Vendredi Saint : L’amour est vainqueur

Vendredi Saint : L’amour est vainqueur

L’amour est vainqueur

« Tout est accompli » ? Comment peux-tu dire cela, Seigneur ? Tu as été frappé si jeune par une mort si violente et si injuste. Tu avais encore tant à vivre sur cette terre.

« Tout est accompli » ? Et ces foules si nombreuses en Palestine et dans les autres provinces de l’empire, tous ces gens qui ne t’ont jamais vu ni entendu parce que tu es mort ce jour-là sur la colline, à bout de forces, ravagé de blessures, étouffé sous ton propre poids ?

« Tout est accompli » ? Et tous ces malades, tous ces aveugles, tous ces infirmes, tous ces lépreux, tous ces hommes et ces femmes affligés que tu n’as pas touchés, pas consolés, pas guéris, parce que ton cœur a été ouvert par la lance du soldat ?

Et pourtant, tu as raison, Seigneur, « tout est accompli. » Tu nous as montré jusqu’où va la violence des hommes et des femmes, de quoi chacun de nous serait capable devant un Dieu qui se présente à nous les mains vides alors que nous voudrions un Dieu héroïque qui viendrait imposer la paix à coups de poing et résoudre tous nos problèmes à notre place. Tu nous as montré que nous sommes comme ces enfants capricieux capables de frapper leurs parents qui ne leur donnent pas tout tout de suite comme ils l’exigent.

Et pourtant, tu as raison, Seigneur, « tout est accompli. » Tu nous as surtout montré  que, aussi profond que soit le péché des humains, l’amour du Père l’est bien plus encore. Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé.

Oui, « tout est accompli » car la croix n’est pas l’échec de Dieu. « Mon serviteur réussira, a-t-il promis par la bouche du prophète Isaïe. » Et tu as réussi, Seigneur, tu as remporté la victoire, une victoire éclatante, une victoire haut la main sur le diable, sur le mal, sur le péché, sur la mort.

Frères et sœurs, si ce soir nous sommes rassemblés pour faire mémoire de la passion et de la mort du Seigneur Jésus, c’est que nous sommes sûrs que ce n’était pas là le dernier mot du Père. Nous continuons de regarder la croix avec amour car nous voyons en elle le signe du don total, le signe de la réconciliation toujours possible. À la croix, Dieu a changé le mal en bien, la violence en pardon, la haine en amour, la destruction de la vie en vie indestructible.

La croix, c’est déjà la Victoire de la Vie.

Frères et sœurs, ce soir, nous apportons à la croix tout le mal du monde afin que Dieu le change en bien. Ce soir, nous, baptisés dans le Christ, nous sommes les prêtres de l’humanité. Dans la grande prière d’intercession, nous apportons à Dieu tous les hommes et les femmes, catholiques et chrétiens d’autres confessions, juifs et croyants d’autres religions, incroyants, personnes en responsabilité, personnes en souffrance.

Ce soir, en venant adorer la croix, nous apportons à elle tout le mal de nos vies ; le mal dont nous sommes les témoins : les guerres et les menaces de guerre, en Ukraine, en Terre Sainte, au Yémen, en Syrie et ailleurs ; les violences ouvertes ou sourdes contre les chrétiens au Nigéria, au Burkina Faso, au Nicaragua, et ailleurs ; le mépris de la valeur inestimable de toute vie humaine : avortement, euthanasie, violences faites aux femmes, abandon des migrants et des pauvres ; les menaces contre la terre, notre maison commune.

Ce soir, nous apportons à la croix le mal dont nous souffrons : les brimades et les moqueries liées à notre foi ; nos proches et nos amis qui se détournent de l’Évangile ; les conflits dans nos familles ; les pertes d’emploi ; les maladies, les inquiétudes pour notre avenir ou celui de nos proches ; les violences faites aux corps et aux âmes dans l’Église et dans la société.

Ce soir, nous apportons à la croix le mal que nous avons commis : nous ne sommes pas meilleurs que les autres ; nos convoitises et nos jalousies, nos colères et nos emportements, notre sécheresse de cœur et notre tiédeur à servir, notre paresse à sortir vers le Seigneur pour le prier et vers notre prochain pour le servir ; le contre-témoignage que nous rendons comme disciples de Jésus, tout cela ajoute de la souffrance à la souffrance du monde.

« Tout est accompli. » Du haut de la croix, le Seigneur a pensé à chacun de nous, prié pour nous et nous a offert son pardon. Combien de fois a-t-il dit et montré qu’il était venu non pas pour les justes, mais pour les pécheurs ?

Ce soir, nous crions vers lui, nous marchons vers lui avec cette infinie confiance en la miséricorde. Tout est accompli. L’amour a gagné.

Père Alexandre-Marie Valder