La Vie en son Nom
La Vie en son Nom
« Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là y ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son Nom. » Frères et sœurs, les évangiles n’ont pas été écrits pour que nous connaissions la vie de Jésus, mais afin que, en croyant, nous ayons la vie en son Nom.
Croire, c’est croire que Jésus de Nazareth est le Christ, le Messie, celui qui a reçu l’onction d’huile, l’envoyé du Seigneur Dieu vers les hommes et les femmes. Dans l’Ancien Testament, l’onction d’huile signifie le don de l’Esprit de Dieu fait aux prêtres, aux prophètes et aux rois afin qu’ils reçoivent le don et la mission de rendre témoignage à Dieu et de servir le peuple.
Jésus est LE Christ qu’attendait Israël, celui qui accomplit les promesses de Dieu, celui qui est le roi véritable, le fils de David, et le prophète par excellence, et aussi le grand prêtre qui offre son propre sang en sacrifice pour le peuple. À la femme de Samarie qui l’interrogeait sur la venue du Christ, Jésus avait répondu sans détour : « Je le suis, moi qui te parle (Jean 4,26) »
Jésus est LE Christ. Il n’a pas simplement reçu l’onction d’huile un jour pour une mission ; il a été oint de l’Esprit de Dieu, consacré de toute éternité. Un jour, dans la synagogue de Nazareth, Jésus s’est appliqué la prophétie d’Isaïe où il est écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. »
La mort de Jésus n’a pas mis fin à sa mission de Christ. Dieu l’a ressuscité, confirmant ainsi qu’il était bien son envoyé. Ce jour-là, dans la pièce fermée où s’étaient cachés les disciples, Jésus s’est montré vivant : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie… Recevez l’Esprit Saint. » Les disciples du Christ, les chrétiens, deviennent à leur tour des christs, porteurs de l’Esprit Saint, pour poursuivre sa mission, une mission qui consiste surtout à recevoir la vie d’un autre, comme des fils et des filles.
En effet, Jésus de Nazareth est aussi appelé Fils de Dieu. Bien d’autres dans la Bible sont appelés de ce nom, pour dire que ce sont des personnes exceptionnelles. Jésus, lui, est Fils de Dieu au sens propre. C’est parce qu’il se nommait Fils de Dieu, parce qu’il appelait Dieu son Père, que le tribunal religieux l’a condamné pour blasphème.
En se faisant connaître comme Fils de Dieu, Jésus a montré qui est Dieu. Dieu n’est pas seulement un architecte, un faiseur de choses, une puissance qui organise l’univers : il est Père. Parce qu’il est Fils, Jésus fait toujours la volonté du Père ; il agit toujours en dépendance du Père. Tenaillé par la faim au désert, il refuse de faire un miracle pour lui-même. Confronté à la menace de la mort, il s’abandonne avec confiance au Père. Ce qu’il a fait, à nous de le faire également.
Car devenir disciples de Jésus, le Fils de Dieu, c’est entrer dans cette relation de filiation. En devenant chrétiens, nous sommes réellement adoptés par Dieu, nous devenons ses enfants, nous sommes intégrés dans sa maison. « Celui qui croit que Jésus est le Christ, nous disait saint Jean, celui-là est né de Dieu. » Le baptême est une deuxième naissance ; il nous fait entrer dans la famille de Dieu. Être chrétien, ce n’est pas juste suivre un code de conduite, c’est être de la famille de Dieu.
Être de la famille de Dieu, cela change la vie. Saint Jean écrit que « tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde » : il vit différemment. Quand on est fils ou fille de Dieu, on n’a plus à se crisper sur ce que nous possédons, on n’a plus à jalouser le voisin, on n’a plus à craindre la mort. Voilà pourquoi, comme nous le racontent les Actes des Apôtres, « la multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme… et ils avaient tout en commun. »
C’est un défi toujours actuel pour l’Église : être visiblement la famille de Dieu. Dans le monde, on rivalise pour le pouvoir et l’argent ; dans la famille de Dieu, on se réjouit de servir et on rivalise dans la sainteté. Et la sainteté, ce n’est rien d’autre que devenir semblable à Dieu le Seigneur, lui qui est Saint Saint Saint !
Il y a encore deux autres titres donnés à Jésus, mais ils sont équivalents. Devant Jésus ressuscité, Thomas s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » « Mon Seigneur, Adonaï », c’est le nom que les Juifs donnent à Dieu, le Créateur du monde, le Maître de l’histoire, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu qui a appelé Moïse dans le buisson ardent, le Dieu qui a parlé par la bouche des prophètes.
Nous chrétiens, nous sommes porteurs de cette nouvelle extraordinaire : Jésus de Nazareth, le charpentier de Galilée, le crucifié, est le Seigneur. En lui la divinité s’est unie à l’humanité la plus concrète : le voir, c’est voir Dieu ; l’écouter, c’est écouter Dieu ; le connaître, c’est connaître Dieu ; l’aimer, c’est aimer Dieu ; l’imiter, c’est imiter Dieu. Si un être humain comme nous peut être en même temps Dieu, cela signifie que toute personne peut avoir part à la nature divine, à la vie même de Dieu.
Frères et sœurs, Jésus le Christ n’est pas venu dans le monde afin que nous sachions que Dieu existe ; le Fils de Dieu n’est pas mort sur la croix afin que l’homme devienne gentil avec son voisin ; le Seigneur n’a pas confié à ses disciples la parole et les sacrements pour donner au monde un code de conduite.
La prédication et la messe d’aujourd’hui, les évangiles et toute l’Écriture, l’eucharistie et les sacrements, l’Esprit Saint qui agit dans l’Église : tout cela nous unit, si nous le voulons bien, à cette vie divine, cette vie éternelle qui est en Jésus, le Christ, le Fils de Dieu, le Seigneur, lui qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen. Alléluia.
Père Alexandre-Marie Valder