Plongés dans la logique de la foi

Plongés dans la logique de la foi

Plongés dans la logique de la foi

Le Seigneur Jésus nous propose aujourd’hui une parabole des plus déconcertantes. Le gérant de l’homme riche détient des biens, en l’occurrence de l’argent, de l’influence et le réseau des clients de son maître. Ce n’est que temporaire. Une fois renvoyé, tout cela lui sera enlevé, et c’est pourquoi il le met à profit dès à présent pour s’assurer des biens qui dureront, ici la reconnaissance des personnes dont il a raboté les dettes.

À travers cette parabole, deux questions nous sont posées : quels sont les biens que tu détiens ? à quoi les emploies-tu ?

Un contre-modèle nous est décrit avec les mots rudes du prophète Amos. Au VIIIe siècle, ce bouvier du royaume de Juda est envoyé par Dieu pour prophétiser dans le royaume d’Israël. Là, il voit des gens se lamenter pendant les jours de fête, convaincus qu’un jour férié est un jour perdu : « Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ? »

Trois mille ans plus tard rien n’a vraiment changé : comme il reste difficile pour nous de respecter le repos du dimanche, sans travailler ni faire travailler les autres !

Pire encore aux yeux du prophète : non contents de rogner sur le temps pour faire davantage d’argent, les gens du pays exploitent la faiblesse et le malheur des pauvres : « Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment ! »

Pour ceux que fustige le prophète Amos, tout est bon pour faire du profit. Qu’importent les fêtes, le temps réservé à Dieu, l’honnêteté du commerce ou la pitié envers les pauvres, le mot d’ordre reste « moi d’abord ».

« Les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière », remarque le Seigneur Jésus dans l’évangile. À voir l’astuce et le courage déployés par certains pour acquérir des biens qui ne durent pas, si seulement les chrétiens en faisaient autant en vue de ce qui compte vraiment : le royaume de Dieu, la vie éternelle.

Par la foi, le Seigneur Jésus désire nous faire passer de la logique du monde à la logique du royaume de la lumière. Si le mot d’ordre du monde est « moi d’abord », celui du royaume pourrait être « n’aie pas peur », cette expression qui revient si souvent dans la Bible. « N’aie pas peur » ouvre à la relation avec cette personne, Dieu, qui me parle et me dit : « Sois sans crainte. Aie confiance. Je suis là. Je t’aime. » C’est la logique de la foi en l’espérance plus forte que le désespoir, en la vie plus forte que la mort, en Dieu plus fort que le péché, cette logique que résume la croix tracée il y a quelques minutes sur Giulia, Alba et Armand.

On entre dans la logique de la foi par le baptême. Le pape Benoît XVI aimait rappeler que, dans l’antiquité, après avoir rejeté le péché et Satan, l’auteur du péché, le baptisé était littéralement plongé dans la foi.  « Crois-tu en Dieu le Père tout-puissant ? _ Je crois. » Première immersion dans l’eau. « Crois-tu en Jésus-Christ, son Fils Unique, notre Seigneur ? _ Je crois. » Nouvelle immersion. « Crois-tu en l’Esprit Saint ? _ Je crois. » Troisième et ultime immersion. Ainsi la logique du monde, le « moi d’abord », est comme noyée dans l’eau du baptême.

Devenu création nouvelle dans le Christ, tout nouveau baptisé reçoit le vêtement de lumière et la flamme pascale, la lumière du Christ Ressuscité, lui qui a subi les assauts du péché et des forces du mal. Victorieux de la mort, il dit à toute personne qui croit en lui : « N’aie pas peur. Ta vie est gardé en sûreté entre mes mains. Ne te fais pas de souci. Ne va pas priver les autres par peur de manquer de l’essentiel. Ne va pas les écraser pour défendre ta place au soleil.

« Laisse de côté le “moi d’abord”. Par le baptême et l’onction d’huile sainte, tu fais partie de mon peuple, tu es semblable à moi, un homme ou une femme pour les autres. Tu appartiens au peuple de ceux qui croient que Dieu parle à l’humanité et qu’il agit pour délivrer, que Dieu est fort et fidèle, que Dieu est Père. Alors n’aie pas peur. »

Pour Giulia, Alba et Armand comme pour chaque chrétien, le baptême est une étape décisive sur le chemin de l’existence. Dans quelques années, ils apprendront à donner à Dieu le nom de Père en priant avec leurs frères et sœurs chrétiens. Ils seront plus profondément initiés en recevant la Confirmation, le don de l’Esprit Saint. Ils prendront part au repas de l’Eucharistie. Ils entendront pour eux la parole du Seigneur : « Prenez, mangez, ceci est mon Corps, livré pour vous. » Ce qui faisait dire à S. Paul : « Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? (Rm 8,31-32) »

Tout au long de leur vie et de la nôtre, la logique du « n’aie pas peur » sera en lutte contre celle du « moi d’abord ». Comme le gérant malhonnête de la parabole, nous avons des biens de toutes sortes (argent, influence, relations, beauté, santé, intelligence) et ces biens nous feront défaut tôt ou tard. Dès aujourd’hui, apprenons à les employer au service de ce qui en vaut vraiment la peine, l’amour vrai, la charité, dont nous savons qu’elle, et elle seule, ne passera jamais (1Co 13,8).

Père Alexandre-Marie Valder