« Consubstantiel au Père »
Consubstanquoi ?
Cela ne vous aura pas échappé : dans la nouvelle traduction du missel, « Je crois en un seul Seigneur Jésus-Christ… consubstantiel au Père… » a remplacé « Je crois en un seul Seigneur Jésus-Christ… de même nature que le Père… » Alors, rétropédalage conservateur ? Coquetterie métaphysique ?
Chaque fois que nous professerons le credo, ce terme étrange que nous n’employons qu’à la messe doit nous rappeler que le mystère de Dieu ne se laisse pas circonscrire. L’ancienne traduction, en plus d’être inexacte, nous laissait penser que nous pouvions saisir Dieu avec nos mots de tous les jours, comme même nature. « Tous les chiens sont de même nature que leurs pères et cette vérité de M. de la Palisse ne vaut pas la peine d’être dite, moins encore d’être chantée », tempêtait le philosophe E. Gilson.
Notre raison, donnée par Dieu, doit tout de même nous permettre de dire notre foi aussi justement que possible.
Il s’agit d’éviter deux écueils : d’une part, la confusion des trois personnes de la Sainte Trinité en une déité monolithique qui prendrait tantôt la figure du Père, tantôt celle du Fils, tantôt celle de l’Esprit, d’autre part une séparation nette qui ferait du Père, du Fils et de l’Esprit trois dieux, ou bien un dieu et deux entités inférieures.
Vous et moi partageons la même nature humaine, mais nous ne sommes pas consubstantiels. Dire que le Fils est consubstantiel au Père, c’est affirmer, à la suite des grands docteurs de la foi que furent Saint Athanase d’Alexandrie ou Saint Hilaire de Poitiers au IVe siècle, que le Père et le Fils – sans oublier l’Esprit-Saint – sont le même Dieu, le même être.
Les lecteurs assidus de l’Évangile de saint Jean savent que Jésus revendique à plusieurs reprises le nom divin, donc l’identité divine : « Je suis. » Dieu ne nous a pas envoyé sa meilleure créature, mais bien le Fils né de sa substance, « lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, [lui] qui l’a fait connaître » (Jean 1,18). Lui seul, le Fils Unique pouvait nous faire connaître le Père et nous introduire au cœur de la vie trinitaire, pour que nous devenions par lui « participants de la nature divine » (2 Pierre 1, 4).
Chaque fois que nous achopperons sur ce mot barbare, qu’il nous rappelle que Dieu n’a pas fait semblant de nous aimer.
Alexandre-Marie prêtre