« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure.
En ces jours-là, des gens, venus de Judée à Antioche, enseignaient les frères en disant : « Si vous n’acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. »
Comment puis-je être sauvé ? Toute personne qui se livre à un minimum d’introspection perçoit qu’elle est faite pour la communion avec Dieu. Or nous faisons tous l’expérience de la mort, du mal, du péché, de tout ce qui en nous s’oppose à cette communion avec Dieu. Alors comment puis-je être sauvé ?
Autour de nous fleurissent toutes sortes de réponses. Il y a ceux qui prétendent s’en moquer, et qui ne s’en portent pas plus mal – à ce qu’ils disent ; il y a ceux qui sont dévorés par l’angoisse et ceux qui considèrent que le salut leur est acquis comme la retraite ; il y a ceux qui mettent leur confiance dans des pratiques d’inspiration chrétienne ou non, par exemple ceux qui ne croient pas en Jésus mais qui prient sainte Rita. Parmi ceux qui se fient à leurs pratiques, il y a nos compatriotes musulmans qui affirment qu’on ne peut être sauvé que par l’observance de la circoncision et des rites alimentaires et cultuels transmis par Mohamed. Ce n’est pas si différent du dilemme qui se pose aux apôtres dans notre première lecture.
Et vous, que dites-vous ? Si l’on vous interrogeait, que répondriez-vous ? Oseriez-vous redire les mots de saint Pierre au début des Actes des Apôtres : « En nul autre que [Jésus], il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. » ?
Pour nous, disciples de Jésus, il n’y a de salut qu’en Lui, en étant attaché à Lui par la foi et l’amour, en gardant sa parole. Garder Sa parole, c’est bien ce qu’Il nous demande dans l’Evangile d’aujourd’hui. Avant d’en venir à l’Evangile, faisons un détour par la première lecture.
Comprenons bien le dilemme qui se pose aux Apôtres. Être sauvé, c’est accueillir le salut de Dieu manifesté en Jésus ; c’est entrer dans ce grand courant de salut qui passe par Abraham à qui le Seigneur adresse une promesse, qui passe par Moïse libérant le peuple de l’esclavage en Egypte, qui passe par David et Salomon enseignant comment adorer et servir le Seigneur, qui passe par les prophètes accompagnant le peuple à son départ en exil et à son retour, qui passe enfin par Jésus, fils de David, mort et ressuscité le jour de la fête juive de Pâque. Bref ! être sauvé, c’est entrer dans l’alliance avec le Seigneur, c’est devenir juif, avec tout ce que cela implique : la circoncision, les lois alimentaires, les rites de purification, la séparation radicale avec les païens ?
Alors les Apôtres se mettent à l’écoute de l’Esprit Saint, dont Jésus avait dit « lui vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » Ils comprennent qu’Israël a reçu une mission particulière, irremplaçable, celle d’être le peuple choisi par Dieu, le laboratoire de l’alliance, la vigne amoureusement clôturée, sarclée, taillée, travaillée par le Seigneur au long des siècles pour produire enfin son plant de choix : le Seigneur Jésus. Nous ne comprenons rien à l’Evangile si nous n’avons pas accueilli la patiente pédagogie du Seigneur dans l’Ancien Testament.
Mais à présent que tout est accompli, le salut en Jésus est offert à tout homme qui voudra bien s’attacher à Lui par la foi et l’amour, indépendamment des rites de la loi de Moïse. Tout homme qui accueillera Son amour et L’aimera en retour sera sauvé par Lui, qu’il soit Juif ou Grec, Egyptien ou Syrien.
Retour à l’Evangile : qu’est-ce donc qu’aimer Jésus ? Lui-même le dit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole […]. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. »
Il y a donc ceux qui ne gardent pas les paroles de Jésus.
L’Evangile dit bien LES paroles, au pluriel, peut-être pour nous avertir de ne pas échantillonner ce que dit Jésus. Ou bien on garde SA parole, on la reçoit comme un tout, ou bien on court fait son marché dans SES paroles. Je vais garder celle-ci mais je vais laisser celle-là ; je vais avoir la bouche pleine de tel verset de l’Evangile qui me plaît bien mais je vais éviter de trop m’attarder sur ceux qui me dérangent. C’est cela, ne pas garder Ses paroles, non seulement celles qui nous sont rapportées par les évangélistes, mais aussi celles que l’Esprit Saint a enseignées aux Apôtres et qui sont parvenues jusqu’à nous.
Au contraire, qu’est-ce que garder LA parole de Jésus ? C’est premièrement la recevoir pour ce qu’elle est : la parole de Dieu, parole véridique, parfois tranchante, toujours inspirée par l’amour miséricordieux. C’est deuxièmement la connaître et la méditer, en parcourant et reparcourant amoureusement la Bible, à travers laquelle le Seigneur me parle, te parle aujourd’hui. C’est troisièmement la laisser transformer ma vie. « Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. » (He 4, 12) Elle m’appelle toujours à mûrir dans l’amour, à me laisser convertir. Elle me réveille pour que je ne m’endorme pas dans l’autosuffisance et le contentement.
Et la réalisation de la promesse est immédiate. Elle est pour maintenant : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. » Nous n’avons pas connu Jésus en chair et en os, nous n’avons pas vu Son visage, nous n’avons pas entendu Sa voix, et pourtant une communion nous est promise, une amitié plus intime et plus profonde que celle qui a uni Jésus et ses disciples lorsqu’Il était parmi eux.
Quelle joie et quelle paix peuvent être les nôtres !
Alexandre-Marie Valder