L’âne et la croix

L’âne et la croix

L’âne et la croix

Frères et sœurs, le Seigneur Jésus ne s’est pas engagé seul dans l’aventure de sauver le monde. Dieu aurait pu nous sauver tout seul, à distance. Il a préféré se mouiller, verser sa sueur et son sang, nous impliquer et entraîner avec lui l’ensemble du monde créé. Voyons comment.

Avec le soleil qui s’obscurcit à la mort du Seigneur, ce sont tous les astres qui participent à la passion. Le monde minéral est là également, avec cette tombe creusée dans le roc qui accueille le corps mort du Sauveur, et ces pierres dont il a dit : « Si [mes disciples] se taisent, les pierres crieront. »

Voici encore le monde animé. Les rameaux sont agités pour acclamer l’entrée du Seigneur dans sa ville royale de Jérusalem. Le petit âne lui sert de monture. Le coq chante au matin ; sans le coq, qui sait combien de fois Pierre aurait renié Jésus ? qui sait s’il aurait alors eu le courage de se repentir et de revenir ? L’arbre de la croix enfin reçoit le corps du Christ livré pour le salut de tous.

Les hommes et les femmes, ne sont pas en reste. Eux aussi sont embarqués dans l’aventure du salut.

Les disciples acclament le Seigneur Jésus entrant à Jérusalem, les apôtres l’entourent au dernier repas. Une fois que tous l’ont abandonné, il reste encore Simon de Cyrène, réquisitionné par les soldats pour porter la croix avec Jésus. Délaissé par ses amis, Jésus n’est pas seul. Deux malfaiteurs sont crucifiés avec lui. L’un d’eux se repent et se voit ouvrir le paradis. Le centurion au pied de la croix s’exclame : « Celui-ci était réellement un homme juste. »

Les humains sont aussi présents par les produits de leurs mains : le pain et le vin du dernier repas, le vinaigre dont on abreuve Jésus sur la croix, le manteau dont le revêt Hérode, le rideau du Temple qui se déchire, le linceul qui enveloppe son corps supplicié, les aromates et les parfums préparés pour sa sépulture.

Enfin, n’oublions pas le monde spirituel. Sur le mont des Oliviers, un ange réconforte le Seigneur Jésus. Auparavant, Satan, l’ange déchu, était entré en Judas. En nuisant à l’humanité, en semant la division et la haine, il servait en fait le projet divin de sauver le monde.

 Parmi ce petit monde qui gravite autour du Seigneur Jésus, je voudrais attirer l’attention sur l’âne et la croix.

« Parce que le Seigneur en a besoin », répondent les disciples à ceux qui leur demandent pourquoi ils détachent le petit âne. Le Seigneur, c’est-à-dire Dieu lui-même, le Dieu qui a créé le ciel, la terre et les petits ânes, a besoin de cet animal, comme il a besoin des autres créatures qui prennent part à son œuvre de salut, comme il a besoin de vous et moi. Il pourrait faire sans nous, mais il veut faire avec nous. Frères et sœurs, que veut nous montrer le Seigneur Jésus en entrant à Jérusalem sur un petit âne ?

L’âne, contraire au cheval, est une monture humble, la monture de celui qui ne compte pas sur sa propre force, mais sur Dieu seul. L’âne est aussi la monture des prophètes et des rois, la monture du Christ, le roi de paix, annoncé par le prophète Zacharie :

« Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. »

Le Seigneur Jésus a voulu entrer dans sa ville monté sur un petit âne. De même, il a voulu entrer dans la mort monté sur l’arbre de la croix.

Pour les Romains, la croix était le pire supplice qui soit, la mort réservée aux criminels et aux esclaves. Outre la douleur et la longue agonie, il y avait aussi l’humiliation d’être exposé nu au bord des routes. Pour les Juifs, mourir étouffé et suspendu au bois était le signe de la malédiction divine. Ainsi, tout homme qui se trouve en situation d’être rejeté par les autres, traité comme un rebut, un moins-que-rien, cet homme-là peut lever les yeux vers la croix et confesser : « Dieu lui-même est passé par là. Je ne suis pas seul. »

Elevé sur la croix, le Seigneur Jésus montre à tous qu’il est vraiment le pont entre la terre et le Ciel, entre l’humanité et Dieu, celui qui peut dire en toute vérité à un homme, fût-ce ce criminel crucifié à côté de lui : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »

Elevé sur la croix, nu et les bras étendus, le Seigneur Jésus montre qui est Dieu : un Dieu livré, accueillant à toute détresse ; un Dieu qui va jusqu’à l’extrême de l’amour ; un Dieu dont l’homme n’a qu’une seule chose à craindre : passer à côté de lui sans le reconnaître.

 Frères et sœurs, soyons clairs : nous n’aurons pas de part au salut du monde si nous restons simplement des spectateurs extérieurs.

Aujourd’hui encore, le Seigneur a besoin de notre « oui » pour nous embarquer dans son œuvre de salut. Nous avons toute la vie pour lui dire et lui redire ce « oui » : en prenant le temps de la prière quotidienne, en répondant au rendez-vous hebdomadaire de la messe, en luttant contre nos mauvais penchants, en faisant le bien autour de nous, en présentant nos enfants au baptême, en entretenant et en partageant la lumière de la foi.

Par le baptême, nous sommes devenus des porteurs du Christ pour notre monde qui a tant besoin de consolation. L’âne et la croix, aujourd’hui, c’est chacun de nous.

Père Alexansre-Marie Valder