Fête de la Sainte Famille 26 décembre 2021

Fête de la Sainte Famille 26 décembre 2021

« Heureux les habitants de ta maison : ils pourront te chanter encore ! » L’air de rien, ce petit verset du psaume 83 que nous avons entendu recèle beaucoup de trésors.

En premier lieu, nous avons raison de nous réjouir d’habiter la maison du Seigneur. Même dans le simple domaine naturel, avoir une maison, c’est à la base de tout. C’est avoir un abri, une adresse. C’est avoir un foyer, à la fois un lieu sûr pour soi, un lieu où l’on peut accueillir, un lieu d’où l’on peut sortir pour aller à la rencontre de l’autre. Le pape François, vous le savez, nous parle beaucoup de sortir, d’aller aux périphéries. Les hommes et les femmes qui n’ont pas de foyer, pas de chez-eux, n’ont pas non plus de centre, et qui dit « pas de centre » dit « pas de périphérie ».

Ne soyons pas des SDF spirituels : habitons la maison de Dieu et soyons-en heureux.

Nos familles de cette terre sont le lieu où nous recevons une grande part de ce que nous sommes, le lieu où on nous raconte qui nous sommes. Imaginons Anne et Elcana, les parents de Samuel… imaginons Elisabeth et Zacharie, les parents de Jean le Baptiste, imaginons Marie et Joseph racontant à leurs enfants l’histoire de leurs origines. Voilà d’où tu viens, voilà sur quel fondement tu vas pouvoir édifier ton existence. Non, tu n’es pas un gros tas de protéines jeté dans le néant et l’absurde, tu es le fruit d’une pensée amoureuse de Dieu.

Cela ne vaut pas que pour Samuel, Jean ou Jésus, mais pour chacun de nous, en particulier pour ceux qui ont reçu le baptême. Réjouissons-nous parce que, comme l’écrit saint Paul dans un passage familier de la lettre aux Ephésiens (Ep 2, 19), nous ne sommes plus des étrangers ni des gens de passage, nous sommes concitoyens des saints, nous sommes membres de la famille de Dieu.

Quelle chance et quelle joie d’être de quelque part, d’être enracinés dans un lieu, mais surtout dans une histoire, dans une tradition que nous recevons pour la transmettre. Il y avait déjà à l’époque de Paul, et c’est devenu presque banal aujourd’hui, des hommes et des femmes ballottés à tous les vents des doctrines, qui sont bouddhistes un jour et soufis le lendemain.

Ne soyons pas des girouettes de la pensée : être disciples du Christ dans l’Église catholique, ce n’est pas toujours facile, mais soyez certains que vous tenez là un fondement sûr et solide sur lequel bâtir votre vie. Je suis fils du Père des cieux, fils de l’Église, enfant de Marie, frère de saint Paul, de sainte Thérèse, de saint Léon IX. Nous, disciples du Christ, avons un air de famille. Peut-être avons-nous tous souri à ce lexique catho qui a circulé un temps sur les réseaux sociaux : on ne dit pas « Casse-toi » mais « On reste en UDP , hein ? » ; on ne dit pas « j’en bave en ce moment » mais « j’accueille et je transforme en joie »…

Toutefois…

Toutefois, nous ne savons bien : nos familles de la terre sont toutes imparfaites. C’était même probablement le cas pour la Sainte Famille et, hélas pour le pauvre Joseph, la faute en revenait toujours à lui. Je vous rappelle le verset de psaume par lequel j’ai ouvert ma méditation : « Heureux les habitants de ta maison : ils pourront te chanter encore ! » La deuxième partie du verset, ce « ils pourront te chanter encore ! » semble nous ouvrir à un toujours plus, à une joie qui nous attend au-delà de l’horizon. Impossible pour un catholique de rester sur son quant-à-soi, bien pépère dans la maison du Seigneur. Le mot même de catholique, difficile à traduire, comporte un aspect dynamique, un élan vers l’extérieur.

Cet élan nous porte déjà à regarder vers l’au-delà. Nous avons notre citoyenneté dans les cieux, écrivait encore saint Paul aux Philippiens (Ph 3, 20). C’est bien ce que nous chantons parfois : « Notre cité se trouve dans les cieux. »

Même si nous habitons déjà la maison de Dieu, déjà membres de la famille de Dieu, nous ne sommes pas encore au bout du chemin. Joseph et Marie, comme tous les pieux Israélites, accomplissaient les trois pèlerinages annuels à Jérusalem. Trois fois par an, tout Israël vient reprendre souffle au Temple, là où habite le Seigneur. Trois fois par an, chacun se rappelle, avec tout son corps sollicité par la marche, qu’il appartient à un peuple en marche.

Saint Jean nous invite à demeurer en Dieu mais, ne nous y trompons pas : il n’y a rien de moins statique que de demeurer en Dieu. Dieu est le Vivant. Son être-même est un torrent jaillissant de vie. Demeurer en Dieu demande aujourd’hui un effort, un effort pour être fidèle à la prière et à la vie sacramentelle, un effort pour discerner et choisir, jour après jour, le bien à accomplir et le mal à éviter, pour – comme l’écrit encore saint Jean – mettre notre foi dans le nom de Jésus et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé.

Aujourd’hui, l’effort, et demain, le repos auprès du Seigneur, comme nous le prions après le Notre Père « délivrés de tout péché, à l’abri de toute épreuve ».

En attendant le temps du repos en Dieu, efforçons-nous, à l’école de la Vierge Marie et de saint Joseph, de devenir des hommes et des femmes de prière, des hommes et des femmes qui brûlent du temps pour Dieu chaque jour. Lorsque, dans les mystères du rosaire, nous méditons la perte et le recouvrement de Jésus au Temple, nous demandons à Dieu la grâce de le rechercher en tout temps. C’est bien cela que nous apprenons de Marie et Joseph : chercher Jésus en toute chose, faire toute chose en sa présence, vivre dans l’intimité du Christ.

Que cette année qui va s’ouvrir soit pour chacun une année de recherche inlassable de Jésus, pour qu’au soir de notre vie, nous puissions entrer dans la demeure éternelle et lui dire : « Heureux les habitants de ta maison : ils pourront te chanter encore ! »

Alexandre-Marie, prêtre