Chrétiens anesthésiés ?

Chrétiens anesthésiés ?

En ce jour où nous fêtons le baptême du Seigneur, saisissons l’occasion de réaliser l’incroyable profondeur de notre foi, l’inouï de cette Bonne Nouvelle qui nous dépasse tant et qui devrait nous remuer, nous réveiller, au moment où peut-être nous sommes biberonnés, saturés, par les annonces entendues chaque jour, les infos et les consignes sanitaires étant devenus une sorte de rituel quotidien.

Peu à peu, des dirigeants « qui nous veulent du bien » nous disent ce que nous devons faire, penser et même comment nous devons voir nos concitoyens, comment nous devons nous ranger entre un camp des gens dits « responsables », et un camp des gens dits « irresponsables ».

Un simplisme qui peut arranger, mais qui est bien dangereux et même violent.

Oui, il nous faut revenir à la source de notre foi, pour mesurer toute la différence entre cette vision moralisante et l’inouï, l’extra-ordinaire de notre révélation qui nous invite à nous laisser saisir par  Dieu venu se rendre solidaire des hommes.

Jésus se mêle à la foule des hommes se reconnaissant fragiles, pécheurs, en  tout cas en besoin de conversion – tous solidairement.

Le Fils de Dieu lui-même se met dans la file (!) de ceux qui reçoivent le baptême de conversion, dans l’eau, donné par Jean-Baptiste. Lui, le Christ, qui est sans péché, se lie pour toujours à nous pour que PAR Lui, gratuitement, et non pas à cause de la justice de nos propres actes, nous ayons le pardon des péchés.

Dieu nous fait miséricorde, c’est une folie. Une folie qui est à cent lieu d’un Dieu venant instituer une religion de gens biens, de gens corrects, de gens jugés « responsables » par des critères de ce monde.

On dit qu’il ne faut pas mélanger notre foi avec la politique. Oui, et bien justement, la politique, ne doit pas nous dicter la vision que nous devons avoir de tel ou tel, de nous-mêmes, de nos contemporains.

Qui nous inspire en premier lieu ??

C’est l’Evangile qui est notre boussole.

Imagine-t-on le Christ examiner Zachée ou un autre :  » hum, hum, voyons, voyons, êtes-vous un bon citoyen ? Un citoyen tout court d’ailleurs ? Un sous-citoyen peut-être? « Voyons mes petites cases : en règle, pas en règle, ce bonhomme ? « 

Non, Jésus s’adresse au coeur intime, que seul Lui peut bien sonder…

Quel coeur, plus ou moins blessé, se cache derrière ce gars jugé « incorrect », infréquentable ?

Or, il n’y a pas le Christ, d’un côté, ma vie spirituelle, et, de l’autre, avec une cloison étanche, ma vie sociale, quotidienne.

Le Christ « seul », qui serait détaché de la vie des hommes, des enjeux de société, singulièrement depuis l’incarnation, ça n’existe pas.

Celui-ci regarde à un niveau de profondeur qui nous échappe à nous-mêmes. Et Il nous invite à nous laisser relever par Lui, tel quel, à nous laisser in-corporer dans son grand corps qu’est l’Eglise.

Le Christ, c’est l’inverse de l’état d’esprit d’un pass pour gens en règle, présumés « responsables »; c’est l’inverse aussi de toute désignation du bouc-émissaire : la place du bouc-émissaire, c’est Lui qui l’a prise!

Notre baptême, notre plongeon en un tel Sauveur, pulvérise toutes nos petites prétentions à être dans un « camp du bien ». Laissons-nous saisir, avec nos pauvretés en tout genre, réjouissons-nous, Dieu s’adresse à chacun de nous : « Tu es mon enfant bien aimé, en qui je trouve ma joie! »

Marc Haeussler, prêtre