Passés par la mort et vivants d’une vie nouvelle

Passés par la mort et vivants d’une vie nouvelle

Passés par la mort et vivants d’une vie nouvelle

« Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » s’interrogent les disciples de Jésus. Son identité, Jésus la montre tout simplement par ses actions. Lorsqu’il guérit les malades, chasse les démons, ramène les morts à la vie, ou bien lorsque, comme aujourd’hui, il impose sa force au vent et à la mer, il fait voir qui il est : le Seigneur, le créateur et le sauveur du monde. Comme nous l’avons entendu juste avant l’Évangile, « Dieu a visité son peuple ».

 Faisons ensemble un pas de plus. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement au vent et à la mer que Jésus impose sa force. Dans la mentalité juive, la mer, c’est la mort. La mer, c’est le lieu du chaos et des forces du mal. Israël a hérité cela des mythes babyloniens dans lesquels Tiamat est la déesse marine du chaos et de la destruction contre laquelle combat le dieu Marduk.

Or Israël va plus loin que les mythes babyloniens. Dans la première lecture, et aussi dans le psaume, il est aussi question de la confrontation entre les forces de la mer, qui représentent le chaos, le mal et la mort, et le Seigneur. Sauf qu’il n’y a pas de véritable confrontation : il suffit au Seigneur d’une parole pour imposer une limite à la mort. « Et je dis : “Tu viendras jusqu’ici ! tu n’iras pas plus loin, ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots.” » Si vous me permettez cette actualisation : « Couché, la mer ! À la niche, le chaos ! » Le mal est soumis, circonscrit, limité dans sa puissance de destruction, alors que le bien qu’est Dieu est infini.

Cette certitude que le Seigneur impose sa loi aux forces du mal est au cœur de la foi d’Israël et donc de la nôtre. Lors de la préparation au baptême, je rappelle toujours cet épisode de la traversée de la Mer Rouge par le peuple d’Israël. À travers la mer, à travers la mort, le Seigneur ouvre un chemin de salut pour son peuple.

 Faisons ensemble encore un pas de plus. C’est déjà une grande chose que d’affirmer que le Seigneur, par sa puissance, tient les forces du mal en respect, comme un trappeur qui entretiendrait une flambée pour garder les loups à distance de son campement. La révélation chrétienne va cependant encore plus loin. La mort n’est pas seulement repoussée, elle est vaincue.

À Pâques, nos frères chrétiens byzantins aiment à chanter un cantique qui affirme : « Le Christ est ressuscité des morts ! Par la mort, il a foulé aux pieds la mort ! Il a donné vie à ceux qui étaient au tombeau ! » C’est aussi ce que Paul rappelle aux Corinthiens dans la lecture d’aujourd’hui : « L’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous, et qu’ainsi tous ont passé par la mort. »

Un seul est mort pour tous, et ce n’est pas n’importe qui. Si j’étais amené à sacrifier ma vie pour l’un de vous, cela lui accorderait un sursis de quelques années. J’aurais peut-être droit à une plaque, à un entrefilet dans l’Est Républicain et ce serait tout.

Or, celui qui est mort et ressuscité pour tous, c’est le Christ, le Fils de Dieu, le Seigneur. De manière imagée, nous pouvons dire qu’il n’a pas seulement repoussé la mort ; il a pénétré sur son territoire, il l’a traquée jusque dans son repaire et il l’a foulée aux pieds. L’icône orientale de la Résurrection représente Jésus au séjour des morts, marchant sur les portes des enfers qu’il a abattues par sa puissance, et tirant par la main Adam et Eve.

 Être baptisé dans la foi de l’Église, comme nous le sommes pour la plupart, comme Maëlys et Mia vont l’être dans un moment, c’est entrer personnellement dans cet élan de mort, de résurrection et de vie nouvelle. Être baptisé, c’est plonger avec Jésus dans la mort, passer par la mort avec lui et ressusciter avec lui. C’est, avec lui, visiter l’antre de la mort et pouvoir dire : « Ah, ce n’est que cela. Elle bouge encore, elle grogne encore, mais elle est déjà en bout de course. »

Commence alors cette vie nouvelle dont parle Paul. « Les vivants [n’ont] plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur [Jésus], qui est mort et ressuscité pour eux. » C’est toujours à reprendre, toujours à parfaire, tout au long de la vie, et pourtant c’est donné une fois pour toutes. Désormais ma vie repose sur du solide, car je sais que le Seigneur a donné sa vie pour moi.

Dans l’épreuve, soyons sûrs qu’il est avec nous et nous prépare une place où nous serons consolés et à l’abri de toute épreuve. Dans la joie, soyons sûrs que ce n’est qu’un avant-goût de la vie éternelle. Forts de cette foi, que les jeunes abordent la vie avec confiance, sachant qu’elle est belle, qu’elle a un sens et que le Seigneur n’abandonne jamais ceux qui se confient en lui. Forts de cette foi, que les aînés remettent leur passé, avec ses ombres et ses péchés, à la miséricorde de Dieu et soient sûrs que celui qui les attend par-delà la mort les a aimés depuis le commencement du monde.

 « Si donc quelqu’un est dans le Christ, nous dit Paul, il est une créature nouvelle. » Le jour de notre baptême, nous avons reçu ce cadeau d’une vie renouvelée. Intimement associés au Christ, celui qui a reçu l’onction, nous avons nous-mêmes reçu l’onction d’huile sainte. Nous avons revêtu le Christ, ce dont le vêtement blanc est le signe. En recevant le feu de Pâques, la flamme du Christ ressuscité, nous avons commencé à être lumière du monde.

Frères et sœurs, que la parole de Dieu qui nous a été adressée ce dimanche, que l’engagement de Maëlys, de Mia et de leur famille, ravivent en nous la joie de notre baptême, la joie d’être, par la grâce de Jésus-Christ et le don de l’Esprit Saint, les fils et les filles du Père céleste. À lui soit la gloire pour les siècles des siècles. Amen.

Père Alexandre-Marie Valder