« Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? »
« Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? » Chaque matin, les diacres, les prêtres et les évêques, les vierges consacrées, les religieuses et les religieux, toutes les personnes qui prient la liturgie des heures commencent leur journée en priant le psaume 94 et en réentendant ces mots : « Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? »
Ce matin, dans la synagogue de Capharnaüm, le Seigneur Jésus enseigne en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. La parole de Jésus n’est pas seulement une information sur Dieu. D’ailleurs, nous ne savons même pas ce qu’il a dit ce jour-là. Ce n’est pas ce qui est dit qui compte ; ce qui compte, c’est la personne qui parle et ceux à qui elle s’adresse.
Vous l’avez peut-être remarqué : le psaume 94 que nous avons lu joue avec la première et la deuxième personne du pluriel : « Venez… crions de joie… acclamons… entrez… inclinez-vous… prosternez-vous… adorons… » Quelqu’un s’adresse à nous ; tantôt il nous exhorte à célébrer le Seigneur, tantôt il ne fait qu’un avec nous pour le faire.
Nous pouvons reconnaître ici la voix du Seigneur Jésus, homme comme nous et Dieu pour nous. Cela peut aussi être la voix de n’importe quel porte-parole de Dieu, n’importe quel prophète comme celui dont parle Dieu dans la première lecture : « Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. »
Nous ne savons donc pas ce qu’a dit Jésus ce jour-là. Ce que nous savons, c’est que sa seule présence a bouleversé ses auditeurs ; ceux qui l’écoutent sont frappés par son enseignement et l’esprit mauvais qui tourmentait un homme ne peut supporter cette présence et cette parole. Aussitôt, il se manifeste comme quelqu’un que la parole dérange : « Es-tu venu pour nous perdre ? »
La parole de Dieu nous interpelle ; elle nous provoque. Provoquer appartient à la même famille de mots qu’invoquer, convoquer ou vocation : il est toujours question d’une voix qui appelle et qui exige une réponse concrète. Lorsque le Seigneur parle, il faut répondre d’une manière ou d’une autre. Il n’y a pas de neutralité possible. Choisir de faire comme si Dieu ne parlait pas, choisir de ne pas tenir compte de la parole, choisir l’indifférence, c’est déjà choisir.
« Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? » interroge le psaume 94. Une fois encore, la parole de Dieu n’est pas là pour nous informer, mais pour nous transformer. Ecouter, pour les gens de la Bible, pour les amis de Dieu, c’est toujours en même temps pratiquer, mettre en œuvre, obéir. D’ailleurs, obéir signifie avant tout écouter une parole qui vient de plus grand que soi.
À propos du prophète, Dieu disait aussi ceci dans la première lecture : « Si quelqu’un n’écoute pas les paroles que ce prophète prononcera en mon nom, moi-même je lui en demanderai compte. » La parole que Dieu nous adresse nous provoque : allons-nous l’écouter ou pas ?
« C’est dans votre intérêt que je dis cela, écrit saint Paul aux Corinthiens. Ce n’est pas pour vous tendre un piège, mais pour vous proposer ce qui est bien, afin que vous soyez attachés au Seigneur sans partage. » Ecouter la parole de Dieu, l’écouter vraiment et la mettre en pratique, c’est bien autre chose qu’appliquer des règles qui prescrivent ce qui est obligatoire, permis ou défendu, pur ou impur ; ce qui compte vraiment, c’est d’être attaché au Seigneur.
Lorsque je rencontre quelqu’un pour la première fois et que je dis quelque chose comme : « Il fait beau aujourd’hui, mais le fond de l’air est un peu frais », ou tout simplement « Bonjour », ce qui compte vraiment, c’est que la personne me réponde, qu’elle entre en relation avec moi. Lorsqu’un papa ou une maman dit à ses enfants : «Venez, allons ensemble – encore le jeu du vous et du nous – jusqu’à la boulangerie pour acheter du pain », ce qui compte vraiment, ce n’est pas le pain à acheter, mais le fait d’être ensemble.
De même, lorsque Jésus nous disait dimanche dernier : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile… Venez à ma suite… » il nous parle de relation et non pas de soumission.
« Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? » redisons-nous chaque matin dans la liturgie des heures. Ce simple verset est une bonne nouvelle, comme toute parole de Dieu est une bonne nouvelle.
Chaque matin, chaque jour, chaque fois que nous entendons proclamer la parole de Dieu, chaque fois que nous ouvrons la Bible afin de la lire dans un esprit de prière, aujourd’hui, c’est toujours un jour nouveau. C’est à chaque fois le Seigneur Jésus qui se rend à la synagogue de Capharnaüm et qui enseigne avec autorité. À chaque fois.
Même si nous avons négligé mille occasions d’écouter sa parole hier, même si nous avons vécu cinquante ans sans écouter sa parole, aujourd’hui peut toujours être différent. Hier, j’ai peut-être été comme le peuple de la première lecture qui criait : « Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu ! » ; j’ai peut-être fermé mon cœur comme au désert ; la question m’est à nouveau posée : « Aujourd’hui, écouteras-tu sa parole ? »
Même si j’ai fait la sourde oreille hier, aujourd’hui il m’est à nouveau proposé d’écouter sa parole à neuf. Avec le Seigneur, avec sa parole, aujourd’hui je peux toujours reprendre le bon chemin, aujourd’hui je peux toujours écouter, m’approcher, adorer, bref ! aujourd’hui est toujours un bon jour pour commencer.
Père Alexandre-Marie Valder,