Aujourd’hui est le temps de chercher Dieu
« Quand on est mort, tout est mort. » Le vieil Arsène, le sacristain du curé de campagne, héros de Bernanos, vient d’évoquer son grand-père, sonneur de cloches à Lyon, et sa mère, servante du curé de Wilman. « Vous les retrouverez tous là-haut », lui assure le prêtre. Après un long silence pesant, la réponse du sacristain glace son curé jusqu’aux os : « Quand on est mort, tout est mort. » Combien de nos contemporains en diraient autant ? Quand on est mort, tout est mort, il n’y a rien à espérer. Rien de nouveau sous le soleil, puisque saint Paul devait déjà secouer ses chers Corinthiens : « Comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? »
La tendance inverse existe, et elle est évoquée plus haut dans la même lettre aux Corinthiens : la résurrection est déjà accomplie, nous sommes déjà dans le Royaume, il n’y a plus qu’à jouir sans entrave, profiter de la vie et attendre le ciel.
Deux écueils, une même absurdité : à quoi bon vivre, et vivre bien, s’il n’y a rien à espérer ? Ou bien c’est le néant qui nous attend au bout du chemin, et alors tout est permis, le bien et le mal sont sans importance, nos vies sont sans poids et sans épaisseur ; ou bien la possession du Royaume est déjà assurée, le bien ou le mal que l’on fait ou que l’on nous fait ne comptent pour rien, et alors que faisons-nous encore ici ?
« Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. » La résurrection de Jésus est la promesse et le modèle de notre propre résurrection. La tête du corps étant déjà dans la gloire du ciel, nous, les membres du corps, nous vivons dans l’espérance d’y entrer à notre tour.
Comment faire sentir que la vie éternelle nous est promise, mais pas encore acquise ?
La durée de notre vie nous est donnée pour accueillir ce don ou le dédaigner. Comme l’écrit saint François de Sales, « le temps pour chercher Dieu, c’est la vie ; le temps pour trouver Dieu, c’est la mort ; le temps pour posséder Dieu, c’est l’éternité. » Alors ne brûlons pas les étapes.
Aujourd’hui est le temps de chercher Dieu afin que lorsque nous serons face à lui, il ne soit plus pour nous un étranger. Aujourd’hui est le temps de mettre notre confiance en lui, et non dans les richesses. Aujourd’hui est le temps de creuser en nous une faim de Dieu et non pas de nous jeter avidement sur les biens qui passent. Aujourd’hui est le temps de faire des choix responsables, de prendre des décisions qui participeront à nous faire grandir. Aujourd’hui est un temps d’effort, d’entraînement, de préparation.
En ce dimanche de la santé, mettons-nous à la place d’un grand malade qui recevrait cette promesse : tu seras guéri, et qui, fort de cette promesse, peut envisager l’avenir, faire des projets.
En cette période de Jeux Olympiques, rappelons-nous ce que saint Paul écrivait aux Corinthiens : « Tous les athlètes à l’entraînement s’imposent une discipline sévère ; ils le font pour recevoir une couronne de laurier qui va se faner, et nous, pour une couronne qui ne se fane pas. Moi, si je cours, ce n’est pas sans fixer le but ; si je fais de la lutte, ce n’est pas en frappant dans le vide. »
Non, nous ne courons pas sans fixer le but. Nous qui avons mis notre espoir dans le Christ, nous savons que nous attendons une résurrection qui ressemblera à la sienne : vivre en présence de Dieu, dans nos corps restaurés et transfigurés, en communion avec les saints, pour une vie éternelle et bienheureuse.
Puisque notre résurrection ne sera rien d’autre qu’une participation à celle de Jésus, alors notre vie ici doit être, autant que possible, une participation à celle de Jésus. Il ne s’agit pas de gagner des points pour le ciel, mais de s’ajuster à la vie que nous connaîtrons auprès de Jésus. Prier en communion avec lui, écouter sa parole, recevoir son corps et son sang donnés en nourriture, choisir le bien qu’il nous propose, refuser le mal dont il nous avertit.
« Heureux vous les pauvres… », vous qui dès maintenant mettez votre confiance dans ce qui demeure et non dans les richesses passagères, qui avez en Dieu seul votre assurance et votre appui.
« Heureux vous qui avez faim maintenant… », vous qui désirez ardemment l’intimité avec le Seigneur, vous qui ne cherchez pas à étouffer les attentes infinies de votre cœur par la consommation effrénée mais qui aspirez à ce qui rassasie vraiment le cœur de l’homme.
« Heureux vous qui pleurez maintenant… », vous qui êtes vulnérables, sensibles aux détresses de vos frères et sœurs, vous qui ne vous blindez pas, ne vous enfermez pas dans l’égoïsme et l’illusion de l’autosuffisance, vous qui vous laissez blesser par la compassion de Dieu.
« Heureux quand les hommes vous haïssent… à cause du Fils de l’homme… », vous qui acceptez de souffrir un peu de temps pour témoigner de la vérité, pour affirmer sans compromis que Dieu s’est penché sur l’humanité jusqu’à lui donner son Fils, vous qui portez avec lui sa croix.
« Réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ! »
Alexandre-Marie, prêtre