujourd’hui de prendre au sérieux notre baptême. Demandons la grâce de lâcher ce qui nous empêche de le faire, d’être délivré de ce qui nous entrave. Prions pour que le feu tombe du ciel, non pas sur les infidèles pour les faire mourir, mais sur nous pour nous faire vivre. Amen.

Père Alexandre-Marie Valder