Cherchons avec ardeur à aimer toujours plus le Seigneur et nos frères.

Cherchons avec ardeur à aimer toujours plus le Seigneur et nos frères.

À la mort d’Alexandre le Grand, ses généraux s’étaient partagé l’empire. Les Séleucides, qui régnaient notamment sur la Syrie et la Palestine, ont cherché à y imposer de force la culture et la religion grecques. Si certains Juifs ont renié l’alliance avec le Seigneur pour se soustraire à la persécution, d’autres ont résisté. C’est dans ce contexte que s’est déroulé le martyre des sept frères dont nous venons d’entendre une version expurgée, plus courte et moins sanglante.

C’est à la même époque, celle de la persécution des Grecs, que sont nés les principaux courants du judaïsme que nous retrouvons dans les évangiles.. Les sadducéens étaient issus des familles sacerdotales et attachaient une grande importance au Temple de Jérusalem. Au contraire, les pharisiens avaient des synagogues dans les différentes villes où ils s’efforçaient d’étudier la Loi et d’y conformer minutieusement leur vie. Parmi les livres saints que nous connaissons, les sadducéens ne reconnaissaient l’autorité que de la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome, tandis que pharisiens lisaient et commentaient les prophètes et les psaumes. Par ailleurs, comme nous venons de l’entendre, tandis que les pharisiens croyaient à la vie éternelle et à la résurrection, les sadducéens n’y croyaient pas.

Jésus se confronte régulièrement aux pharisiens. C’est pourtant d’eux qu’il est le plus proche, si bien que les sadducéens prennent Jésus pour un pharisien et le questionnent au sujet de la résurrection : s’il y a vraiment une résurrection, alors cette femme qui aura été l’épouse de sept maris durant sa vie, de qui sera-t-elle l’épouse ?

De la réponse que fait Jésus, méditons ensemble trois éléments.

Le premier, c’est que Jésus affirme sans ambigüité la réalité de la résurrection. D’ailleurs, il s’appuie sur le livre de l’Exode, dont les sadducéens reconnaissent l’autorité. Il s’appuie surtout sur l’être même de Dieu. Dieu n’est pas un dieu des morts, un dieu des fantômes, mais le Dieu des vivants, et il est assez puissant pour arracher à la mort ceux qu’il veut afin qu’ils vivent pour lui. Ceux qui nous ont précédés dans la mort, ceux pour qui nous avons prié le 2 novembre, ne vivent pas d’abord dans notre mémoire – votre mémoire, comme la mienne, est limitée et faillible ; c’est en Dieu qu’est solidement et fermement fondée notre espérance en la vie éternelle.

Voici le deuxième point de méditation. À écouter trop vite les paroles de Jésus, on pourrait croire que les ressuscités n’auraient pas de corps et qu’ils n’en auraient pas besoin, n’ayant plus besoin de se marier ou d’avoir des enfants.

Toutefois, nous le savons bien, et nous le redisons chaque dimanche, nous croyons à la résurrection de la chair, de l’homme tout entier avec son âme, bien sûr, et aussi son corps. Mon corps, c’est moi. Mon corps, c’est ce par quoi je mets en œuvre le bien que j’ai décidé de faire. Mon corps, c’est ce qui me permet très concrètement d’aimer et d’exprimer mon amour. Notre corps de ressuscité sera à la fois différent de celui que nous avons, et pourtant ce sera le même, un corps humain, un corps sexué, un corps fait pour le don de soi et la communion avec autrui.

Hommes et femmes, nous ne nous réalisons pleinement, nous ne nous trouvons nous-mêmes que dans le don de nous-mêmes et la communion avec autrui. De cela, le mariage chrétien est la réalisation la plus aboutie et la plus parfaite en ce monde, même si ce n’est pas la seule : un libre don de soi-même à un unique époux, une unique épouse, pour la vie.

Jésus semble nous annoncer que, dans la vie éternelle, on ne prend ni femme ni mari. Or tout ce que dit Jésus est forcément une bonne nouvelle. Voici mon hypothèse.

En cette vie, cette communion avec une personne se fait forcément à l’exclusion des autres. En choisissant de se donner totalement et irrévocablement à Cunégonde dans le mariage, Dagobert renonce à la communion parfaite avec Brunehilde, Waldrade et Marcatrude. Ce qui prendra fin avec la résurrection, c’est peut-être justement cette exclusion : dans la vie éternelle, chacun sera en communion parfaite avec Dieu et avec tous, comme si la unité recherchée et réalisée entre un homme et une femme dans le sacrement de mariage se trouvait ouverte à tous.

J’en arrive à mon troisième et dernier point. Disciples du Christ, nous croyons à la résurrection de la chair et à la vie éternelle. Faut-il pour autant tenir cette vie-ci pour sans importance ? Surtout pas !

Le temps plus ou moins long que nous passons sur cette terre est semblable à un entraînement et une préparation. Les choix que nous faisons, nos actes d’amour et nos péchés, exercent dès maintenant la charité dont nous aimerons Dieu et nos frères dans l’éternité. Tous ceux qui seront jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection seront comblés, mais chacun pour sa part, selon que, durant sa vie, il se sera fait un cœur large ou étriqué.

Les martyrs d’hier et d’aujourd’hui sont des hommes et des femmes placés devant cette alternative ultime : ou bien lâcher la main du Christ et laisser de côté tout ce pour quoi ils ont aimé et souffert, ou bien le suivre jusqu’au bout, au prix de leur vie.

Aucun de nous ne sait s’il en serait capable. Laissons-nous cependant inspirer par leur foi et leur courage. C’est le Seigneur lui-même qui leur donne cette foi et ce courage de rendre témoignage jusqu’au bout. Dès aujourd’hui, cherchons avec ardeur à aimer toujours plus le Seigneur et nos frères. Faisons-nous dès aujourd’hui un cœur large et généreux. Tous, nous sommes appelés à nous endormir dans la mort en redisant les paroles du psaume : « Au réveil, je me rassasierai de ton visage, Seigneur. »

 Alexandre-Marie, prêtre