De Judée en Galilée

De Judée en Galilée

« Passant le long de la mer de Galilée, Jésus vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter les filets dans la mer, car c’étaient des pêcheurs. Il leur dit : “Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes.” Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. »

Attendez une minute… est-ce que nous n’avons pas déjà entendu ça la semaine dernière ? La rencontre de Jésus avec André et son frère Simon ? La semaine dernière la scène se passait en Judée, près du Jourdain, sous le patronage de Jean le Baptiste. Aujourd’hui, nous sommes en Galilée, au bord de la mer, et Jean a déjà été arrêté et peut-être exécuté. Alors, y a-t-il contradiction entre Jean et Marc ? Est-ce la preuve que les évangiles sont des contes pour enfants ? Bien sûr que non.

Lorsque Jean le Baptiste était encore en liberté, il prêchait dans le désert de Judée, appelant à la conversion et annonçant quelqu’un qui allait venir après lui. « Après l’arrestation de Jean le Baptiste, nous raconte Marc, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : “Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile.” »

Jésus se situe dans la continuité de Jean ; il prend sa suite et, comme lui, il appelle à la conversion. Je me suis posé cette question : « Se convertir, qu’est-ce que cela signifie ? » Pour mieux le comprendre, regardons les disciples.

La semaine dernière, nous avons appris qu’André était disciple de Jean le Baptiste. Puisque Simon était également auprès de lui, il était probablement aussi un disciple. On pense que c’était aussi le cas des deux frères Jacques et Jean.

Jean le Baptiste ayant été arrêté, ses disciples sont retournés en Galilée, dans leur village, et ont repris leur métier de pêcheurs. Cela ne vous rappelle rien ? C’est un peu comme après la mort de Jésus. Les disciples quittent Jérusalem et retourne pêcher en Galilée.

Souvenons-nous : la semaine dernière, nous avons entendu le cri enthousiaste d’André courant jusqu’à son frère Simon pour lui dire : « Nous avons trouvé le Messie ! » Ce jour-là, guidés par Jean le Baptiste, André, Simon et d’autres disciples ont rencontré Jésus. Et pourtant, en apparence, rien n’a changé dans leur vie. Bravo les disciples ! Bonjour la conversion !

En réalité, leur première rencontre avec Jésus n’a pas laissé André, Simon, Jacques et Jean indifférents. C’est comme s’ils avaient déjà le cœur en éveil, attentif, et c’est pourquoi ils sont si prompts à répondre lorsque Jésus vient à nouveau à leur rencontre au bord de la mer de Galilée. « Passant le long de la mer de Galilée, Jésus vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter les filets dans la mer, car c’étaient des pêcheurs. Il leur dit : “Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes.” Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. »

Cela me fait un peu penser à ce qui se passe lorsqu’on est vacciné. Le vaccin  expose l’organisme à l’agent pathogène, ici Jésus – pardon, Seigneur ! En apparence, rien de changé, mais lorsqu’il se présente à nouveau, aussitôt l’organisme est prêt à réagir. Cette image, avec l’exemple des disciples, nous fait mieux comprendre un des aspects de la conversion. Il ne s’agit pas forcément de faire quelque chose tout de suite, mais plutôt d’être éveillé, attentif, prêt à l’action.

L’expérience forte qu’André, Simon, Jacques et Jean ont vécue auprès de Jean en Judée les a vaccinés, éveillés, rendus attentifs à ce qui les attendait en Galilée. Comme eux, passons nous aussi de Judée en Galilée.

La Judée, pour nous, cela peut être un temps fort, un rassemblement, un pèlerinage, une prédication, une consolation spirituelle. C’est rencontrer le Seigneur Jésus dans un événement qui sort de notre quotidien. Il faut alors que cette expérience prenne racine dans la vie, que nous développions des anticorps, si je puis dire : nous décidons de prendre chaque jour un temps d’oraison ou de lire la parole de Dieu, ou bien d’aller à la messe en semaine de temps à autre, ou de retrouver le chemin de la confession, etc.

Nous revenons alors en Galilée, c’est-à-dire dans notre vie quotidienne. En apparence, rien n’a changé. Mais justement parce que nous avons pris cette décision, de prier par exemple, alors notre cœur est éveillé, disponible.

Pour les cœurs endormis, Dieu est absent du monde. Pour les cœurs attentifs, Dieu est partout, le règne de Dieu est vraiment tout proche et nos journées en Galilée nous offrent cent occasions de répondre à l’appel de Jésus : faire un tour à l’église, puisque le bus n’arrive que dans 15 min, venir en aide à une personne isolée, égarée, ramasser un papier dans la nature, etc. Vivre en état de conversion, c’est ainsi se tenir prêt à répondre à l’appel de Jésus dans le quotidien.

Dans notre vie, il ne peut pas y avoir que de la Judée, que de l’exceptionnel, que des JMJ, que des pèlerinages à Lourdes ou à Annecy. Il faut aussi la vie ordinaire, le quotidien. D’un autre côté, il est bon que des temps forts viennent rompre le rythme de notre vie en Galilée.

Au temps de Jésus, les Juifs se rendaient trois fois par an en Judée pour un pèlerinage à Jérusalem et, aujourd’hui encore, chaque semaine, le sabbat vient interrompre le travail de nos frères juifs et les ramène à l’essentiel.

Il en va de même pour nous. Le temps de l’Avent et de Noël, le temps du Carême et de Pâques, si nous les vivons pleinement, viennent nous réveiller, raviver notre attention, relancer notre marche. Même chose pour le dimanche. Faisons notre possible pour qu’il ne soit pas un jour comme les autres : rompons avec nos occupations, donnons davantage de temps au Seigneur, à notre famille.

Chaque jour, faisons un petit tour par la Judée en prenant un temps de lecture de la Bible, de cœur à cœur avec le Seigneur. C’est ainsi que nous pourrons, dans la Galilée de notre vie quotidienne, reconnaître que le règne de Dieu est tout proche et entendre la voix du Seigneur Jésus.

Père Alexandre-Marie Valder