Le chemin de la joie
C’est l’histoire de Martin qui cherche son chemin. Il rencontre Adèle et l’appelle : « Dites-moi, ma bonne dame, je veux aller à tel endroit. Savez-vous le chemin ?
– Pour sûr, mon brave. Mais il est impossible d’y aller en partant d’ici. »
Nous sommes tous comme Martin. Nous voudrions aller au paradis, au Ciel, auprès de Dieu, mais il n’existe aucun chemin qui puisse conduire un homme ou une femme jusqu’à Dieu. Il ne suffit pas de quitter cette vie pour rejoindre Dieu.
Pour être plus précis, nous serions tous comme Martin s’il n’y avait pas Noël, si Dieu lui-même n’était pas venu tracer le chemin jusqu’à nous. « Moi, je suis le chemin », dira Jésus à ses apôtres quelques heures avant sa mort.
Il y a à peine 150 ans, certaines régions de France étaient complètement enclavées. Il suffisait qu’une grosse pluie rende la route impraticable, et des villages étaient coupés du monde. Lorsqu’on construisait un chemin de fer, ou même une simple route goudronnée, tout la vie du village en était bouleversée. La vie de Jésus, depuis sa conception à l’Annonciation, jusqu’à son Ascension auprès du Père, est comparable au tracé d’une route fiable entre notre monde et le monde de Dieu.
« Ne craignez pas, disait l’ange aux bergers, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. » La bonne nouvelle, la grande joie, c’est qu’il y a 2000 ans, Dieu a désenclavé le monde, il s’est approché, il a visité l’humanité.
Revenons à Martin qui cherche son chemin. Il rencontre Adèle et l’appelle : « Dites-moi, ma bonne dame, je veux aller à tel endroit. Savez-vous le chemin ?
– Pour sûr, mon brave. Je peux vous indiquer la route sur une carte. Toutefois, cette route n’existe que sur la carte, pas en réalité. »
Il y a 800 ans jour pour jour, François d’Assise faisait réaliser la toute première crèche. Il disait : « Je veux évoquer le souvenir de l’Enfant qui naquit à Bethléem… Je veux le voir, de mes yeux de chair, tel qu’il était, couché dans une mangeoire et dormant sur le foin, entre un bœuf et un âne. »
François voulait voir de ses propres yeux ce que d’autres avaient vu de leurs propres yeux en un certain lieu, en un certain temps. « En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie… »
L’Évangile n’est pas un conte. Il ne commence pas par « Il était une fois… », ni par « Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… » Il y a un peu plus de 2000 ans, sous Auguste et Quirinius, à l’époque du recensement, dans ce petit pays qui fait encore aujourd’hui la une des journaux, à Bethléem, la ville où était né le roi David, « la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes ».
Voilà peut-être le point le plus difficile de la foi chrétienne : Dieu n’est pas dans un livre ; Dieu n’est pas dans un Ciel inaccessible ; Dieu n’est ni dans la pensée ni dans un concept abstrait. Nous croyons que Dieu, le créateur du monde et de l’histoire, est entré dans le monde et dans l’histoire pour venir à notre rencontre. Dieu ne nous a pas envoyé une carte pour le rejoindre ; il est venu marcher sur nos chemins en disant : « Venez à ma suite. » Notre Dieu est entré dans le concret du monde et de l’histoire. Il s’est mis à notre portée pour que nous marchions derrière lui par une foi et une charité concrètes.
Revenons encore à Martin qui cherche son chemin. Il rencontre Adèle et l’appelle : « Dites-moi, ma bonne dame, je veux aller à tel endroit. Savez-vous le chemin ?
– Pour sûr, mon brave. C’est tout droit de ce côté, puis la deuxième à gauche et ce sera à deux kilomètres après le petit bois. »
Alors Martin part dans l’autre direction.
« Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur, disait l’ange aux bergers. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Va-t-on imaginer que les bergers soient partis de l’autre côté ? Ou qu’ils soient restés sur place ? Non, bien sûr.
Pourtant c’est bien ce que font beaucoup d’hommes et de femmes que je rencontre au cours de l’année. Vous en connaissez peut-être aussi d’ailleurs. À ce point, il faut que je vous dise quelque chose d’important, même si ce n’est pas facile à entendre : du point de vue de la foi chrétienne, être croyant et non-pratiquant n’a tout simplement aucun sens. C’est comme pour Martin qui cherche son chemin et part dans l’autre direction.
Le Dieu dont nous parle Jésus n’est pas dans les nuages ; il n’est pas un concept philosophique ; il est une personne qui nous connaît, nous aime et nous donne rendez-vous.
Si nous le croyons, sortons rencontrer Dieu dans la prière, dans la méditation de la Bible, dans les sacrements. Demandons-lui de nous guérir de tout ce qui nous enferme sur notre petit moi ; demandons-lui de nous désenclaver le cœur.
Pour finir, réécoutons les mots que saint Paul adressait à son ami Tite : « Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. »
Il y a 2000 ans, par amour pour nous, Dieu s’est manifesté sous les traits d’un petit enfant. Pas seulement pour les bergers de Bethléem, mais pour tous les Martin d’hier et d’aujourd’hui, qui cherchent leur chemin vers le Ciel.
Père Alexandre-Marie Valder