Notre loi, c’est le Christ

Notre loi, c’est le Christ
Frères et sœurs, chaque jour, et même plusieurs fois par jour, nous prions avec les mots reçus du Seigneur Jésus : « Notre Père, qui es aux cieux, que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel… » Il y a donc bien un écart entre ce que nous sommes ici et maintenant, personnellement et collectivement, et ce que nous sommes appelés à être, c’est-à-dire des personnes qui sanctifient le Nom du Père, qui vivent sous son règne et qui font sa volonté. Ecart, mais aussi désir que cet écart soit comblé : « Que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite… »
Dieu a créé la lumière pour qu’elle brille, et c’est ce qu’elle fait. Il a créé les astres pour qu’ils marquent les temps avec leur cycle régulier, et c’est ce qu’ils font. Il a créé les plantes pour qu’elles portent fruit chacune selon sa semence, et c’est ce qu’elles font. Pour ces créatures, il n’y a pas d’écart entre ce qu’elles sont et ce qu’elles sont appelées à être.
Ce n’est pas le cas pour nous, les humains, créatures douées de liberté, appelées à choisir librement d’aimer Dieu et le prochain. Aujourd’hui, il y a un écart entre ce que je suis et ce que je suis appelé à être, un espace offert à ma liberté. Appelé à chercher Dieu, à le connaître, à l’aimer et à aimer mes frères et sœurs, je n’accomplirai cette vocation que si je choisis de le faire.
« Écoute la voix du Seigneur ton Dieu, en observant ses commandements et ses décrets inscrits dans ce livre de la Loi, et reviens au Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme. » Je ne suis pas Juif. Je crois cependant comprendre que la Loi est bien plus qu’un code de conduite pour Israël. Elle est une voie qui enseigne comment être ajusté au Seigneur. Observer la Loi, c’est apprendre par la pratique à rejeter ce que le Seigneur rejette et à aimer ce qu’il aime, et cela institue une sorte de communion d’esprit et d’amitié. La Loi enseigne à quoi est appelée la personne humaine, et aussi qui est Dieu qui l’appelle et la conduit.
« Que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite… » Comme chrétiens, nous n’observons pas la Loi de Moïse. Nous visons cependant le même but : vivre en communion avec le Père, sanctifier son Nom, habiter son règne, son royaume, faire sa volonté. Vous et moi, nous en sommes encore bien éloignés. Il y a néanmoins un homme en qui coïncident ce qu’il est et ce qu’il est appelé à être, un homme qui vit en communion avec le Père, qui sanctifie son Nom, qui habite son royaume, qui fait sa volonté : Jésus lui-même.
Chrétiens, nous ne sommes pas d’abord les observateurs d’une loi, fût-ce la loi de l’amour. Nous sommes avant tout les disciples et les imitateurs d’un homme, le Christ Jésus. Saint Paul ne dit rien d’autre. Dans la lettre aux Romains, il commente notre première lecture d’aujourd’hui en disant : « L’aboutissement de la Loi, c’est le Christ, afin que soit donnée la justice à toute personne qui croit. » (Rm 10,4)
Notre loi, c’est le Christ. « Voici l’homme », annonçait Ponce Pilate, prophète malgré lui. Lui seul, Jésus-Christ, est l’homme pleinement réalisé, pleinement humain. Lui seul aime le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force et de toute son intelligence, et son prochain comme lui-même. Connaître le Christ, l’aimer et l’imiter, le suivre, c’est découvrir plus profondément qui je suis et qui je suis appelé à être.
Notre loi, c’est le Christ. Lui seul « est l’image du Dieu invisible », comme l’écrit saint Paul dans la lecture d’aujourd’hui. Nous, nous tendons vers cette ressemblance, afin d’être à l’image de l’image du Dieu invisible. Cette ressemblance est déjà réalisée en un homme qui a part à la même humanité que nous, c’est pourquoi nous avons l’espérance assurée qu’il nous sera possible d’être nous aussi participants de la nature divine.
Notre loi, c’est le Christ. Cela nous protège d’une lecture moralisante de l’histoire du Bon Samaritain : « Sois gentil et serviable, surtout pas comme ces deux pignoufs de prêtre et de lévite, et alors tu auras mérité ton paradis ».
Premièrement, la lecture moralisante oublie la relation avec Dieu. Il n’est plus question que de moi, de mes bonnes actions et de mon paradis. Deuxièmement, on peut se demander quel rapport il y a entre « être gentil » et « avoir la vie éternelle ». Est-ce que la vie éternelle se mérite une fois qu’on a accumulé suffisamment de bons points ? Est-ce qu’il y a des oraux de rattrapage ? Et puis troisièmement, si Dieu attache tant d’importance à cet homme laissé à moitié mort sur le chemin, aux pauvres de nos rues, aux vieillards, aux malades, aux prisonniers et aux migrants, il n’a qu’à agir lui-même, d’abord.
En fait, le Bon Samaritain, c’est d’abord le Christ, Dieu lui-même qui s’est approché de l’humanité blessée, laissée pour morte sur le bord du chemin. C’est le Christ qui s’approche de moi, me prend dans ses bras, me lave avec l’eau du baptême, l’huile de la confirmation et le vin de l’eucharistie et me confie aux soins de l’auberge de l’Église.
Or notre loi, c’est le Christ. « Va, et toi aussi, fais de même », alors tu entreras dans la manière de sentir et d’agir du Christ et le connaîtras de mieux en mieux. Il te fera connaître l’homme tel que Dieu le rêve et le conduit à son accomplissement. Lui qui « est l’image du Dieu invisible », il te fera connaître Dieu son Père et t’enseignera à l’aimer de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence.
Alors, lorsque tes jours seront accomplis, tu entreras dans la Vie en disant : « Notre Père, qui es aux cieux, ton Nom est sanctifié, ton règne est là, ta volonté est faite sur la terre comme au Ciel. Amen. »
Père Alexandre-Marie Valder